Le discours direct (epäsuora esitys) est le fait de présenter (comme le mot esitys l’exprime très bien en finnois) les paroles d’un locuteur exactement comme il les a énoncées (en utilisant la même personne grammaticale) :
Philippe m’a dit : « Je te rapporterai tes livres demain ».
Dans le discours indirect, on transforme la phrase indépendante Je te rapporte tes livres demain en une subordonnée complétive introduite par que :
Philippe m’a dit qu’il me rapporterait mes livres demain.
Dans cette transformation, les pronoms changent en fonction de la personne qui rapporte le discours, et les déictiques deviennent des anaphoriques. Si le locuteur n’est plus le je de l’exemple précédent, on obtient la phrase suivante :
Philippe lui a dit qu’il lui rapporterait ses livres le lendemain.
Le verbe rapporter dans la complétive a changé de temps, à cause de ce qu’on appelle la concordance des temps (voir ci-dessous).
Le finnois utilise pratiquement les mêmes procédés que le français. Les difficultés pour les finnophones portent essentiellement sur la forme des anaphoriques en français et sur la concordance des temps.
Il existe également le discours indirect libre (vapaa epäsuora esitys) qui s’utilise essentiellement dans le code écrit. Les propos sont rapportés sans subordination, comme dans le discours direct, mais avec les temps et les références du discours indirect. L’exemple précédent deviendrait ainsi :
Philippe lui rapporterait ses livres le lendemain. Philippe toisi hänelle hänen kirjansa seuraavana päivänä.
Quand on passe du discours direct au discours indirect, on passe de l’énonciation de discours à l’énonciation de récit. Les déictiques deviennent des anaphoriques, et les formes des pronoms, les temps verbaux et d’autres marqueurs déictiques sont modifiés et transforment la phrase de façon assez importante :
discours direct : Je vous apporterai un exemplaire demain et vous pourrez me le dédicacer, si vous voulez bien.
discours indirect : Il lui dit qu’il lui apporterait un exemplaire le lendemain et qu’elle pourrait le lui dédicacer si elle voulait bien.
En français comme en finnois, les expressions déictiques ne peuvent en général pas s’employer telles quelles dans le récit. Les divers adverbes et compléments de phrase du discours sont remplacés par des expressions anaphoriques équivalentes, qu’il est bon de connaitre, car elles s’emploient dans la langue de tous les jours :
DISCOURS | RÉCIT |
ici täällä | là, à cet endroit-là siellä |
aujourd’hui tänään | ce jour-là sinä päivänä |
ce matin tänä aamuna | ce matin-là sinä aamuna |
ce soir tänä iltana | ce soir-là sinä iltana |
hier eilen | la veille edellisenä päivänä |
demain huomenna | le lendemain seuraavana päivänä |
avant-hier toissa päivänä | l’avant-veille, deux jours plus tôt, deux jours auparavant kaksi päivää aikaisemmin |
après-demain ylihuomenna | le surlendemain, deux jours plus tard kaksi päivää myöhemmin |
récemment äskettäin | peu auparavant, peu de temps auparavant äskettäin |
ce mois(-ci) tässä kuussa | ce mois-là siinä kuussa |
en ce moment tällä hetkellä | à ce moment-là, alors silloin, sillä hetkellä |
depuis lähtien | à partir de, à compter du lähtien |
de nos jours nykyään | à cette époque(-là), alors silloin |
lundi maanantaina | le lundi, ce lundi-là (sinä) maanantaina |
lundi prochain ensi maanantaina | le lundi suivant, le lundi d’après seuraavana maanantaina |
lundi dernier viime maanantaina | le lundi précédent, le lundi d’avant edellisenä maanantaina |
dans une semaine viikon kuluttua | une semaine plus tard, au bout d’une semaine viikon kuluttua |
il y a une semaine viikko sitten | une semaine auparavant, une semaine plus tôt, la semaine d’avant viikkoa aikaisemmin |
dans trois jours kolmen päivän kuluttua | trois jours plus tard, au bout de trois jours kolme päivää myöhemmin |
il y a trois jours kolme päivää sitten | trois jours auparavant, trois jours plus tôt kolme päivää aikaisemmin |
l’année dernière, l’an dernier viime vuonna | l’année précédente, l’année d’avant edellisenä vuonna |
l’année prochaine, l’an prochain ensi vuonna | l’année suivante, l’année d’après seuraavana vuonna |
Exemple de transformation des adverbes et compléments de phrase quand on passe du discours au récit :
discours : Ce matin, nous étions seulement arrivés deux-cent mètres plus haut que l’endroit où nous étions hier, mais nous avons si bien pu progresser aujourd’hui que nous arriverons sans doute au sommet dans deux jours, à condition qu’il fasse beau demain.
récit : Ce matin-là, ils étaient seulement arrivés deux-cent mètres plus haut que l’endroit où ils étaient la veille, mais ils avaient si bien pu progresser ce jour-là qu’ils arriveraient sans doute au sommet deux jours plus tard, à condition qu’il fasse beau le lendemain.
1. Edellisenä/seuraavana (vuonna jne.) : l’équivalent de edellisenä est précédent ou d’avant, et celui de seuraavana est suivant ou d’après (l’année suivante, l’année d’après). Les formes précédent / suivant s’utilisent dans tous les styles, tandis que les formes d’avant / d’après s’utilisent (beaucoup) dans le style courant et le français parlé, et doivent de préférence être évitées dans le code écrit strict.
2. An / année : pour traduire ensi vuonna, on peut dire indifféremment l’année prochaine ou l’an prochain. Mais pour traduire seuraavana vuonna, on peut utiliser seulement la forme l’année suivante (ou l’année d’après), pas la forme courte *l’an suivant (ou *l’an d’après). De la même manière, pour traduire viime vuonna, on peut dire indifféremment l’année dernière ou l’an dernier, mais edellisenä vuonna peut se dire en français seulement avec la forme année, l’année précédente (ou l’année d’avant), pas *l’an précédent (ou *l’an d’avant).
3. Le mot weekend s’utilise toujours avec un article (défini, quand on indique un moment dans le temps), dans le récit comme dans le discours. Voir prépositions.
Les différences entre le français et le finnois concernent essentiellement la référence exprimée par certains cas (sijamuoto) ou postpositions, par exemple dans l’expression de la date avec un nom de jour au cas essiivi. En français, lundi (et les autres jours de la semaine) sans autre précision fait référence à un lundi ancré dans le temps de l’énonciation, soit lundi dernier (lundi, je l’ai vu) soit lundi prochain (je le vois lundi). Dans le récit, on utilise le lundi, avec un article défini : Le lundi, il retourna à Paris. En finnois, maanantaina peut s’utiliser indifféremment dans le discours et le récit : le mot maanantaina dans maanantaina hän palasi Pariisiin, peut renvoyer à « lundi dernier » ou à un lundi « fictif » dans le récit, et, en l’absence de contexte, il pourrait y avoir ambigüité en finnois :
Maanantaina hän palasi Pariisiin.
Lundi, il est retourné à Paris. ou
Le lundi, il retourna à Paris.
Il faut donc faire attention à la présence ou à l’absence de l’article en français. Si on précise qu’il s’agit du lundi précédent, le finnois utilise deux mots différents, comme en français, et il n’y a pas ambigüité :
Viime maanantaina hän palasi Pariisiin. Lundi dernier, il est retourné à Paris.
Edellisenä maanantaina hän palasi Pariisiin. Le lundi précédent, il était retourné à Paris.
1. Le participe kuluttua qu’on utilise comme une postposition dans par exemple viikon kuluttua (« dans une semaine ») signifie mot à mot « s’étant écoulé » (viikon kuluttua « une semaine s’étant écoulée »), et il peut s’utiliser en finnois à la fois dans le discours (viikon kuluttua hän palaa Pariisiin) et dans le récit (viikon kuluttua hän palasi Pariisiin). En français, il n’y a pas d’équivalent exact du participe/postposition kuluttua, et on fait la distinction entre dans [discours] : Il retourne à Paris dans une semaine, et au bout de ou plus tard postposé [récit] :
Elle retournera à Paris dans une semaine.
Elle retourna/était retournée à Paris au bout d’une semaine / une semaine plus tard.
Utiliser dans dans le récit est impossible et agrammatical : Hän palasi viikon kuluttua. *Il rentra dans une semaine.
Sous huitaine est une expression intéressante, car elle se comporte comme viikon kuluttua et peut être utilisée dans le discours direct et le discours indirect : elle signifie quand « huit jours se seront écoulés » (ou, en cas de concordance des temps « quand huit jours se seraient écoulés ») :
Le vendeur dit que tu auras ton colis sous huitaine. ■ On m’avait garanti que je recevrais mon extrait d’état civil sous huitaine.
Malheureusement, cette expression est du jargon commercial (un peu vieilli) et ne s’utilise pas dans la langue courante (on ne dirait pas en quittant un ami, sauf en plaisant : On se revoit sous huitaine !).
2. De la même manière que kuluttua, la postposition lähtien est neutre du point de vue de la référence énonciative. On peut dire ainsi :
(a) Vuoden 2019 alusta lähtien Euroopassa on todettu noin 1 000 tuhkarokkotartunstaa.
(b) Yliopiston hallitus perusti valtio-opin lehtorin viran yhteiskuntatieteiden tiedekuntaan elokuun alusta lähtien.
(c) Tasavallankadun kevyen liikenteen väylä avataan viimein pyöräilijöille, jalankulkijoille ja rullaluistelijoille elokuun alusta lähtien.
Dans l’exemple (a), l’évènement a eu lieu et son effet dure dans le présent ; on est dans l’énonciation de discours. Dans ce cas-là, on utilise depuis et le présent. Dans l’exemple (b), il s’agit d’un évènement ponctuel. L’action du verbe perusti est antérieure à la situation d’énonciation et est achevée. Dans ce cas-là, on peut utiliser à partir de ou à compter de. Dans cet exemple, à compter de est plus adapté, car il signifie que c’est la prise d’effet (voimaantulo) qui a eu lieu début aout, et non la décision de créer le poste. Dans l’exemple (c), l’évènement n’a pas eu lieu, l’utilisation de depuis est impossible, et il faut utiliser à partir de (ou à compter de) :
(a) Environ mille cas de rougeole ont été dénombrés en Europe depuis le début de 2019.
(b) Le directoire de l’université a institué un poste de maitre de conférence en sciences politiques à la faculté des sciences sociales à compter du début du mois d’aout.
(c) La piste cyclable de la rue Tasavallankatu sera enfin ouverte aux cyclistes, aux piétons et aux rolleurs à partir du début aout.
Il faut donc bien distinguer les deux valeurs de lähtien et ne pas les confondre en français :
Uusi päiväkoti on ollut toiminnassa elokuusta lähtien. La nouvelle crèche est ouverte depuis le début du mois d’aout.[et non pas *à partir du début aout, qui serait grammatical, mais qui annoncerait par exemple une date d’ouverture annuelle : à partir du début aout jusqu’à la fin octobre]
Poliisi varautuu ennätyksellisiin rekkaruuhkiin ensi viikosta lähtien. La police s’attend à des bouchons de poids lourds record à partir de la semaine prochaine. [depuis la semaine prochaine serait complètement agrammatical]
Quand une subordonnée complétive ou interrogative indirecte dépend d’une autre proposition dont le verbe est à un temps du passé (de l’indicatif), le verbe de la complétive ou interrogative indirecte peut se mettre à un autre temps, selon le principe suivant :
présent | → | imparfait |
passé composé | → | plus-que-parfait |
futur simple | → | conditionnel présent |
futur antérieur | → | conditionnel passé |
Il dit qu’il est d’accord. → Il a dit qu’il était d’accord.
Elle dit qu’elle viendra. → Elle avait dit qu’elle viendrait.
Les autres temps ne sont pas modifiés :
l’imparfait, le plus-que-parfait,
le conditionnel présent, le conditionnel passé,
le passé simple, le passé antérieur,
le subjonctif présent, le subjonctif passé,
le participe (présent/passé) et l’infinitif (présent passé).
Au subjonctif, il peut aussi y avoir des modifications dans le code écrit strict de style soutenu (voir ci-dessous), mais pas dans la langue courante.
On appelle cette alternance traditionnellement la « concordance des temps », et dans le discours didactique finnois de l’enseignement du français « aikamuotojen vastaavuus ». Ce terme a été critiqué car il n’y a pas à proprement parler de « concordance » (samanaikaisuus, vastaavuus) entre les temps verbaux concernés, mais il est utilisé ici comme une simple étiquette servant à décrire un phénomène qui est bien réel et qu’on retrouve dans d’autres langues.
La concordance des temps n’existe (en principe) pas en finnois, mais elle fonctionne de façon plus ou moins identique en français et en anglais.
La concordance des temps n’est pas toujours obligatoire, mais on peut dire qu’elle est quasiment systématique, même dans le français parlé familier. La plus grande difficulté pour les apprenants finnophones est de prendre l’habitude de mettre le verbe au passé alors qu’en finnois on ne le fait pas, et aussi parfois (par exemple dans une traduction) de savoir distinguer par exemple un imparfait qui exprime un véritable passé et un imparfait qui serait en finnois un présent (voir ci-dessous).
La concordance des temps s’applique dans une proposition subordonnée qui dépend d’une proposition principale ou d’une autre proposition subordonnée. Le temps du passé de la proposition qui entraine la concordance des temps peut être un temps conjugué, un infinitif, un participe, une expression périphrastique exprimant le passé (par exemple venir de + infinitif) etc.:
Elle m’a annoncé qu’elle allait se marier. [complétive] ■ Je me demandais qui avait bien pu téléphoner à cette heure. [interrogative indirecte] ■ Le texte de loi a été adopté quand le parti socialiste a annoncé qu’il retirait son amendement. [complétive dépendant d’une subordonnée avec un verbe au passé] ■ Je pensais vous avoir dit que je serais absent demain. [complétive dépendant d’une infinitive au passé] ■ On venait de nous annoncer que la réunion serait annulée. [complétive CVD d’une principale avec un verbe au passé récent]
Un participe présent peut être utilisé dans un récit au passé, et avoir une valeur de passé. Dans ce cas, le participe peut entrainer une modification du verbe de la principale (concordance des temps). Comparer :
Comprenant qu’il était inutile d’insister, il sortit en claquant la porte. ■ Ne sachant pas ce qu’il devait faire, il attendait des directives de votre part. ■ S’apercevant que la bête avait deux cornes sur le museau, il vit que c’était un rhinocéros, un magnifique animal de deux tonnes.
Comme le montre cette liste, quand le verbe de la subordonnée est à l’imparfait ou au conditionnel, ceux-ci ne changent pas si la principale est au passé.
principale au présent/futur/ conditionnel | verbe de la subordonnée | principale au passé | verbe de la subordonnée |
---|---|---|---|
Il dit Il dira Il dirait Qu’il dise En disant Pour dire |
qu’il est absent. qu’il sera absent. qu’il a été absent. qu’il va être absent. qu’il aura terminé. qu’il vient de terminer. qu’il est parti. qu’il était absent. qu’il avait compris. qu’il partirait. qu’il aurait compris. |
Il disait Il a dit Il déclara Il avait dit Il eut dit Il aurait dit Il eût dit qu’il ait dit Il vient de dire Disant Ayant dit |
qu’il était absent. qu’il serait absent. qu’il avait été absent. qu’il allait être absent. qu’il aurait terminé. qu’il venait de terminer. qu’il était parti. qu’il était absent. qu’il avait compris. qu’il partirait. qu’il aurait compris. |
principale au présent/futur/ conditionnel | verbe de la subordonnée | principale au passé | verbe de la subordonnée |
---|---|---|---|
Il se demande Il demandera Je ne sais pas Qu’il essaye de savoir Pour savoir |
pourquoi elle proteste. qui a téléphoné. ce qui se passera. pourquoi elle va partir. quand il aura terminé. ce qui vient de se passer. où elle habitait alors. ce qui s’était passé. où il irait. |
Il ne savait pas Elle s’est demandé Elle demanda Il avait demandé Il aurait demandé …qu’il ait appris Il vient de dire N’ayant pas su |
pourquoi elle protestait. qui avait téléphoné. ce qui se passerait. pourquoi elle allait partir. quand il aurait terminé. ce qui venait de se passer. où elle habitait alors. ce qui s’était passé. où il irait. |
Les temps dont la terminaison est en -ai- ne sont pas modifiés par la concordance des temps : l’imparfait reste un imparfait, le plus-que-parfait, un plus-que-parfait, et le conditionnel reste un conditionnel. Comparer :
Lucas a promis : « si on a de l’argent, on partira en Grèce ».
Lucas a promis que si on avait de l’argent on partirait en Grèce.
Lucas a dit : « si on avait de l’argent, on partirait en Grèce ».
Lucas a dit que si on avait de l’argent, on partirait en Grèce.
Lucas a dit : « si on avait eu de l’argent, on serait partis en Grèce ».
Lucas a dit que si on avait eu de l’argent, on serait partis en Grèce.
Si le verbe de la principale est au passé, un imparfait ou un conditionnel dans la subordonnée peuvent donc avoir deux valeurs. Quand on traduit du français vers le finnois, il faut parfois savoir identifier la valeur de l’imparfait (ou du plus-que-parfait) : est-ce qu’il a une valeur passée et se traduit en finnois par un imperfekti (ou pluskvamperfekti), ou est-ce que c’est le résultat de la concordance des temps et condition et par un preesens (ou perfekti) ? Comparer :
Il a dit que c’était une bonne idée.
Hän sanoi, että se oli hyvä ajatus. [passé]
Hän sanoi sen olevan hyvä ajatus. [concordance des temps]
De la même manière, un conditionnel peut exprimer la condition et se traduire par un konditionaali, mais cela peut aussi être le futur dans la concordance des temps, et dans ce cas il se traduit en finnois par un présent :
(a) Nous pensions qu’il serait content.
(b) Luulimme, että hän olisi iloinen. [conditionnel]
(c) Luulimme hänen olevan iloinen. [concordance des temps]
(d) Elles m’ont dit qu’elles achèteraient cet appartement s’il n’était pas trop cher.
(e) He kertoivat, että he ostaisivat sen asunnon, jos se ei olisi liian kallis. [cond.]
(f) He kertoivat, että he ostavat sen asunnon, jos se ei ole liian kallis. [concordance des temps]
La phrase (d) dessus peut donc avoir deux interprétations nettement différentes : dans la phrase (e), elles ont déjà décidé de ne pas acheter cet appartement, car il est trop cher. Dans la phrase (f), elles ont l’intention de l’acheter, s’il n’est pas trop cher (si par exemple elles peuvent négocier le prix).
On n’applique pas la concordance des temps dans les cas suivants :
a. Quand le verbe de la principale est au passé composé et l’action de la subordonnée est envisagée comme continuant nettement dans la situation de l’énonciation, surtout dans le français parlé :
Elle m’a dit au téléphone qu’elle reste / restera encore deux jours.
On peut cependant très bien dire (dans le code écrit et dans le français parlé) :
Elle m’a dit au téléphone qu’elle restait / resterait encore deux jours.
b. Si on veut souligner que le verbe de la subordonnée traduit une vérité générale qui reste valable :
Au début du siècle dernier, on ne savait pas encore que le tabac est cancérigène. ■ C’est Pasteur qui a démontré que les maladies infectieuses sont provoquées [= présent du passif] par des microbes.
Mais la concordance des temps reste toujours possible :
Le tabac est cancérigène. Au début du siècle dernier, on ne le savait pas encore. → Au début du siècle dernier, on ne savait pas encore que le tabac était cancérigène.
Dans le doute, l’étudiant de FLE peut retenir qu’il vaut mieux toujours appliquer la concordance des temps, en particulier dans le code écrit.
Dans le code écrit strict, on peut appliquer la concordance des temps au subjonctif également, mais elle concerne seulement deux temps, car il n’y a pas de futur au subjonctif (c’est le présent qui sert de futur). Après une proposition dont le verbe est à un temps du passé, dans la norme du code écrit strict, le verbe de la subordonnée au subjonctif varie en principe de la façon suivante :
subjonctif présent | → | subjonctif imparfait |
subjonctif imparfait | → | subjonctif imparfait (pas de modification) |
subjonctif passé | → | subjonctif plus-que-parfait |
subjonctif plus-que-parfait | → | subjonctif plus-que-parfait (pas de modification) |
Voir des exemples dans l’Ode au subjonctif imparfait ci-dessous.
En dehors du style littéraire, dans la langue moderne écrite et parlée, on utilise normalement seulement le subjonctif présent et le subjonctif passé (même si on trouve des exemples de concordance des temps avec des imparfaits du subjonctif dans la presse, souvent utilisés de façon erronée). Après une principale dont le verbe est à un temps du passé, le verbe de la subordonnée au subjonctif varie donc de la façon suivante dans la langue courante et le français parlé :
subjonctif présent→ subjonctif présent
subjonctif passé → subjonctif passé
Autrement dit, il n’y a pas de modification et on peut dire que dans la pratique, dans le français moderne, il n’y a pas de « concordance des temps » au subjonctif. Cependant, comme dans la langue courante il n’y a qu’un seul temps du passé dans la subordonnée (le subjonctif passé), pour souligner plus nettement la valeur passée de ce subjonctif (antériorité) on utilise parfois des formes du subjonctif passé surcomposées :
Il n’était pas possible qu’ils aient fini si tôt. Ei voinut olla, että he ovat jo lopettaneet! → Il n’était pas possible qu’ils aient eu fini si tôt. Ei voinut olla, että he olivat jo lopettaneet!
Un subjonctif présent dans une proposition subordonnée peut donc parfois renvoyer à un contexte passé et entrainer une modification du verbe de la principale :
Je me demande s’il faut qu’on lui dise qu’il n’a aucune chance d’être élu.
Je me demandais s’il fallait qu’on lui dise qu’il n’avait aucune chance d’être élu.
Dans cette phrase, le temps du passé (imparfait) me demandais entraine la concordance des temps dans l’interrogative indirecte (faut → fallait), qui entraine la concordance des temps dans la complétive (dise deviendrait dît dans le style soutenu, mais reste dise dans la langue courante), qui à son tour entraine la concordance des temps (a → avait) dans la deuxième complétive (dise est une forme de présent, mais exprime un passé).
Cette ode au subjonctif imparfait est extraite d’un poème intitulé Épître amoureuse d’un puriste parue en 1875 dans le Journal de Genève (et souvent attribuée à tort à des humoristes comme Alphonse Allais ou Georges Courteline). On y trouve une belle illustration des règles de la concordance des temps dans le code écrit. Le comique réside dans le fait que l’auteur applique ces règles de façon rigoureuse en choisissant des verbes du 1er groupe, qui ont un radical d’imparfait du subjonctif en -ass-, ou des imparfaits du subjonctif de verbes du 3e groupe à consonance surprenante, ou qui peuvent évoquer d’autres verbes :
Ah ! Fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Que fièrement vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et que je vous idolâtrasse,
Pour que vous m’assassinassiez !
La forme visse [imparfait du subjonctif du verbe voir] évoque le verbe visser (ruuvata), la forme plussiez [de plaire] évoque le verbe plumer (höyhentää) ou éplucher (kuoria), la forme disse [de dire] rappelle le mot dix, et vous vous tussiez [de se taire] évoque par exemple le verbe se tuer (saada surmansa) ou tousser (yskiä)
En anglais, la concordance des temps fonctionne pratiquement de la même manière qu’en français. Sous l’influence de cette langue, dans les médias finlandais (notamment dans les sous-titres de films ou de séries télévisées), on constate assez souvent une utilisation erronée de la concordance des temps, qui n’existe pourtant pas en finnois. Exemple : I knew you would come (qui correspond exactement à Je savais que tu viendrais) est traduit « Tiesin, että tulisit ». La bonne traduction serait : Tiesin, että tulet.
La différence entre le français (ou l’anglais) et le finnois se voit clairement quand on remplace en finnois la complétive par une participiale (referatiivirakenne, couramment lauseenvastike) :
Il a dit qu’il était surpris. Hän sanoi olevansa yllättynyt.
Il a dit qu’il avait été surpris.Hän sanoi olleensa yllättynyt.
Il a dit que tout serait bientôt terminé. Hän sanoi kaiken olevan pian valmiina.
Quand on traduit en finnois un texte français (ou anglais), il faut faire attention à bien interpréter l’imparfait de la subordonnée, qui est en fait un présent, ou le conditionnel, qui est un futur, c’est-à-dire en finnois un présent (voir aussi ci-dessus Valeur des temps en -ai-) :
Le journaliste a promis que le texte serait prêt pour le lendemain. Toimittaja lupasi, että juttu on valmis seuraavana päivänä. ■ Le président a dit qu’il était satisfait de la rencontre. Presidentti kertoi olevansa tyytyväinen tapaamisen tuloksiin.
10. Discours direct et indirect. Mise à jour 26.2.2024