Cette grammaire du français a été conçue pour servir de support et de référence à des cours de grammaire, de prononciation et d’expression orale et écrite donnés à des étudiants de français finnophones de l’enseignement supérieur en Finlande. Ces étudiants ont des connaissances préalables du français acquises généralement, mais non exclusivement, en milieu scolaire (3 à 5 ans) et sont en principe (mais en réalité parfois assez peu ou même très peu) familiarisés avec la doxa grammaticale du finnois et du français, autrement dit avec les descriptions et la terminologie communément diffusées dans l’enseignement scolaire de ces deux langues.
Cet ouvrage n’est pas une description générale de la grammaire du français, mais un guide pratique et utilitaire de grammaire française pour la compréhension et la production du français mettant l’accent sur les difficultés typiques. Les définitions des notions étudiées (verbe, adjectif, sujet, complément etc.) sont minimales et ont essentiellement pour objet de mettre un nom sur le fait de langue examiné. Les rubriques du sommaire ne sont pas des prises de position théoriques sur l’appartenance de tel ou tel élément du discours à une catégorie plutôt qu’à une autre, mais de simples sous-titres de rangement.
Pour la description des faits de langue, on utilise la plupart du temps les termes de la nomenclature grammaticale finnoise et française (celle-là étant souvent très proche de celle-ci), en y ajoutant au besoin des termes plus « techniques » (anaphore, adposition…) qui n’y figurent habituellement pas. Pour le finnois, on renvoie à l’excellent lexique grammatical Sananselityksiä, liste de définitions simplifiées de la monumentale grammaire VISK, version en ligne (2008) de Iso suomen kielioppi (Grande grammaire du finnois, 2005). Quand cela peut éclairer les convergences ou divergences entre le français et le finnois ou des faits de langue représentant des zones de fossilisation potentielle (opposition IL-ÇA, « partitif » etc.), on utilise des descriptions ou des termes non conventionnels.
La Finlande est un pays épargné par les élucubrations orthographiques. La grammaire tient dans l’enseignement scolaire une place modeste, et, au terme du cursus scolaire, les connaissances des élèves en matière d’analyse et de terminologie grammaticales sont le plus souvent modestes également. En outre, les apprenants finlandais de français, au contraire de ceux de certains autres pays, ont une représentation de la langue française, de sa grammaire et de son prestige, relativement éloignée de celle prévalant en France (et généralement véhiculée dans les manuels de français langue étrangère). Tout cela permet une approche plus décomplexée, autrement dit plus contextualisée, de la description des faits de langue et de leur place dans l’ordre des priorités.
Sur de nombreux points, la présente Grammaire propose des descriptions très différentes de la perspective franco-française de l’enseignement de la grammaire du français, adaptées à ce public spécifique. Le recul de près d’une quinzaine d’années de présence en ligne et les commentaires et questions des utilisateurs – étudiants finnophones mais surtout lecteurs d’autres pays – montrent que nombre des descriptions non conventionnelles qui y sont présentées sont extrapolables et applicables mutatis mutandis ou même telles quelles aux besoins et interrogations d’apprenants et d’enseignants d’origines linguistiques très diverses. Elles seraient donc probablement transposables et applicables à la description et l’enseignement de la grammaire du français en général, c’est-à-dire aussi pour les francophones.
Le contenu des pages est agencé dans un ordre qui va empiriquement du plus général (et du plus immédiatement utile aux étudiants de niveau moyen B1/B2) au plus spécifique (niveau C1), en fin de page. Si besoin est, certaines explications approfondies et remarques diverses figurent parfois immédiatement après des descriptions de niveau moyen.
Le retour des lecteurs au cours des années montre que cette grammaire est aussi consultée par des locuteurs de français L2 de niveau avancé, d’origines linguistiques très diverses, qui recherchent des explications détaillées sur des faits de langue qui ne sont pas mentionnés ou décrits suffisamment dans les grammaires françaises, ou qui le sont dans des contenus non publiés en ligne et donc difficilement accessibles pour eux. C’est à leur intention et en réponse à des questions récurrentes que sont données parfois des explications dont la finalité ou le niveau de détail pourront sembler en contradiction avec l’objectif utilitaire affiché plus haut. Mais les grammaires servent souvent aussi aux spécialistes, qui y cherchent des réponses à des questions très spécifiques.
Toute grammaire contextualisée se doit par essence d’accorder une large place à la description des variations du français (écrit/parlé etc.), car les apprenants allophones n’ont pas grandi dans le contexte linguistique ni reçu de formation scolaire suffisamment longue leur permettant de distinguer entre les règles du code écrit et les pratiques langagières du français parlé ou entre les différents styles (écrit strict, français courant, familier, très familier etc.).
Bien plus que par un séjour dans un pays francophone, c’est par l’intermédiaire d’Internet et des réseaux sociaux, réservoirs inépuisables de variation, que les étudiants sont confrontés aux pratiques quotidiennes du français. Il est donc indispensable de leur fournir un minimum de repères concernant la norme et la contre-norme, les usages et les contre-usages (ce qu’on qualifie de fautes dans la représentation de la grammaire par les francophones). Pour cette raison, le français parlé et et le français non conventionnel tiennent dans cette grammaire une place importante, de même que les remarques sur les écarts courants à la doxa grammaticale (plutôt qu’à la grammaire), ou même les écarts non recevables mais néanmoins fréquents.
De nombreux étudiants finlandais de français au niveau universitaire effectuent en temps normal un long séjour, inscrit dans leur cursus, en France ou en Belgique, dans le cadre du programme Erasmus notamment. Comme tous les apprenants de français langue étrangère, ils sont généralement confrontés au choc linguistique du contact avec la réalisation orale du français. Plus, ou au moins autant qu’à des divergences grammaticales ou lexicales entre norme du code écrit et pratiques du français parlé, ce choc est dû à l’impréparation à la réalisation phonique des séquences graphiques des mots appris « dans les livres » (la correspondance ou plutôt la non-correspondance graphie-phonie).
Dans le passage de l’écrit à l’oral, des lettres disparaissent (le l de il devant consonne ou de quelque chose), des formes réputées non élidées le sont fréquemment (qui, tu), des mots « disparaissent » également (ne négatif, il devant faut ou y a, que dans qu’est-ce que tu dis). Ces modifications ou disparitions mettent en contact des phonèmes qui ne le sont pas dans la représentation graphique de la séquence, et peuvent déclencher des réactions en chaine dues à l’assimilation de sonorité, qui ont aussi des répercussions importantes sur le schéma rythmique des séquences. L’appropriation de ces mécanismes passe évidemment par une exposition prolongée au français parlé in situ, mais on peut au moins y préparer les étudiants par une explication des faits de grammaire qu’ils recouvrent, et aussi par des exercices de prononciation qui les illustrent.
Le Guide de prononciation française pour apprenants finnophones, qui propose de tels exercices, signalés aux points de grammaire concernés par le symbole cliquable , est ainsi un complément essentiel de la présente Grammaire du français pour finnophones. Les exercices portent également sur des structures grammaticales de base, notamment l’ordre et la place des pronoms faibles devant le verbe, qui sont une pierre d’achoppement traditionnelle pour tous les apprenants de français langue étrangère, qui pourront donc également profiter de ces exercices.
L’apprentissage de l’ordre des pronoms peut être facilité par la répétition de séquences phoniques, plutôt ou au moins autant que par l’approche traditionnelle d’exercices de transformation. Il en va de même, l’expérience le prouve, pour la production, la compréhension et l’acquisition des modifications résultant de l’effacement de l’article indéfini après de (/imfodetomat/
vs /ʒebzwɛ̃tːomat/
).
1. Présentation. Mise à jour 16.9.2024.