L’exclamation (huudahdus) peut être marquée à l’oral par l’intonation, c’est-à-dire par des variations de mélodie et/ou d’intensité, qui sont « transcrites » à l’écrit par un point d’exclamation (!), ou bien elle peut être exprimée par des conjonctions, des interjections (interjektio, huudahduspartikkeli), des adjectifs ou des pronoms exclamatifs. Dans l’ensemble, on retrouve les mêmes mécanismes en finnois et en français.
Le plus souvent, l’exclamation est marquée par une interjection, par exemple un adverbe ou un nom. On peut aussi utiliser des phrases nominales ou des mots isolés qui ont ainsi une valeur d’interjection, ainsi que diverses onomatopées (paf, boum, ah, oh, plouf, crac etc.) :
Attention, la bouteille va tomber ! ■ Simone a raté son permis. – Encore !? ■ Les invités sont arrivés. – Déjà ! ■ La Finlande a gagné le championnat du monde de hockey. – Pas possible ! ■ On est invités dimanche à la fête. – Génial ! ■ Bravo ! Tu as réussi ! ■ Patatras, ça s’est écroulé !
L’ordre des mots dans la phrase exclamative (huudahduslause) est habituellement l’ordre normal SVO. Cependant, l’inversion du sujet est utilisée dans deux cas :
a. l’inversion peut suffire telle quelle pour exprimer l’exclamation, surtout dans le code écrit, quand le verbe est le verbe être avec comme sujet un pronom faible. Cet emploi concerne un nombre limité d’adjectifs :
Est-il bête ! ■ Suis-je sot ! ■ Est-elle jolie ! ■ Est-ce possible !
L’expression Suis-je bête ! (Olenpa tyhmä!), est aussi assez fréquemment employée dans le français parlé, comme une sorte de locution exclamative dont le sens est presque aussi neutre que celui de voi että! ou niinpä tietenkin!
b. l’inversion s’utilise aussi dans un certain nombre de constructions introduites par diverses marques d’exclamation, et qui sont présentées ci-dessous. L’inversion est alors en concurrence avec l’ordre des mots normal, et elle est utilisée essentiellement dans le code écrit.
En français, l’article défini peut avoir une valeur exclamative. Il est ainsi synonyme du déterminant exclamatif quel, par lequel on pourrait le remplacer dans tous les exemples ci-dessous. Cet emploi est très fréquent dans le français parlé, mais se rencontre aussi dans le code écrit :
L’imbécile ! Senkin hölmö! ■ Le malheureux ! Voi raukka! ■ Le magnifique paysage ! Kuinka upea maisema! ■ La gaffe ! Mikä munaus! ■ Le coup de pot ! Mikä tuuri! ■ Purée ! La bagnole ! Kääk! Mikä kaara!
Le déterminant quel est couramment utilisé pour marquer l’exclamation. Il peut s’utiliser devant un nom seul, comme attribut du sujet, dans une phrase avec inversion ou avec ordre des mots normal. Les équivalents finnois sont variés, ce sont soit le déterminant millainen, soit l’adverbe kuinka :
Quel paysage ! ■ Quel temps de chien ! ■ Quel voyage fatigant ! ■ Quelle pluie, les amis ! ■ Quelle blague ! ■ Quelles photos extraordinaires il nous a montrées ! ■ Dans quelle histoire il s’est embarquée ! ■ Quelle chance tu as eue ! ■ Quelle ne fut pas sa surprise ! ■ Avec quelle passion il se consacre à ce travail ! ■ Quel travail gigantesque avait-il entrepris là ! / Quel travail gigantesque il avait entrepris là !
Les adjectifs tel, pareil et les adverbes tellement et si modifiant des adjectifs s’utilisent fréquemment dans l’exclamation, comme en finnois niin et sellainen. Les adverbes tellement et tant peuvent se combiner à de pour former des déterminants composés (tellement de, tant de) :
Ce bébé est si mignon ! ■ Elle était tellement nerveuse avant son examen ! ■ On a encore tellement de choses à régler avant de partir en voyage ! ■ Ce n’est pas si extraordinaire ! ■ Je n’ai jamais entendu des bêtises pareilles ! ■ Je n’ai pas pu fermer le livre avant de l’avoir fini, c’était tellement passionnant ! ■ Et pourtant, tu as encore tellement de livres à lire ! ■ Nous qui avons tant fait pour lui ! Voilà comment il nous remercie !
Ces deux conjonctions s’utilisent de la même manière, en tête de phrase, et portent sur un verbe. Elles expriment une notion d’intensité (forme intensive de très ou beaucoup) :
Que je suis fatigué ! / Comme je suis fatigué ! ■ Que tu es bronzée ! Comme tu es bronzée ! ■ Que c’est compliqué ! / Comme c’est compliqué ! ■ Que ça parait long, cet été pluvieux ! Comme ça parait long, cet été pluvieux ! ■ Que tu manques d’ambition ! Comme tu manques d’ambition !
On peut former le déterminant composé que de, qui exprime en général une quantité soit massive, soit comptable :
Que de monde dans ce magasin ! ■ Que d’eau, que d’eau ! ■ Que de difficultés n’ont-ils pas rencontrées ! ■ Cela signifie un investissement certes un peu plus important, mais que de possibilités !
Comme ne peut pas former de déterminant complexe, mais on peut l’employer avec la même valeur de quantifiant en l’associant par exemple à un verbe :
Comme il y a du monde dans ce magasin ! ■ Comme ils ont du choix ici ! ■ Comme il a été serviable, ce vendeur !
Combien s’utilise de la même manière que que, mais insiste davantage sur la quantité « concrète » (que est de sens plus diffus). Alors que que exclamatif est proche de très ou beaucoup, combien est plus proche de à quel point, en grande quantité. Comparer :
Que cette mission a été longue et pénible ! [simple constatation d’un sentiment éprouvé] ■ Combien cette mission a été longue et pénible ! [insistance sur la quantité concrètement mesurable (ou ressentie) de longueur et de peine]
Comme que, le mot combien peut se combiner à de pour former un déterminant composé. À la différence de combien utilisé seul, combien de exprime uniquement la quantité concrète, pas l’intensité :
Combien de nuits il a passées à rédiger cette thèse, pour finalement ne jamais la terminer ! ■ Oh combien de marins, combien de capitaines, / Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,/ Dans ce morne horizon se sont évanouis ! [Victor Hugo] ■ Combien de fois je le lui ai répété ! ■ Combien de difficultés n’ont-ils pas rencontrées !
L’autre différence avec que de est le fait que le déterminant combien de ne peut pas s’employer sans verbe. Comparer :
Cela signifie un investissement certes un peu plus important, mais que de possibilités ! [le verbe il y a est sous-entendu] ■ Cela signifie un investissement certes un peu plus important, mais combien de possibilités il y a ! [impossible de dire : …, mais combien de possibilités !]
Dans le code écrit, le groupe combien + adjectif ou combien de + nom peut se placer devant le verbe (qui peut lui-même être inversé, mais ce n’est pas obligatoire) :
Combien grande est la méconnaissance de nos institutions ! ■ Combien difficile il est d’exprimer les choses qui sortent de nos conceptions ! ■ Combien d’amour avait-elle prodigué à cet homme, et combien ignorant celui-ci en était !
Plus couramment :
Combien la méconnaissance de nos institutions est grande ! ■ Combien il est difficile d’exprimer les choses qui sortent de nos conceptions ! ■ Combien d’amour elle avait prodigué à cet homme, et combien celui-ci en était ignorant !
Diverses conjonctions, locutions et constructions qui expriment le souhait (elles ont une valeur optative) s’emploient de façon exclamative, et elles correspondent en finnois par exemple à kunpa ou toivottavasti ou à un impératif de personne 3/6 (par exemple olkoon) :
Pourvu que ça dure ! ■ Si seulement il pouvait travailler un peu plus ! ■ Puissiez-vous réussir ! ■ Puissè-je le faire changer d’avis ! ■ Puissent-ils réussir dans leur mission ! ■ Si seulement il arrêtait de pleuvoir ! ■ Le ciel vous entende ! ■ La peste soit des astrologues ! ■ Fasse le ciel que cela réussisse !
Comme forme d’exclamation, on utilise assez fréquemment un infinitif, dont le sujet peut être exprimé par un GN ou un pronom détaché. L’idée contenue dans l’infinitif peut être infirmée (kumottu) par une interjection. Le finnois ne connait pas cet emploi de l’infinitif seul, l’équivalent est le plus souvent une phrase conjonctive (notamment introduite par että) :
Partir, enfin ! Vihdoinkin matkaan! ■ Lui, mentir ? Mais pas du tout ! Hänkö valehtelee? Ei todellakaan! ■ Moi, ne pas venir à ton anniversaire, mais tu rigoles ?! Minäkö jättäisin tulematta synttäriisi, älä luule! ■ Trimballer tout ça au septième sans ascenseur ?! Très peu pour moi ! Että pitäisi raahata kaikki kuudenteen kerrokseen ilman hissiä? Ei kiitos!
Dans le français parlé, à la place de que ou de comme, on utilise fréquemment la construction qu’est-ce que ou sa variante ce que. De même, à la place de que de, on emploie couramment qu’est-ce que… comme ou ce que… comme (ce que est prononcé /skɶ/
) :
Qu’il fait beau ! > Qu’est-ce qu’il fait beau ! / Ce qu’il fait beau !
Que tu es bronzé ! > Qu’est-ce que tu es bronzé ! / Ce que tu es bronzé !
Que de livres tu as acheté ! > Qu’est-ce que tu as acheté comme livres !
Que de monde ! > Qu’est-ce qu’il y a comme monde ! / Ce qu’il y a comme monde !
Que j’aimerais prendre des vacances ! > Qu’est-ce que j’aimerais prendre des vacances ! / Ce que j’aimerais prendre des vacances !
Comme il chante bien ! > Qu’est-ce qu’il chante bien ! Ce qu’il chante bien !
Comme tu es pâle ! > Qu’est-ce que tu es pâle ! Ce que tu es pâle !
Comme on a rigolé, ce soir-là ! > Qu’est-ce qu’on a rigolé ! / Ce qu’on a rigolé !
Comme on s’est marrés ! > Qu’est-ce qu’on s’est marrés ! / Ce qu’on s’est marrés !
À la forme négative, la construction est souvent disloquée (et délicate à interpréter pour le non francophone) :
Qu’est-ce qu’il ne nous a pas raconté comme histoires ! [comprendre : Que d’histoires il nous a racontées !] ■ Qu’est-ce qu’on n’a pas eu comme ennuis ! [comprendre : Que d’ennuis nous avons eus !] ■ Qu’est-ce que les spectateurs ne hurlaient pas comme grossièretés ! [comprendre : Quelle quantité de grossièretés les spectateurs hurlaient ! Que de grossièretés les spectateurs hurlaient !]
L’article indéfini peut s’utiliser avec une valeur exclamative dans la construction attributive être… d’un…, dans laquelle d’un est synonyme de tel ou tellement. Cette construction s’utilise dans le code écrit et dans le français parlé devant un nom :
Ce paysage est d’une beauté ! ■ Il est d’une paresse ! ■ Cette histoire est d’une sottise !
On peut utiliser conjointement l’adjectif tel :
Elle est d’une telle sottise ! ■ Il est d’une telle paresse !
Plus fréquemment, dans le français parlé, à la place du nom on utilise un adjectif sans genre (formellement au masculin) invariable :
Elle est d’un paresseux, c’est pas possible ! ■ C’est d’un difficile, cette sonate ! ■ C’est d’un compliqué, ce truc ! ■ C’est d’un débile, cette histoire ! ■ [Relevé dans des blogs :] Oh misère, c’est d’un chiant les cadeaux entre adultes pour Noël ! ■ Ils sont d’un compliqué, chez cet opérateur ! ■ Trois heures pour nous filer des images sublimes bien que glauques, mais le scénario c’est d’un nul ! Mais d’un nul ! ■ Non mais franchement, c’est d’un dégueulasse, de faire ça à un chien. ■ C’est vraiment d’un con, cette histoire !
Dans le français parlé, la locution mais c’est que en tête de phrase peut avoir une valeur exclamative et correspond aux particules enclitiques finnoises -hAn ou -pA. Cette tournure exprime généralement l’admiration/le dégout ou la surprise, et est aussi assez souvent employée de façon ironique :
Mais c’est que c’est passionnant ! [peut aussi signifier ironiquement que c’est ennuyeux] ■ Mais c’est qu’ils ont de l’humour ! ■ Mais c’est que tu as grandi, dis donc ! ■ Mais c’est que c’est mignon tout plein, ça !
On pourrait paraphraser ces exemples ainsi (dans le français parlé) :
Ce que c’est passionnant ! ■ Quel humour ils ont ! / Ils ont vraiment de l’humour ! ■ Qu’est-ce que tu as grandi ! / Comme tu as grandi ! ■ Comme c’est mignon, ça !
14. La phrase exclamative. Mise à jour 29.10.2022