Dans la terminologie grammaticale habituelle, on appelle « superlatif relatif » une construction avec un adjectif ou un adverbe qui établit une comparaison entre deux ou plusieurs éléments d’un groupe. On le forme en ajoutant un article défini devant l’adjectif précédé de plus ou moins et il correspond au superlatif finnois en ‑in (suurin, vaikein) :
le plus grand livre ■ la place la moins chère ■ les questions les plus faciles
L’article défini s’accorde avec le nom auquel il se rapporte. Si le superlatif est postposé, on répète l’article défini devant le groupe plus adjectif ou moins adjectif :
Aino a choisi la plus grande glace. ■ Ces roses sont les moins chères que j’aie trouvées. ■ Nous sommes allés dans le restaurant le plus proche.
Remarque : le superlatif meilleur peut avoir à lui seul le sens de « même le meilleur », en finnois paraskin/ paraskaan :
Les meilleures grammaires de français n’apportent pas toujours de réponse aux problèmes particuliers des apprenants finnophones. ■ Les meilleurs amis peuvent avoir des désaccords. ■ On voit ça dans les meilleures familles. ■ Les meilleures intentions du monde peuvent parfois avoir des conséquences funestes.
Le superlatif relatif des adverbes se forme de la même manière que celui des adjectifs, mais l’article défini est toujours au masculin (l’adverbe est sans genre) :
C’est toujours Antoine qui trouve la solution le plus vite. ■ C’est notre voisin qui lave sa voiture le plus souvent.
Normalement, l’article défini reste invariable (il est sans genre, formellement au masculin) quand on compare deux degrés d’une même chose, autrement dit quand en finnois on utilise non pas le superlatif en ‑in mais l’adverbe eniten + adjectif. On oppose ainsi :
(1) C’est au début du voyage que nous avons été le plus fatigués.
(2) De tous les membres du groupe, c’est nous qui étions les plus fatigués.
Dans l’exemple (1), la comparaison porte sur le degré de fatigue, et non pas sur nous. En (2), la comparaison porte sur nous par rapport aux autres membres du groupe. Cette règle prête toutefois à interprétation (on tulkinnanvarainen) et il règne un flottement considérable chez les usagers ; c’est pourquoi il est assez fréquent qu’on accorde l’article avec le nom. Mais dans le cas du superlatif de l’adverbe, l’article est toujours le.
Quand on veut dire que dans un ensemble composé de deux éléments l’un des éléments est meilleur, plus grand etc. que l’autre, le français utilise le superlatif, alors que le finnois utilise le comparatif :
Quel chemin tu prends pour rentrer, le plus court ou le plus long ? – Je prends le plus long, parce qu’il y a de si beaux paysages. Kumpaa reittiä menet kotiin, lyhyempää vai pidempää? – Menen pidempää, koska siinä on niin kauniita maisemia.
Dans certaines expressions, en français on emploie le positif là où le finnois emploie le comparatif :
le beau sexe kauniimpi sukupuoli ■ tirer la courte paille vetää lyhyempi korsi
Remarque : dans la phrase Je prends le plus long, l’article est interprété par les locuteurs francophones comme un élément obligatoire du superlatif le plus adjectif. Quand on compare deux éléments seulement, on pourrait cependant aussi interpréter ce groupe comme la combinaison de l’article défini et d’un comparatif le + plus adjectif (cf. l’italien). Comme l’article défini est utilisé de toute façon, il est difficile de trancher entre les deux interprétations et cela ne joue aucun rôle sur le plan pratique. L’essentiel pour l’étudiant finnophone est de se souvenir que le comparatif se traduit dans un tel cas par un superlatif en français (et inversement, l’apprenant français de finnois doit se rappeler que le superlatif équivaut ici à un comparatif en finnois).
Le complément du superlatif est introduit par la préposition de :
La Joconde est sans doute le tableau le plus célèbre du monde. ■ Malte est le plus petit État de l’Union européenne. ■ Le lilas a l’un des parfums les plus agréables de toutes les fleurs.
Parfois on peut aussi utiliser la préposition parmi ou d’entre :
C’est le meilleur parfum d’entre tous.
Le complément du superlatif peut aussi être une proposition relative. Dans ce cas, le verbe de la relative se met généralement au subjonctif :
Ce sont les plus belles iles que nous ayons vues dans ces mers.
Dans la terminologie grammaticale habituelle, on utilise le terme de « superlatif absolu » pour désigner des expressions contenant un adverbe intensif qui renforce un adjectif. Le superlatif absolu correspond donc au positif (adjectif simple) précédé par exemple des adverbes comme très, extrêmement :
extrêmement compliqué, très beau, vraiment très compliqué
On ne peut normalement pas former de superlatif absolu avec des adjectifs qui expriment une propriété ou une qualité très marquée ou exagérée, autrement dit qui sont sémantiquement des sortes de superlatif absolu :
magnifique, merveilleux, admirable, extraordinaire, superbe, délicieux, sublime, excellent, effroyable, affreux, horrible, capital, essentiel
On ne peut pas dire *très magnifique, *très essentiel, *très effroyable (sauf par plaisanterie) etc. La forme *très essentiel est une erreur fréquente chez les finnophones, qui est due au fait qu’en finnois on peut dire sans problème hyvin oleellinen. L’équivalent français de hyvin oleellinen est par exemple capital ou tout à fait essentiel etc. De même, l’adverbe extrêmement (erittäin) ne peut pas en général s’utiliser avec un adjectif à valeur de superlatif ; en finnois en peut dire erittäin oleellinen, en français on dit absolument essentiel (*extrêmement essentiel est perçu comme tautologique).
Devant des adjectifs exprimant un superlatif, on peut donc utiliser par exemple les adverbes tout à fait ou absolument :
tout à fait essentiel, absolument essentiel, tout à fait merveilleux, tout à fait sublime, absolument capital, absolument horrible etc.
Cependant, on ne peut pas utiliser tout à fait devant l’adverbe trop (pour traduire le finnois aivan liian) ; il faut utiliser beaucoup (ou bien, mais avec prudence) :
aivan liian vaikea beaucoup trop difficile, bien trop difficile ■ Hän puhuu aivan liikaa. Il parle beaucoup trop.
On peut aussi former des superlatifs absolus à l’aide des préfixes ultra-, extra-, archi-, extra-, super-, hyper- ou d’autres similaires. Ce procédé est courant dans le code écrit et encore plus courant dans le français parlé :
ultra-léger, extra-fin, archicomplet, super-facile, hyper-grand, méga-débile
On peut aussi former des superlatifs absolus avec le suffixe (d’origine italienne) ‑issime :
richissime upporikas, rarissime erittäin harvinainen, célébrissime erittäin kuuluisa, illustrissime erittäin maineikas, grandissime mitä suurin
Dans le code écrit, seuls richissime et rarissime sont courants, les autres sont plus ou moins fréquents et sont plutôt du style soutenu. Mais le suffixe -issime peut être considéré comme vraiment productif, car il est couramment employé dans le style familier, comme le prouve le nombre élevé des occurrences des formes suivantes sur Internet :
crétinissime, simplissime, débilissime, connissime, merdissime, chiantissime, stupidissime, loufoquissime ■ On a passé une super journée avec un début d’évènement topissime... [superlatif de l’anglicisme top, Ouest-France, 3.6.2022]
Le superlatif peut s’employer comme nom et occuper les fonctions de sujet, attribut, complément de verbe etc. :
Le plus rapidement sera le mieux. ■ On a évité le pire. ■ Le pire, c’est que nous avons raté l’avion et avons dû attendre le suivant trois jours. ■ Le plus ennuyeux dans toute cette affaire a été que nous avons perdu trois jours de vacances.
Le mieux et le pire s’utilisent dans diverses expressions courantes :
s’attendre au pire varautua pahimpaan ■ qui mieux est… /kimjøze/
ja mikä parasta… ■ au pire pahimmassa tapauksessa ■ au mieux parhaassa tapauksessa ■ pour le meilleur et pour le pire myötä- ja vastoinkäymisissä ■ Tout va pour le mieux. Kaikki on parhain päin. ■ pratiquer la politique du pire maalata piruja seinälle ■ On constate un léger mieux. [Potilaan] tila on hieman kohentunut ■ Il y a du mieux. On tapahtunut edistystä. ■ Le mieux est l’ennemi du bien. Paras on hyvän vastakohta.
Il est courant en finnois de renforcer l’idée exprimée par le superlatif en le faisant précéder de mitä : mitä mainioin, mitä tyypillisin. Cette construction correspond en français à un adjectif ordinaire (positif) précédé de la locution figée on ne peut plus (mot à mot « enempään ei pysty ») :
C’était un cas on ne peut plus classique. Se oli mitä tyypillisin tapaus. ■ Le temps était on ne peut plus beau. Sää oli mitä mainioin. ■ Cette manière on ne peut plus simple de procéder demande pourtant beaucoup d’attention. Tämä mitä yksinkertaisin tapa menetellä vaatii kuitenkin suurta huolellisuutta.
L’autre possibilité de traduire mitä + superlatif est d’utiliser la construction des plus + adjectif :
Cette construction est des plus simples.Tämä rakenne on mitä yksinkertaisin. ■ C’était un reportage des plus bouleversants. Se oli mitä järkyttävin uutisraportti.
Dans le cas des adjectifs facile, simple, normal, naturel, on peut également utiliser la locution figée tout ce qu’il y a de plus + adjectif :
Sa réaction était tout ce qu’il y a de plus naturel. Hänen reaktionsa oli mitä luonnollisin. ■ C’est tout ce qu’il y a de plus simple. Se on mitä yksinkertaisinta.
Si on utilise l’une ou l’autre de ce deux constructions avec les comparatifs meilleur ou mieux, l’adverbe plus est supprimé :
Une fois arrivées, nous avons trouvé un hôtel tout à fait convenable, on ne peut meilleur marché, avec une douche chaude. ■ Ce restaurant est vraiment tout ce qu’il y a de mieux. Se ravintola on todella mitä parhain.
Le superlatif peut aussi être renforcé par exemple avec les adverbes de beaucoup, de loin, le groupe prépositionnel du monde ou l’adjectif possible :
Cette candidate était de beaucoup la plus qualifiée. Hän oli ylivoimaisesti nopein. ■ C’était de loin la solution la moins chère. Se oli selvästi halvin vaihtoehto. ■ C’était le vol le moins cher possible. Se oli halvin mahdollinen lento. ■ Il faut partir le plus rapidement possible. Täytyy lähteä mahdollisimman nopeasti. ■ C’est la chose la plus naturelle du monde. Se on mitä luonnollisin asia. ■ C’était le film le plus nul du monde. Se oli mitä tylsin elokuva. ■ L’enfant n’avait pas l’air gêné le moins du monde. Lapsi ei alkuunkaan ujostellut.
Le superlatif peut également être renforcé par une relative :
C’est la meilleure solution qui soit. Se on paras mahdollinen ratkaisu.
En finnois, l’adverbe correspondant à « très » qui sert à exprimer un superlatif absolu est hyvin. Ce mot hyvin a cependant également le sens de « bien » (« de bonne manière »). Pour cette raison, les finnophones ont tendance à calquer en français la traduction de hyvin en utilisant bien à la place de très devant un adjectif pour exprimer un superlatif absolu. Pourtant, il est très fatigué et il est bien fatigué ne sont pas équivalents, car le mot bien apporte une nuance particulière.
Bien peut être un adverbe signifiant « de bonne manière », en finnois hyvin ou oikein, et dans ce cas-là, son emploi ne pose pas de problème :
Tu as bien travaillé. ■ Il n’a pas bien compris. ■ Elle parle très bien le français. ■ Je ne suis pas bien réveillé. ■ Si je comprends bien, tu n’es pas d’accord. ■ Quand le corps a été bien fatigué par le long travail du jour, le sommeil vient rapidement. [bien fatigué mot à mot : « kunnolla väsytetty »]
Bien modifiant un adjectif peut cependant prendre une nuance subjective qui indique une évaluation de la part du locuteur. Il n’existe pas d’équivalent exact en finnois, le sens dépend du contexte. Le mot bien peut marquer l’étonnement, la commisération, l’indignation, l’ironie etc. :
Elle avait l’air bien fatiguée. Kylläpäs hän näytti väsyneeltä!. ■ Voilà une théorie qui est bien intéressante. Tämäpä on mielenkiintoinen teoria. ■ Ce que tu me racontes est bien intéressant, mais ce n’est pas ça que je voulais savoir. Se mitä kerrot on oikein mielenkiintoista [nuance ironique], mutta se ei ole se asia, jonka halusin tietää.
Le sens de bien devant adjectif est souvent aussi malaisé à saisir que dans le groupe déterminant bien des et, pour l’étudiant de français langue étrangère, il vaut donc mieux éviter de l’utiliser. C’est notamment le cas dans un écrit de type scientifique, qui doit être de préférence de ton (sävyltään) neutre. Dire
Nous avons trouvé cette théorie bien intéressante.
équivaut presque à dire avec ironie que la théorie semblait étrange, absurde ou ridicule. De même, l’exemple suivant est d’un style presque familier :
Nous avons trouvé des exemples bien intéressants. Meilläpäs on oikein mielenkiintoisia esimerkkejä.
De même, la culture française est bien connue pourrait signifier, en fonction du contexte, de façon péjorative « mais oui, on les connait, les Français et leur culture » (kyllähän me tiedetään se ranskalainen kulttuuri). En revanche on peut dire :
Cette règle est en général bien connue des apprenants. ■ Cette ancienne culture est bien connue des chercheurs. ■ La culture française est bien connue dans ce pays.
Dans ces phrases, bien signifie concrètement « de bonne façon, de façon satisfaisante », car le contexte (les autres éléments de la phrase) indiquent que bien doit être pris dans son sens concret. Il est donc préférable de ne pas employer bien devant un adjectif, car l’effet obtenu est souvent indésirable. Les apprenants finnophones ne s’en rendent pas compte, car ils s’imaginent que bien ou très sont synonymes et que bien n’est qu’une variante de très, mais l’effet de l’utilisation de bien devant adjectif dans un texte argumentatif peut être assez désastreux.
Bien peut aussi avoir le sens d’un adverbe de phrase signifiant « effectivement » (todellakin, toki, hyvinkin). Bien peut donc avoir trois sens diffférents :
(a) Il était bien fatigué, il a dormi comme une souche. Hän oli oikein väsynyt, hän nukkui kuin tukki. [bien = de bonne manière, suffisamment, kunnolla]
(b) Ton frère est bien fatigué, à ce qu’il me semble. Veljesi vaikuttaa melko/ todella väsyneeltä [bien = valeur subjective, exprime l’inquiétude, melko, aika lailla, kummallisen etc.]
(c) Il est bien fatigué, mais il n’a pas le choix, il faut qu’il rende ce travail pour demain. Hän on tosin väsynyt, mutta ei auta, hänen on palautettava se työ huomiseksi. [bien = certes, effectivement, tosin]
29. Le superlatif. Mise à jour 1.3.2024