Le terme de « futur » a un double emploi en grammaire et dans la langue courante. Dans la terminologie grammaticale, il désigne le « futur morphologique », c’est-à-dire une forme verbale, un « temps » au sens finnois de aikamuoto, tempus, qui n’existe pas dans toutes les langues. Dans la langue courante, il désigne aussi une période temporelle opposée au présent ou au passé, et il este synonyme d’« avenir ».
Dans le présent guide pratique de grammaire, le mot futur utilisé seul renvoie à l’idée d’« avenir » ; le mot futur proche renvoie à l’idée d’« avenir proche ». Les temps verbaux, pour leur part, sont systématiquement désignés par leur nom complet :
En français, le temps le plus utilisé pour exprimer que l’action se réalisera dans l’avenir est le présent de l’indicatif (Je pars demain. / Qu’est-ce que tu fais ce soir ?), comme en finnois. Parfois, quand le présent n’est pas assez clair, le futur simple est utile pour préciser l’idée d’avenir.
Le futur auquel les grammaires donnent habituellement le nom de « futur proche » formé avec le verbe aller suivi d’un infinitif (elle va venir) est une des nombreuses périphrases verbales du français. Il est cependant utilisé nettement plus fréquemment que la plupart de celles-ci et forme une des modaliés courantes d’expression de l’avenir. Contrairement à ce que suggère son nom traditionnel dans les grammaires, il exprime très souvent autre chose que la proximité d’un évènement futur et mérite assez peu son nom de « futur proche ». Dans la présente grammaire, il est nommé systématiquement « futur périphrastique ».
Les temps du futur peuvent avoir une valeur proprement temporelle, mais souvent ils ont plutôt une valeur pragmatique ou modale. Dans la plupart des cas, ils expriment les deux à la fois :
Temps | valeur temporelle | valeur modale |
---|---|---|
présent | évènement futur | immédiateté |
futur simple | évènement futur | probabilité |
engagement/promesse | ||
futur périphrastique | évènement imminent | certitude |
intention/projet | ||
injonction |
Le temps verbal le plus utilisé en français pour exprimer le futur est le présent de l’indicatif, dans pratiquement 90% des cas. Sur ce point, le français et le finnois se ressemblent. On n’a généralement pas besoin d’un temps verbal particulier pour exprimer le fait qu’une action se produit dans l’avenir si un élément du contexte indique l’aspect futur.
Il y a des verbes qui contiennent en eux-mêmes une idée de futur, autrement dit ils expriment une action dont la réalisation se place forcément dans l’avenir : attendre, rester, continuer etc. Dans ce cas, on n’a pas besoin d’utiliser une autre marque de futur :
Le boxeur est à genoux, mais il continue de se battre ! ■ Ça ne vous dérange pas si je reste là ? ■ Viens ce soir. Je t’attends. ■ Le quartier où on habite change et il devient plus propre d’une certaine manière.
Très souvent, le futur est indiqué par des adverbes, des conjonctions, le contexte de la phrase etc. Si on utilise ces marques de futur avec des verbes qui décrivent un processus représenté comme un processus fermé, c’est-à-dire qui a un début et une fin, le présent de l’indicatif suffit pour exprimer l’idée de futur. Dans les exemples suivants, le présent à valeur de futur est en rouge, l’indice de futur est en bleu :
Ce soir, on va au concert de Rammstein. ■ Les travaux de rénovation débutent demain. ■ Essayez ce médicament, vous commencez par un quart de tablette au coucher, vous repassez me voir si ça ne va pas. ■ On se voit dans une heure ? ■ Bon, on s’explique une bonne fois pour toutes sur cette question, après je ne t’en parle plus, dit-elle. ■ Nos voisins reviennent dans huit jours. ■ Excusez-moi, pouvez-vous me prêter vos jumelles ? Je vous les rends tout de suite.
Dans l’exemple suivant, la conjonction et suffit à montrer que le verbe est à comprendre dans un sens de futur, car elle le relie à la condition préalable (il faut rajouter une couche de peinture, après quoi l’action est réalisée) :
Tu ajoutes une couche de peinture, et c’est parfait.
Le futur simple est parfois nécessaire pour marquer nettement la différence temporelle avec le présent et éviter une mauvaise interprétation du temps du verbe. C’est le cas par exemple avec certains verbes atéliques, notamment le verbe être :
(1) Avec une ou deux lampes de plus, ce sera très bien. Vielä pari lamppua lisää ja sitten se näyttää oikein hienolta.
(2) Je suis avec un ami, pas loin de chez vous. On ne sera pas longs. Se ei kestä kauan.
(3) Et tu envisages d’accomplir seul tout ce périple, sans savoir où ça te conduira ? Ja aiot todellakin suorittaa sen pitkän matkan yksin tietämättä mihin joudut?
(4) Votre adjoint s’en tirera bien, ne vous inquiétez pas. Apulaisenne tulee pärjäämään ihan hyvin, olkaa huoleti.
(5) quelque décision qu’il prenne, il sera critiqué. Minkä tahansa päätöksen hän tekee, häntä tullaan arvostelemaan. [Le futur signifie que il n’a pas encore pris de décision, mais que cette décision sera certainement critiquée.]
Si on mettait le présent, les phrases auraient un sens différent ou seraient étranges :
(1) Avec une ou deux lampes de plus, c’est très bien. Nyt kun on laitettu pari lamppua, se on oikein hienoa.
(2) ? On n’est pas longs. ?Se ei yleensä kestä kauan. (ou, plus bizarre : ?Me ei olla pitkiä).
(3) Et tu envisages d’accomplir seul tout ce périple, sans savoir où ça te conduit ? Ja aiot todellakin suorittaa sen pitkän matkan yksin tietämättä mihin tämä [suunnitelma] sinut vie? [Ici le verbe conduit au présent renverrait à envisager ; le futur conduira renvoie à l’issue du voyage.]
(4) Votre adjoint s’en tire bien, ne vous inquiétez pas. Apulaisenne pärjää [yleensä] ihan hyvin, olkaa huoleti.
(5) Quelque décision qu’il prenne, il est critiqué. Minkä tahansa päätöksen hän tekee, häntä arvostellaan. [Avec un présent [La phrase signifie qu’on critique il chaque fois qu’il prend une décision.]
Dans des cas similaires, le finnois utilise deux procédés différents, le futur périphrastique tulla + infinitif en -mAAn ou, plus fréquemment, des adverbes servant à exprimer le futur, comme sitten ou joskus.
Rem. Les verbes téliques (du grec télos « fin ») expriment un processus qui a une fin (trouver, construire), tandis que les verbes atéliques expriment un processus non fermé (demeurer, être, habiter, marcher, chercher). Les verbes téliques peuvent être suivis d’un complément de temps introduit par en. Comparer :
Il a construit la maison en deux semaines. (verbe télique) Hän rakensi talon kahdessa viikossa.
*Il a habité à Brest en deux semaines. (verbe atélique) *Hän asui Brestissä kahdessa viikossa.
Les verbes atéliques peuvent être suivi d’un complément de temps introduit par pendant. Comparer :
Il a marché pendant une heure. Hän käveli tunnin / tunnin ajan.
*Il a trouvé le livre pendant une heure. *Hän löysi kirjan tunnin ajan.
Dans la réalité, les choses sont plus compliqués. Exactement comme pour la représentation massive et la représentation comptable, c’est le mode de représentation du verbe qui est télique ou atélique, pas le verbe en lui-même, et la télicité varie aussi en fonction du contexte ou de la structure de la phrase. Cette notion de télicité recoupe partiellement, au moins en finnois, l’idée de perfectif-résultatif (hän rakensi talon/hän rakensi taloa).
Le futur simple sert aussi à former le futur antérieur (formé avec le futur simple d’avoir/être et le participe passé), qui exprime l’antériorité d’une action par rapport à une action future :
Quand tu rentreras du Québec, nous aurons déjà emménagé dans notre nouvelle maison.
Le futur antérieur s’utilise essentiellement dans les propositions adverbiales de temps après les conjonctions quand/lorsque, dès que/une fois que, plus rarement après que. Il s’emploie quand le temps de la principale est au futur simple ou a une valeur future, qui peut être exprimée par exemple par un présent et un adverbe ou par un impératif (qui implique qu’on exécute une action qui n’est pas encore accomplie) :
Quand tu auras terminé le rapport, envoie-le à la secrétaire par courriel. ■ Les amendements aux dispositions du présent article et aux dispositions des articles ci-après ne prendront effet que lorsqu’ils auront été acceptés par tous.
En finnois, pour rendre l’idée du futur antérieur français, on utilise le parfait (perfekti), éventuellement accompagné d’un adverbe comme sitten, qui exprime l’idée de futur :
(1) Yleiskaava, sitten kun se on hyväksytty, selkiinnyttää rantarakentamisen tilanteen. ■ Le schéma directeur, une fois qu’il aura été adopté [futur antérieur du passif], clarifiera la situation de l’aménagement des rives.
Le futur simple dans la principale est nécessaire ici pour exprimer l’idée de futur, le schéma directeur n’ayant pas encore été adopté. Avec un présent, cette phrase aurait une valeur générale :
(1) Une fois que le schéma directeur a été adopté, il clarifie la situation de l’aménagement des rives. Yleiskaava, kun se on hyväksytty, selkiinnyttää yleensä rantarakentamisen tilanteen.
Dans l’exemple suivant (a), le futur simple dans la principale est nécessaire pour exprimer l’idée de futur ; au présent (b), cette phrase aurait une nuance de condition ou de conséquence :
(a) Sitten kun olette jo vähän pidemmällä, voitte kokeilla hieman monimutkaisempia toimintoja. Une fois que vous aurez progressé un peu, vous pourrez essayer des fonctions un peu plus compliqués.
(b) Quand vous avez progressé un peu, vous pouvez essayer des fonctions un peu plus compliquées. Kun olette jo vähän pidemmällä, pääsette kokeilemaan hieman monimutkaisempia toimintoja
En général, il est assez facile de savoir, à partir du finnois, dans quel cas il faut utiliser le futur antérieur en français. Le parfait finnois (perfekti) correspond à un futur antérieur en français :
Quand tu auras fini ton travail, on partira.Sitten kun olet saanut työsi valmiiksi, lähdemme. ■ Quand vous rentrerez, nous serons déjà partis. Kun saavutte kotiin, olemme jo lähteneet.
Mais le perfekti peut aussi se traduire par un passé composé si le futur de la principale est exprimé par un présent (souvent la proposition adverbiale indique une condition future et suffit à faire interpréter le présent de la principale comme un futur) :
Quand tu as fini, on part. Sitten kun olet valmis, lähdetään.
Le futur périphrastique exprime l’idée d’un avenir très proche, d’un évènement qui est sur le point de se produire :
Dépêche-toi, le train va partir. ■ Ça va être l’heure, dit-elle, habille-toi. ■ Quatre heures moins dix, il va falloir y aller. ■ Le reporter ne cessait de crier, tout excité : « Attendez, attendez, je vais rendre l’antenne ! » ■ Le régisseur dit à l’acteur : « Préparez-vous, ça va être à vous ». ■ Attention, tu vas tomber !
Dans la majorité des cas, cette valeur de futur proche est exprimée en finnois par le verbe à l’inessif ou avec un adverbe tel que pian ou kohta, ou une expression de sens équivalent :
Juna on lähdössä. ■ Kohta on aika lähteä / kohta pitää lähteä. ■ Takaisin studioon hetken päästä! ■ Kohta on teidän vuoronne. ■ Minäpäs selitän. etc.
Le futur simple indique que le moment envisagé est plus lointain. Ainsi, dans l’introduction d’un travail écrit d’une certaine longueur (article, conférence, thèse, ou n’importe quel autre texte long), quand on annonce le plan, on utilise le futur simple, car on annonce des choses qui ne réalisent pas immédiatement, comme le montrent ces exemples tirés de travaux très divers :
Ce mémoire comprend trois parties. D’abord dans la première partie, nous examinerons l’institution actuelle de l’intercommunalité. Ensuite dans la deuxième partie, nous clarifierons la nécessité du contrôle par les électeurs de l’intercommunalité. Enfin dans la troisième partie, nous opterons pour des mesures concrètes dans le but de renforcer le contrôle démocratique de l’intercommunalité. ■ Nous aborderons le problème de l’astrophysique de laboratoire dans le domaine de l’hydrodynamique en présence de rayonnement. Nous présenterons ensuite un certain nombre de résultats expérimentaux et théoriques récents que nous avons obtenus sur les jets astrophysiques (principalement les jets d’étoiles jeunes). ■ Continuant notre cycle d’apprentissage, nous entamerons alors une étape de décontextualisation, de modélisation […] C’est ainsi que nous aborderons la question du « Pour quoi faire ? ». Ce chapitre se terminera par un regard complémentaire sur l’accompagnement des professeurs et l’innovation dans les institutions d’enseignement.
Mais quand on indique au lecteur (ou à l’auditeur) qu’on passe à une partie quelconque, on utilise le futur périphrastique, qui exprime l’imminence (välitön läheisyys) de l’action, donc un véritable futur proche :
Nous allons maintenant passer au point 8a) de l’ordre du jour, « Définition et délimitation de l’espace ». ■ Avant d’examiner au chapitre suivant les composants graphiques gérés par JAVA, nous allons maintenant examiner les différents gestionnaires de mise en page. ■ Maintenant que nous avons classé les différents paramètres, nous allons, dans la partie suivante, tenter d’en évaluer l’importance respective.
Le verbe aller peut aussi être conjugué à l’imparfait, qui est le « présent du passé », pour dire que l’action était sur le point de se produire dans le passé :
Au moment où j’allais sortir, j’ai constaté que j’avais oublié mon portefeuille. ■ Nous allions prendre le mauvais chemin quand, heureusement, nous découvrîmes un panneau minuscule qui indiquait la bonne direction.
En général, pour exprimer l’idée de futur, on utilise le présent accompagné d’un adverbe ou d’un autre indice exprimant le futur, comme expliqué ci-dessus. Cependant, il est possible d’utiliser aussi le futur simple même s’il y a dans la phrase un indice qui exprime l’idée de futur. Dans ce cas, le futur simple n’est pas redondant : il prend une valeur spéciale exprimant en général un engagement (sitoumus) sur l’avenir, détaché du présent, et dont le locuteur n’assume pas entièrement la responsabilité, car la réalisation de l’action peut être en partie incertaine :
Je te rends ton livre demain. Palautan kirjasi huomenna.
Je te rendrai ton livre demain. Saat kirjasi sitten huomenna.
Le plus souvent, le futur simple exprime moins le temps que l’aspect pragmatique de l’action envisagée, autrement dit la manière dont le locuteur envisage ou présente ce qu’il dit. Le futur ne fait pas partie du système du présent, ni par son sens ni par sa morphologie. Le futur est le temps de ce qui est supposé, hypothétique, possible, autrement dit il décrit une réalité qui n’est pas palpable [kouriintuntuva, konkreettinen] et sur laquelle le locuteur ne peut pas intervenir (du moins pas entièrement).
Le futur est moins certain que le présent (dans un sens grammatical comme dans un sens concret). Si on compare les deux phrases il vient demain et il viendra demain, on constate que la phrase au présent indique une certitude plus grande, un fait considéré comme pratiquement réel (« il suffit d’attendre, et demain il sera là »). Tandis que il viendra demain introduit une distance par rapport au présent ; la venue de il est une chose qui est repoussée dans le futur et reste au moins légèrement hypothétique : « il viendra demain = du moins c’est prévu / du moins il l’a promis / s’il ne se produit rien d’imprévu etc. ». Le fait que le futur soit détaché du présent explique qu’il y a toujours une certaine distance entre l’énoncé et l’énonciateur.
Le futur peut exprimer une probabilité proche de la certitude, mais qui n’est pas une certitude. Dans ce cas, en finnois, on utilise souvent le futur périphrastique tulla -mAAn :
Voilà quarante-quatre clarinettes pour le test comparatif que nous vous présentons, plus qu’aucun magasin de musique ne pourra en déballer sur son comptoir. ■ Allez enquêter sur cette affaire, je vous connais, vous vous débrouillerez bien. ■ Où cela se passait-il ? Je n’en saurai jamais rien. ■ L’été prochain flotteront aussi les pédalos, glisseront les planches à voile et souffleront les pagayeurs. ■ Évidemment ce n’est pas le très grand confort, ça ne pourra pas être vivable trop longtemps.
Cette valeur de certitude est en quelque sorte surexploitée dans ce qu’on appelle le futur historique, qu’on utilise dans un récit au passé. Comme on sait très bien que l’action exprimée au futur s’est produite dans le passé, la probabilité est maximale. L’action décrite par le futur historique pourrait le plus souvent être décrite au passé simple (ou passé composé), mais le futur historique permet en quelque sorte de changer temporairement de perspective, comme une remarque en aparté (sivuhuomautuksena) du narrateur, qui reprend ensuite son récit au passé. L’emploi du futur historique n’est donc pas aussi redondant que veulent le faire croire certains puristes, qui en critiquent l’emploi :
Louis XIV fut couronné roi en 1661. Son règne entamait une longue période de prospérité pour la France. Pendant plusieurs décennies, Louis XIV sera le monarque le plus puissant du monde en grande partie grâce à Colbert. Mais à la fin de son règne, il laissera une France ruinée et affaiblie.
Dans les exemples suivants, on trouve mêlés présent historique et futur historique :
Quand son frère Jo arrive une heure plus tard, Suzy tourne sans les regarder les pages jaunes d’un annuaire. C’est à Jo que reviendra la tâche d’appeler, toute la nuit, les hôpitaux et les commissariats en vain. ■ En effet, la mort inopinée de Staline le 5 mars 1953 désamorce la machine infernale, et les inculpés seront relaxés, quoique jamais réhabilités.
Le futur historique s’emploie beaucoup dans les ouvrages historiques, il est très fréquent dans la presse et il est assez fréquent même dans le français parlé. Le finnois connait aussi un futur historique, il est exprimé par le futur périphrastique olla…vA ou tulla…mAAn ou, plus simplement par un adverbe comme myöhemmin:
Lenin ottaa vallan. Hän on luova Neuvostoliiton. Lénine prend le pouvoir. C’est lui qui créera l’Union soviétique.
Le futur exprime aussi une certitude moins grande, une probabilité plus limitée. La réalisation de l’action envisagée dépend de ce que l’avenir apportera. Cette distance entre le réel et le possible se retrouve typiquement quand le futur exprime un engagement [sitoumus] (sincère ou non). Cet engagement peut être une promesse, une menace, un ordre etc. :
Je te rapporterai tes livres demain. ■ Annie lui dit : je t’expliquerai demain, tout ! ■ Quand elle sera plus grande, je lui ferai graver des cartes de visite. ■ Je te téléphonerai début septembre pour qu’on décide comment Zoé et toi pourrez vous voir. ■ Papa, si tu ne me rapportes pas ce soir le petit chat que tu m’as promis, je ne te parlerai plus jamais de ma vie. ■ Vous aurez toutes les instructions dans quelques jours. ■ On sortira tous les deux. Après le spectacle, on dinera au champagne ! Je passerai au théâtre, je prendrai les deux meilleures places.
Ces deux valeurs de probabilité et engagement, peuvent se retrouver dans une phrase introduite par si ou son équivalent ; on appelle souvent cet aspect l’éventuel :
Si tu viens en été en Finlande, tu pourras voir le soleil de minuit.
On ne peut pas considérer à proprement parler qu’il s’agisse d’une conséquence inévitable de la condition posée par si, car on pourrait aussi utiliser le présent dans la principale (les valeurs diffèrent donc selon les cas) :
Si tu viens en été en Finlande, tu peux voir le soleil de minuit.
Quand le présent suffirait à exprimer le futur, l’utilisation du futur périphrastique apporte des précisions sur la valeur pragmatique de l’énoncé (prédiction, engagement etc.) ; comme le futur simple, le futur périphrastique indique toujours une distance entre le locuteur et son énoncé. Du point de vue de l’apprenant finnophone de FLE, on peut souligner les caractéristiques suivantes :
Alors que le futur simple indique une rupture temporelle nette entre le présent et le temps de l’action envisagée, le futur périphrastique exprime le fait que l’action future reste liée au présent. Le locuteur a donc en quelque sorte un plus grand pouvoir d’influence sur une action exprimée par le futur périphrastique que sur une action au futur simple. Le futur périphrastique peut ainsi exprimer une certitude :
Vous allez voir, elle va vous dire que c’est elle qui commande ici. ■ Et puis le fil, imagina-t-il, il va falloir un fil sur cet interrupteur. Il va se voir, ce fil. Ça va être minable. ■ Le colonel est sorti un moment, dit le soldat en désignant le pavillon, il est là-dedans. Il ne va pas tarder. ■ C’est l’œuvre d’un dessinateur finlandais que j’ai oublié, mais dont je vais retrouver le nom, c’est évident.
Le futur périphrastique exprime aussi une intention liée au locuteur, un intérêt subjectif. Alors que le futur simple marque l’engagement (sitoumus), le futur périphrastique marque plutôt l’intention, le projet (aikomus). La valeur d’intention du futur périphrastique est généralement rendue en finnois par aikoa tehdä, olla tarkoitus :
Je te rassure, on ne va pas travailler tout le temps. ■ Mais on ne va pas vous déranger plus longtemps. ■ Oui je pense que je vais faire encore cette conférence en Grande-Bretagne et puis après, je vais changer de sujet. ■ Asseyez-vous, dit-il ensuite, vous allez bien prendre quelque chose. Un petit verre de vin ? Je vais essayer de vous expliquer ça en allant lentement.
Par rapport au présent, qui peut marquer la réalisation immédiate (futur immédiat), le futur périphrastique introduit une distance, un léger facteur d’incertitude. Comparer :
Alors, ce rapport, ça vient ?
(1) – Oui je le fais, je le fais.
(2) – Oui, je vais le faire.
Dans la réponse (1), le locuteur indique que la rédaction du rapport a pratiquement déjà commencé (même si ce n’est pas vrai dans la réalité) et que la rédaction est seulement une question de temps. Dans la réponse (2), la rédaction du rapport n’a pas encore commencée, elle se trouve retardée par rapport au présent et reste au stade de l’intention.
Il y a donc une nette différence entre les deux questions suivantes, si on les pose par exemple le matin :
(1) Qu’est-ce que tu fais ce soir ? Mitä teet illalla? [valeur temporelle]
(2) Qu’est-ce que tu vas faire ce soir ? Oletko nyt päättänyt, mitä teet illalla? Mitä meinaat tehdä illalla?
Cette phrase est un cas typique dans lequel les apprenants de français langue étrangère finnophones ont tendance à abuser du futur périphrastique. Comme le soir est proche du moment de l’énonciation, influencés par le terme de futur proche/ lähifutuuri utilisé dans les grammaires, les apprenants de français concluent qu’il faut utiliser la forme en aller + infinitif. Dans la réalité, si on pose par exemple le matin la question qu’est-ce que tu vas faire ce soir ?, cela implique que ce qu’on va faire le soir doit d’abord être décidé). Si on pose la question le soir, elle peut renvoyer à un véritable futur proche, à quelque chose qui va se produire dans peu de temps (mais il peut aussi y avior une nuance d’intention).
Le futur périphrastique peut également exprimer une injonction (kehotus) plus ou moins forte ou plus ou moins polie. En finnois, on utilise dans ce cas le preesens (qui est dans ce cas plus « fort » que l’impératif) :
Maintenant vous allez prendre votre livre et vous allez lire les pages 23 et 24. Ensuite, je vous poserai des questions. ■ Vous allez tous prendre vos affaires et vous allez sortir sans faire de bruit. ■ Tu vas me faire le plaisir de ranger ta chambre ou ça va barder ! ■ Vous allez arrêter vos histoires, oui !? ■ Maintenant, monsieur Clair, dit-il en abaissant le canon de son arme, vous allez vous laisser faire par le docteur. Sinon je tire sur un de vos pieds et il faudrait ensuite vous laisser faire par le docteur, de toute façon. ■ Maintenant tu vas arrêter de me casser les pieds, sinon je ne pars pas avec toi en voyage.
On emploie aussi le futur simple et antérieur et le futur périphrastique pour exprimer des valeurs qui n’expriment pas une idée de futur. C’est ce qu’on appelle en général les valeurs modales du futur.
Le futur d’atténuation (variante du futur de politesse) a souvent comme équivalent en finnois le conditionnel :
Je vous ferai remarquer que ces exemples sont tous originaux. Haluaisin huomauttaa, että kaikki esimerkit ovat uusia. ■ À cela, je répondrai que vous n’avez pas tout à fait tort. Tähän vastaisin, että ette ole aivan väärässä.
Le futur conjectural (de conjecture, oletus) exprime une hypothèse. Il équivaut pour la forme et pour le sens au potentiaali finnois (formes en -nee, lienee, sanonee etc.). Mais dans la langue courante, la forme simple (futur simple) est pratiquement inusitée (tout comme son équivalent lienee, sanonee dans la langue courante en finnois). À la place, on utilise le verbe devoir ou un adverbe. Il vaut mieux donc éviter d’abuser du futur simple conjectural dans le français parlé. :
On tourne autour de la maison ? Ce sera quelque rôdeur. ■ J’entends du bruit dans le jardin. Ce sera le chien qui fouille dans les buissons.
Couramment :
C’est peut-être / sans doute un rôdeur. ■ Ça doit être le chien qui fouille dans les buissons. / C’est sans doute le chien qui fouille dans les buissons.
En revanche, le futur conjectural exprimé par le futur antérieur est relativement fréquent dans le code écrit même courant. Dans le français parlé, il reste cependant d’un usage limité :
Pierre n’est pas encore arrivé ; il aura eu un empêchement de dernière minute. [couramment : il a dû avoir un empêchement de dernière minute.] ■ Elle a de nouveau oublié de venir. Elle se sera trompée de jour, pour changer ! [couramment : Elle a dû se tromper de jour…]
Le futur de politesse sert à formuler un ordre de façon moins directe que l’impératif :
Vous me montrerez la première version de votre mémoire demain, d’accord ? ■ Tu me passeras tes notes, après, si tu veux bien. ■ Quand tu gouteras la tarte, tu m’en laisseras un peu. ■ Vous me rapporterez des souvenirs, hein ?
On trouve notamment cette valeur dans les recettes de cuisine :
Disposer en couronne sur la table de la farine tamisée, émietter au centre de la levure, dont la quantité sera subordonnée à la température. […] Ces additions seront faites lentement.
Remarque : quand ils sont utilisés pour exprimer un ordre, le futur simple et le futur périphrastique sont donc nettement différents ; le futur périphrastique indique un ordre strict, une injonction, tandis que le futur simple exprime une demande polie.
Pour résumer les différentes valeurs du futur simple et périphrastique en français, on peut comparer les nuances qui existent entre les trois énoncés suivants :
(1) Je me marie l’an prochain.
(2) Je vais me marier l’an prochain.
(3) Je me marierai l’an prochain.
En fonction du contexte, chaque énoncé peut s’interpréter d’une ou de plusieurs manières :
Ces énoncés sont caractérisés par le fait qu’ils comportent chacun un indice temporel qui précise l’époque dans l’avenir où l’évènement se produit (l’an prochain). Malgré cet indice temporel de futur, on voit que le futur simple et le futur périphrastique dans les énoncés (2) et (3) ne sont pas redondants, car la fonction de ces temps dans ces deux cas n’est pas avant tout d’exprimer le futur. En finnois, on pourrait suggérer les équivalents suivants :
(1) Menen naimisiin ensi vuonna.
(2) Aion mennä naimisiin ensi vuonna / Minun on tarkoitus mennä naimisiin ensi vuonna.
(3) Menen sitten naimisiin ensi vuonna.
43. Le futur. Mise à jour 26.2.2024