Grammaire du français
pour finnophones
Gammaire contextualisée

33. il et ça

1. C’est ou il est ?

2. C’est pour définir,
il est pour qualifier

3. C’est un médecin ou
Il est médecin ?

4. Un problème de didactique du FLE : il et ça

  Index alphabétique

1. C’est ou il est ? Résumé

1.1. Solutions express

Les règles et les critères détaillés permettant de choisir entre la forme il ou ça, et en particulier entre il est et c’est sont présentées en détail plus loin sur cette page. Mais pour donner une règle facile à retenir, qui couvre environ 90% des cas, on peut proposer les solutions présentées ci-dessous.

Dans ce résumé, « nom » désigne un groupe nominal, qui peut être un nom comme ce livre, un pronom ou un groupe comme la petite fille qui joue dans le sable :

  NOM est ADJECTIF  →   Il/Elle est ADJECTIF
  NOM est NOM  →   C’est NOM
La petite fille qui joue dans le sable est très mignonne. Elle est très mignonne.
La petite fille qui joue dans le sable est ma nièce. C’est ma nièce.
Elle est dentiste

En français, les noms de profession dans la construction elle est dentiste se comportent comme des adjectifs. Mais on peut aussi dire c’est une dentiste. On retrouve la même différence en finnois :

Hän on hammaslääkäri. Elle est dentiste. (profession)
Hän on eräs hammasläkäri.
Se on yks hammalääkäri. (langue parlée)
Hän/Se on meidän hammaslääkäri(mme).
Hän on se hammaslääkäri, josta kerroin.
C’est une dentiste.
C’est une dentiste.
C’est notre dentiste.
C’est la dentiste dont je parlais.

Règle simplifiée : si en finnois on peut ajouter un déter­minant (yksi, joku, meidän, se…) devant un nom de profession, en français on utilise c’est et non pas il est/elle est

1.2. Solution intermédiaire

Pour décrire et mieux comprendre la différence entre il est et c’est, on peut aussi utiliser des critères sémantiques et syntaxiques un peu plus nombreux.

1.2.1. Étape 1 : distinguer pronom anaphorique et indice de personne verbale

Il et ça peuvent être des pronoms anaphoriques, qui ont un antécédent (korrelaatti), ou de simples indices de personne verbale, qui n’ont pas d’antécédent et servent seulement à indiquer la personne 3 (3. persoona) du verbe. Devant le verbe être, on peut utiliser différentes formes d’indice de personne verbale : il, ça, c’, ce cela, qui dépendent du type de verbe et du style (code écrit, français parlé), voir les deux tableaux-résumés.

Comment savoir si il et ça sont des indices de personne verbale ? L’indice de personne verbale ne peut pas être remplacé par un pronom personnel comme elle ou je :

Il était prévisible qu’il refuserait. ≠ *Elle / J’étais prévisible qu’il refuserait.
Cela m’étonne que tu refuses. ≠ *Elle m’étonne que tu refuses.
C’est bizarre qu’il n’ait pas téléphoné. ≠ *Elle est bizarre qu’il n’ait pas téléphoné.
Il est urgent de réparer chauffage. ≠ *Elle est urgente de réparer le chauffage.
C’est normal que tu hésites. ≠ *Je suis normal que tu hésites.
Il est normal d’hésiter. ≠ *Je suis normal d’hésiter.
C’est une chance de faire ce voyage. ≠ *Je suis une chance de faire ce voyage.

Remarque : certains adjectifs peuvent avoir deux sens (et deux emplois) différents.

1.2.2. Étape 2 : distinguer il et ça.

Si le pronom il ou ça n’est pas un indice de personne verbale, mais un vrai pronom qui a un antécédent, comment choisir entre les deux ?

a. Le pronom il renvoie toujours à un groupe nominal (ou un pronom à valeur définie, c’est-à-dire personnel démonstratif ou possessif). Si on ne peut pas remplacer il par un nom ou un pronom, c’est un indice de personne verbale (voir Étape 1) :

Le livre est tombé par terre. → Il est tombé par terre.
Ces deux enfants qui jouent dans le sable habitent près de chez nous. → Ils habitent près de chez nous.
Il reste encore une bouteille de vin. → Elle est pour toi.
Quelques-uns de nos amis passeront la nuit chez nous. → Ils passeront la nuit chez nous.

Principale exception : c’est + groupe nominal. Quand le pronom il est sujet du verbe être et que l’attribut du sujet (predikatiivi) est un groupe nominal (ou un pronom), on utilise comme sujet les formes du pronom ça (et non pas de il). Si l’attribut est un adjectif, on utilise il :

Attribut groupe nominal Attribut adjectif
C’est ma sœur. Elle est jeune.
Ce serait une solution. Elle serait quasiment géniale !
C’était qui ? – C’est quelqu’un
que je connais.
Il était prof de maths* dans mon lycée.
Ça serait pas ton ancien prof de maths ?
– Oui, c’est bien lui.
Il était vraiment sympa.

Remarque : dans ce genre de construction, les noms de profession sont des adjectifs. C’est pourquoi on utilise le pronom sujet normal il.

b. Le pronom ça est utilisé pour renvoyer à toutes sortes d’éléments autres qu’un groupe nominal (GN) : phrase, idée, texte, contexte, pronom indéfini etc. :

Il est nécessaire de revoir ce texte, à mon avis c’est même indispensable.
Tu pourrais me dire comment se termine le film ? Ce serait intéressant.
Ne roule pas si vite, c’est dangereux.
Il n’a pas encore répondu. Ça devient inquiétant.

Dans certains cas, on peut reprendre un GN par ça au lieu de il :

Tu as une vilaine plaie au genou. il faut soigner ça. (lire…)
Un bébé, ça vous occupe toute la journée, mais c’est si mignon. (lire…)
Je n’avais jamais visité Lyon. C’est très grand. (lire…)

2. C’est pour définir, il est pour qualifier

En examinant les règles présentées dans le résumé ci-dessus, on peut voir qu’en général

2.1. C’est pour définir

La construction c’est + GN sert en général à définir quelque chose ou quelqu’un. Dans ce cas, ça/ce renvoie à l’objet de pensée dont on est en train de parler et qu’on va définir : « ce que je montre/ce que tu vois/ce dont je parle/ce que tu veux savoir est… ». On renvoie donc en quelque sorte à une proposition cachée, et pas à un nom. Pour cette raison, on utilise le pronom sans genre grammatical et sans nombre (qui ne renvoie pas à un référent précis).

Dans les exemples qui suivent, on donne aussi des cas de c’est utilisé à d’autres temps (imparfait, conditionnel) ou devant pouvoir, devoir ; dans ces cas, la for me du pronom ça peut varier (voir tableau) :

Tu vois cet oiseau ? C’est une guignette. Näetkö tuon linnun? Se on rantasipi. Qu’est-ce que c’est, cette voiture ? – Ce ne serait pas la nouvelle Citroën ? Qui est cet homme, au milieu de la photo ? – Ça pourrait être mon arrière-grand-père. Ce type, ça serait pas ton cousin ? C’était qui le type qui vient de te saluer ? – Ça doit être un ancien voisin. Qu’est-ce que c’est que cette trace au centre de l’image ? – Cela semblerait bien être un astéroïde encore non détecté.

L’attribut de ce peut être un groupe nominal, un pronom possessif, démonstratif, indéfini, relatif, interrogatif, le pronom en etc. :

C’était Jean qui a téléphoné ? – Non, c’était pas lui. C’est les patins que tu voulais ? – Oui, c’est ceux-là. Je prends encore un petit verre de vin. Ce sera le dernier. C’est ton livre ? – Oui, c’est le mien. C’est ça que tu voulais ? – Oui c’est ça. Ce sont des giroles ? Oui, c’en sont. C’est quoi ? = Qu’est-ce ?= Qu’est-ce que c’est ? C’est qui le monsieur à côté de ta mère ? – C’est son ancien mari.

2.2. Il est pour qualifier

La construction il/elle/ils/elles est/sont est généralement suivie d’un adjectif, qui est l’attribut du pronom il/ils/elle/elles. Ce pronom reprend un groupe nominal :

J’ai cueilli un bouquet de muguet. Il est très parfumé. Aurèle est grande. Elle est grande. Les questions étaient très difficiles. Elles étaient très dfficiles. ■ Le finnois est plus facile qu’on ne croit. Il est plus facile qu’on ne croit. ■ Cette vieille maison est difficile à chauffer. Elle est difficile à chauffer.

Dans tous ces exemples, on parle d’un nom, et on le qualifie (kuvailla, luonnehtia), ce qui est habituellement la fonction de l’adjectif qualificatif. C’est la même chose en finnois.

2.3. Des noms qui servent à qualifier comme un adjectif

Cependant, on peut aussi utiliser des noms comme des adjectifs qualificatifs dans certaines constructions.

2.3.1. Noms de profession

Quand on parle d’une personne et qu’on indique sa profession, en français on utilise le nom de profession comme un adjectif (c’est pour cette raison qu’il est sans article). Dans ce cas-là, on répondrait à la question Quelle est la profession de...? :

Quelle est la profession de Pierre ? – Il est pilote.
Quelle est la profession de François ? – Il est capitaine de marine marchande.
Quelle est la profession de Marie ? – Elle est pompière.
Quelle est la profession de Michel ? – Il est infirmier.
Quelle est la profession de Sylvie ? – Elle est prof de français.

Si on met un déter­minant devant l’adjectif, il redevient un nom, et on utilise la construction c’est. Comparer :

(a) Quelle est la profession de M. Martin ? – Il est prof de français.
(b) Qui est M. Martin ? – C’est un prof de français. / C’était notre prof de français.

Dans l’exemple (b), on demande à quelqu’un qui est M. Martin (et non pas quelle est sa profession). La personne répond en définissant M. Martin : elle le connait par exemple parce que c’est son ancien professeur de français.

En finnois, on peut aussi modifier le sens du mot en ajoutant un déter­minant :

Kuka on M. Martin? – Hän on eräs opettaja. [jonka tunnen] / langue parlée : Se on yksi opettaja. [jonka tunnen]

✎ À retenir : si en finnois devant un nom de profession on utilise ou on peut utiliser un déter­minant (yks, eräs, joku, meidän, se, pari, muutama…), ce mot est utilisé comme nom et en français on utilise la construction c’est....

2.3.2. Noms de nationalité

La phrase finnoise hän on ranskalainen peut se traduire de deux manières en français :

Il est français / Elle est française.[adjectif] Hän/Se on ranskalainen.
C’est un Français / C’est une Française. Hän on [eräs] ranskalainen. / Se on yks ranskalainen.

Comme dans le cas 2.3.1. ci-dessus, on constate que si on peut mettre un déter­minant devant l’adjectif français ou ranskalainen, cet adjectif de nationalité désigne un nom (qui représente une personne). On utilise donc dans ce cas la construction c’est (et dans ce cas particulier, le nom s’écrit alors avec une majuscule).

2.3.3. Groupe nominal à double sens

Dans certains cas, des noms peuvent avoir un emploi adjectival. C’est ainsi qu’on peut dire Ce sont des amis ou Ils sont amis. Cela s’explique par le fait qu’en français le mot ami peut être soit un nom soit un adjectif (dans ce cas-là, il signifie « ystävyyssuhteessa oleva, läheinen »). En finnois, ystävä est uniquement un nom (on ne peut dire *hän on hyvin ystävä), et pour cette raison la différence entre les deux exemples suivants peut paraitre difficile à comprendre :

a) Pierre et Ove sont des amis à nous. → Ce sont des amis.
b) Pierre et Ove sont très amis. (ovat hyviä ystäviä, hyvin läheisiä) → Ils sont amis.

Le mot psychologue peut aussi être un nom (psykologi) ou un adjectif (qui n’a pas d’équivalent adjectival en finnois, mais peut se traduire par le nom ihmistuntija) :

Elle est psychologue. / C’est une psychologue. Hän on psykologi.
Elle est très psychologue. Hän on hyvä ihmistuntija.

Parmi les autres mots qui se comportent de cette manière, on peut mentionner jumeaux (jumelles), connaisseur, amateur, artiste, synonyme… :

Quelle est la différence entre les expressions « le problème, c’est que » et « l’ennui, c’est que » ? Elle n’est pas très grande :
ils sont synonymes (ne ovat synonyymisia, samamerkityksisiä) ou
ce sont des synonymes (ne ovat synonyymeja).

2.4. Il est + nom

On peut utiliser IL est suivi d’un attribut groupe nominal, quand le pronom IL renvoie (viittaa) clairement à un nom qui a déjà été défini ou mentionné. Si on qualifie un nom déjà défini antérieurement (il a été mentionné), on y renvoie avec il, qui est alors dans sa fonction normale de pronom anaphorique :

Qui est M. Martin ? – C’est un prof. Il était notre prof de français. L’article se contracte également avec les prépositions de ou à quand elles sont un élément d’une locution prépositionnelle. Garde ces photos pour toi, elles sont tout ce qui te reste de mes grands-parents. C’est vers 2 ans que l’enfant prend conscience de son sexe. Vous lui dites qu’il est un garçon, ou une fille, vous lui expliquez la différence entre papa et maman.

C’est ce qui explique l’opposition entre définition dans (a) et qualification (b) dans les exemples suivants :

(a) En effet, le thème n’est pas toujours le sujet grammatical du verbe de la phrase. Cela peut être par exemple un complément de phrase.
(b) Le nom peut être le sujet de la phrase. Il peut aussi être le complément direct du verbe ou un complément de phrase.

Dans l’exemple (a), on dit que différentes choses peuvent être le thème : le sujet du verbe ou un complément de phrase, et on précise ce qui est par exemple le thème : Qu’est-ce qui est le thème ? (définition). Dans l’exemple (b), on parle du nom (qui est donc identifié), et on indique qu’il peut avoir plusieurs qualités : sujet, complément de verbe, complément de phrase. Le mot qualité peut aussi signifier ominaisuus, en qualité de = jonkin ominaisuudessa, jonakin.

La différence peut parfois être très difficile à comprendre, parce qu’il faut savoir interpréter le sens précis des mots (et des constructions) pour choisir entre c’est et il est et, donc, avoir des connaissances en vocabulaire suffisamment étendues. En cas de doute, une solution est d’utiliser un autre verbe ou une autre construction :

Le thème n’est pas toujours le sujet grammatical du verbe de la phrase. Un complément de phrase peut aussi être le sujet. Le nom peut être le sujet de la phrase. Mais on peut aussi l’utiliser comme complément direct du verbe ou un complément de phrase. / Mais sa fonction peut aussi être celle de complément direct du verbe ou un complément de phrase. L’article se contracte également avec les prépositions de ou à quand ces prépositions sont un élément d’une préposition composée. Etc.

2.5. Résumé

Le mot ça/ce devant être peut aussi être un simple pronom anaphorique renvoyant à autre chose qu’un groupe nominal. On peut donc trouver dans ce cas en finnois le pronom se, avec en français trois valeurs différentes :

Se on harakka. = C’est une pie. ça renvoyant à ce qu’on montre ou dont on a parlé, attribut GN.
Se on utelias. = Elle est curieuse. il renvoyant à harakka
Se on hauskaa. = C’est amusant. ça renvoyant par ex. à l’idée se että on utelias

Avec un référent humain, en finnois, les pronoms sont différents, alors qu’en français on utilise les mêmes pronoms (aucun changement par rapport à l’exemple précédent) :

Hän on kämppäkaverini. = C’est ma colocataire.ça renvoyant à ce qu’on montre ou dont on a parlé, attribut GN.
Hän on opiskelija. = Elle est étudiante.il renvoyant à kämppäkaverini.
Se ei ole yllättävää. = Ce n’est surprenant.ça renvoyant par ex. à l’idée « se että hän on opiskelija »

3. C’est un médecin ou Il est médecin ?

3.1. Une règle simple

Comme expliqué ci-dessus, les apprenants finnophones ont tendance à utiliser de façon erronée le pronom il pour former la construction servant à indiquer la profession de quelqu’un, en disant par exemple *il est un médecin/*elle est une médecin. En finnois, c’est un médecin et il est médecin correspondent à une seule forme hän on lääkäri, ou dans le finnois parlé, se on lääkäri. En français, ce sont deux constructions différentes :

C’est un médecin répond à la question Qui est-ce  ? (Kuka hän on?) ;
Il est médecin répond à la question Quelle est sa profession ? (Mitä hän on ammatiltaan?).

Il suffit de retenir la règle suivante :

Quand le nom attribut du sujet indique la profession de quelqu’un, ce nom devient un adjectif. Il n’a donc pas de déter­minant (le, ce mon…) et on utilise la construction habituelle avec un adjectif il/elle est médecin comme il/elle est sympathique.

Qu’est-ce que c’est ? C’est une planche à roulettes. Se on rullalauta.
Qu’est-ce que c’est ? C’est un bouleau. Se on koivu.
Qu’est-ce que c’est ? Ce sont des cadeaux pour mes enfants.
Qui est-ce que c’est ? C’est mon frère. Se on veljeni.
Qui c’est ? C’est un médecin. Kuka hän on? Hän on (eräs) lääkäri.

Si par exemple dans un hôpital on voit une personne habillée en blanc et qu’on ne sait pas si c’est une infirmière ou une médecin, on posera la question ainsi : Onko tuo lääkäri vai sairaanhoitaja? et sans doute pas : Mikä tämän valkotakkisen naisen ammatti on? On demanderait en français : « C’est une médecin ou une infirmière ? » et non pas « Quelle est la profession de cette femme en blanc ? »

L’inverse n’est pas vrai : à la question Quelle est sa profession? on peut répondre en utilisant c’est + déter­minant + nom (GN), en français et en finnois :

Quelle est la profession de ce monsieur ?
Il est tapissier-décorateur. Hän on verhoilija.
C’est un tapissier-décorateur. Hän on eräs verhoilija. / Se on yks verhoilija.

Comme tous les adjectifs en général, l’adjectif indiquant la profession peut être repris par le pronom le, tandis que le groupe nominal déterminé par un(e) est repris par en :

attribut adjectif : forme le du pronom ça, invariable
Tu es satisfaite et je le suis aussi.
Armèle est professeure d’école et sa fille le sera bientôt aussi.

attribut nom : forme en du pronom il, en… un
Ce champignon est une girole et celui-ci en est une aussi.
Ce professeur est un physicien renommé et sa collègue en est une aussi.

3.2. L’adjectif ne peut pas recevoir d’extension

Dans la construction il est vendeur/elle est géophysicienne…, le mot désignant la profession est un adjectif. On ne peut pas compléter un adjectif par exemple par une proposition relative, ni mettre un déter­minant devant l’adjectif :

*Notre voisine est âgée que nous aidons à faire les courses.
*Elle est âgée que nous aidons à faire les courses.

De la même manière, on ne peut pas compléter un nom de profession utilisé comme adjectif :

(a) Son mari est *tapissier-décorateur qui a restauré notre canapé.
(a’) Il est *tapissier-décorateur qui a restauré notre canapé.
(b) Cette dame est *dentiste chez qui je vais depuis vingt ans.
(b’) Elle est *dentiste chez qui je vais depuis vingt ans.
(c) Marie-Laurencin était *peintre célèbre.
(c’) Elle était *peintre célèbre.
(d) Alvar Aalto était *grand architecte finlandais.
(d’) Il était *grand architecte finlandais.
(e) Henri Poincarré était *mathématicien français.
(e’) Il était *mathématicien français.

Sous l’influence du finnois hän on lääkäri/myyjä/palomies…, les finnophones ont tendance à produire des phrases comme (c’) ou (d’). Les mots peintre célèbre, grand architecte et mathématicien français ne désignent pas des professions. On ne peut donc pas les utiliser comme adjectifs.

Si un ajoute un déter­minant devant les mots signalés par * dans les exemples ci-dessus, ils deviennent des noms et les phrases sont grammaticales. Et dans ce cas, devant le verbe être, on utilise le pronom ce :

Son mari est le tapissier-décorateur qui a restauré notre canapé.
C’est le tapissier-décorateur qui a restauré notre canapé.
Cette dame est la dentiste chez qui je vais depuis vingt ans.
C’est la dentiste chez qui je vais depuis vingt ans.
Marie-Laurencin était une peintre célèbre.
C’était une peintre célèbre.
Alvar Aalto était un grand architecte finlandais.
C’était un grand architecte finlandais.
Henri Poincarré était un mathématicien français.
C’était un mathématicien français.

4. Un problème de didactique du FLE : il et ça

4.1. Définitions

Rappel : dans cette Grammaire du français pour finnophones et dans les descriptions présentées sur cette page

Les caractéristiques, les formes et l’utilisation de ces pronoms sont expliquées en détail dans les pages consacrées à il et à ça. Les formes sont nombreuses et souvent elles se ressemblent, ou on utilise la même forme pour plusieurs fonctions. La variation des formes n’est pas toujours facile à maitriser, même pour les franco­phones.

4.2. Un double problème

Pour de nombreux apprenants de français langue étrangère, l’utilisation des pronoms il et ça pose un autre problème : il faut savoir quand on utilise les formes de il et quand on utilise celles de ça. De façon générale, ce n’est pas très facile, car il/ça/ce peuvent être utilisés dans des cas très variés, mais c’est particulièrement difficile dans le cas des constructions avec attribut du sujet comme c’est intéressant vs il est intéressant.

Cette opposition n’est pas une difficulté pour les franco­phones et, pour cette raison, elle n’est pas décrite de façon fonctionnelle ou efficace, même simplifiée, dans les grammaires françaises. Mais sur Internet, par exemple, on trouve de nombreuses ressources où on tente d’expliquer le problème suivant :

(a) Cette dame est très sympathique.
(b) Elle est très sympathique.
(c) Cette dame est notre nouvelle voisine.
(d) C’est notre nouvelle voisine.

Dans les exemples (a) et (c), la structure est identique : Cette dame est… Pourtant, dans les exemples (b) et (d), pour reprendre (korvata) cette dame, on utilise un pronom différent. Pourquoi utilise-t-on une forme du pronom il dans (b) et une forme de ça dans (d) ?

C’est une question que se posent de nombreux étudiants de français langue étrangère dans la langue desquels on n’utilise pas (ou pas toujours) de pronom personnel devant le verbe, ou bien qui n’utilisent qu’un seul type de pronom de personne 3. En italien, il n’y aurait aucun pronom devant le verbe è :

(b) È molto simpatica.
(d) È la nostra nuova vicina.

4.3. En finnois

En finnois, contrairement à l’italien, on utilise un pronom de personne 3/6 devant le verbe (les pronoms de personne 1/2/4/5 minä sinä me te sont facultatifs) :

(a) Tämä rouva on hyvin mukava.
(b) Hän on hyvin mukava.
(c) Tämä rouva on uusi naapurimme.
(d) Hän on uusi naapurimme.

On remarque cependant qu’en finnois on utilise le même pronom (hän) dans les phrases (b) et (d), alors qu’en en français on utilise elle et c’. Le pronom hän est la forme utilisée pour renvoyer à un nom à référent humain (amie, enfant, personne, skieuse, dentiste…). Si on renvoie à un autre référent (animal, plante, objet etc.), on utilise le pronom se :

(e) Cette petite fleur est une violette. (e’) Cette petite fleur est jolie.
(f) Cette petite fleur est jolie. (f’) Elle est jolie.
(g) Une petite fleur a poussé sur la pelouse. (g’) Cette petite fleur est une violette.
(h) Cette petite fleur est une violette. (h’) C’une violette.
(e) Tuo pieni kukka on keto-orvokki. (e’) Tuo pieni kukka on kaunis.
(f) Tuo pieni kukka on kaunis. (f’) Se on kaunis.
(g) Nurmikolla kasvaa pieni kukki. (g’) Pieni kuka on keto-orvokki.
(h) Tuo pieni kukka on keto-orvokki. (h’) Se on keto-orvokki.

… on constate que dans les exemples finnois (b’) et (d’) on utilise le même pronom hän, et dans les exemples (f’) et (h’) on utilise le même pronom se, alors qu’en français on utilise dans les deux cas un pronom différent elle vs c’.

Enfin, dans le finnois courant parlé ou même écrit (dans les réseaux sociaux etc.), on utilise très fréquemment le pronom se pour renvoyer aussi à un antécédent à référent humain. Dans les phrases suivantes, on utiliserait donc le même pronom dans la langue courante :

(b’) Se on hyvin mukava.
(d’) Se on uusi naapurimme.
(f’) Se on kaunis.
(h’) Se on keto-orvokki.

On peut dire que la difficulté pour les finnophones est est la même que pour les italophones : en italien, il n’y a aucun pronom, dans le finnois courant il y a partout le même pronom. L’erreur typique chez les apprenants italophones est d’utiliser ça (f”) à la place de il, et chez les apprenants finnophones d’utiliser il à la place de ça (d”) :

(f) Cette petite fleur est une violette. (f”) *C’est jolie.
(d) J’ai parlé avec cette dame. (d”) *Elle est notre nouvelle voisine.

En italien, comme il n’y a pas d’autres repères, l’utilisation de c’ s’explique probablement par la fréquence de la construction c’est. En finnois, l’utilisation de elle dans ce cas est due au fait que dame désigne un humain et qu’on utilise normalement le pronom hän pour renvoyer à un humain. Même si dans la langue parlée on utilise le pronom se, les finnophones savent que dans les constructions avec attribut du sujet, il faut choisir entre c’est et il/elle est. Il choisissent donc la solution qui fournit un repère dans leur propre leur propre langue : le référent est humain, donc on utilise il/elle.

Mais dans la réalité, l’opposition il/ça dans les constructions attributives c’est/il est dépend de facteurs différents de celle de hän/se. Ces facteurs sont à la fois syntaxiques et sémantiques. Dans son principe de base, l’opposition il/ça est très simple, mais il y a de nombreuses variantes possibles, qui compliquent le choix du pronom. Bien que les locuteurs franco­phones natifs n’en aient pas conscience, c’est probablement l’une des plus grandes difficultés du français pour de nombreux apprenants allophones. Le fait que ces constructions soient très utilisées dans la langue de tous les jours rend le problème encore plus sensible.

Cependant, les franco­phones eux-mêmes sont parfois dérangés par cet aspect « non humain » de ce et commettent exactement les mêmes erreurs que les finnophones, ainsi que le montrent ces exemples relevés dans la presse ou sur Internet :

Marc Gendron est né au beau milieu du siècle sur les bords du Saint-Laurent, au pied de la plus grande centrale électrique de l’époque. […] Bref, il est un drôle d’oiseau. [forme attendue : c’est un drôle d’oiseau…] Dans le domaine professionnel, le Verseau est très polyvalent. Il peut améliorer sans cesse ses conditions de travail ainsi que celles de ses collègues. Il est un collègue joyeux et sans histoires. [forme attendue : c’est un collègue..] Il est difficile à un blogue d’offrir un contenu aussi élitiste de par le simple fait qu’il est un outil démocratique par excellence. [forme attendue : c’est un outil…] Ces particules sont prétendues être du VIH, mais en réalité elles sont des particules cellulaires et non virales. [forme attendue : ce sont des particules…]

4.4. Des pronoms à usages multiples

Ce qui pose aussi des problèmes (aux apprenants de toute provenance linguistique), c’est que il et ça peuvent chacun être utilisés pour plusieurs fonctions différentes (ci-dessous 1. à 3.). Pour les finnophones, une difficulté supplémentaire est que, dans la langue parlée, on utilise très fréquemment la forme se à la place de hän. Dans le finnois parlé, le pronom se est donc le pronom de personne 3 unique et multi-usages (ci-dessous 4.).

1.il et ça peuvent être des pronoms anaphoriques, qui ont un antécédent (korrelaatti) :

il correspond au finnois se ou hän et renvoie à un groupe nominal : Le chat joue, il est tout excité;
ça correspond au finnois se (mais jamais à hän), et ne renvoie pas à un groupe nominal, mais à une idée, une phrase, un verbe etc. : Arrête de chantonner, ça m’énerve.

2.ça peut être un pronom démonstratif, qui correspond aux pronoms tämä/ tuo/se :

Qu’est-ce que tu voudrais gouter ? Ça ou ça ?

3.il et ça peuvent servir d’indice de personne verbale (voir ci-dessous), nécessaire pour indiquer la personne grammaticale (personne 3) du verbe. En finnois, il n’y a aucun mot équivalent, car le finnois n’utilise pas de indice de personne verbale :

Il pleut. Sataa. Il est fréquent qu’il pleuve. On tavallista, että sataa. Ça glisse. On liukasta. Ça m’énerve de devoir me lever si tôt. Ärsyttää, kun pitää nousta niin aikaisin.

4. En finnois, le pronom se est utilisé pour renvoyer à un GN à référent non humain (VISK §717), mais dans la langue parlée, on l’utilise aussi fréquemment pour renvoyer à un GN désignant un humain (VISK §720), exemple (b) ci-dessous. Le mot se peut donc avoir trois valeurs différentes et servir de pronom de personne 3 unique :

(a) Lautanen putosi lattialle, se meni ihan säpäleiksi. L’assiette est tombée par terre, elle est en mille morceaux.
(b) Yksi mies soitti. Se kysyi sua. Il y a un type qui a appelé. Il voulait te parler.
(c) Kauppakeskuksen ilmastointilaite rikkoutui, ja se aiheutti savua ja osittaisen evakuoinnin. Le système d’aération du centre commercial est tombé en panne, et cela a provoqué des dégagements de fumée et une évacuation partielle.

4.5. Le pronom de personne 3/6 en français et en finnois

Les tableaux comparatifs suivants montrent les ressemblances et les différences entre le finnois et le français.

En français, le pronom ça renvoie uniquement à un antécédent qui n’est pas un groupe nominal. En finnois, se peut renvoyer à un groupe nominal ou un autre antécédent

français finnois
il ça HÄN SE
antécédent
GN
antécédent
non GN
antécédent
GN
antécédent
GN et non GN

En finnois, pour renvoyer à un antécédent GN, on peut utiliser les formes HÄN ou SE. En français, on ne peut utiliser que les formes de il. On ne fait pas de distinction entre un référent humain (le joueur) et non humain (le livre) :

français finnois
antécédent GN
il référent humain référent non humain
HÄN SE

Si on adopte la perspective du français (antécédent GN vs antécédent non GN), on obtient la comparaison suivante :

français finnois
antécédent
GN
antécédent
non GN
antécédent
GN
antécédent
non GN
il ça HÄN SE
langue parlée
SE

Cependant, en français et en finnois, les formes du pronom à antécédent non groupe nominal ne peuvent pas se mettre au pluriel :

français finnois
antécédent
GN
antécédent
non GN
antécédent
GN
antécédent
non GN
il ça HÄN SE
ils - he
ne
(finnois parlé)
-

Enfin, il et ça peuvent être utilisés comme pronoms indices de personne verbale. En finnois, il n’existe pas de mots de ce genre. On obtient alors la comparaison suivante : de

pronom anaphorique
antécédent GN
pronom anaphorique
antécédent non GN
indice de personne verbale
français
il ça il*, ça
finnois
HÄN, SE SE -

*Comme indice de personne verbale, il alterne avec ça. Dans cet emploi, il n’a qu’une seule forme possible, alors que ça a des allomorphes (cela, ce, c’, ç’).

Au total, les deux systèmes de pronom de personne 3 ne reposent donc pas sur les mêmes critères en français et en finnois, ce qui provoque des confusions. Le seul point commun est que quand on renvoie à un antécédent qui n’est pas un groupe nominal, on utilise en français ça et en finnois SE, qui n’ont pas de pluriel.

33. IL vs ÇA. Mise à jour 26.2.2024