a. Dans la présente grammaire, le « pronom IL » (IL en majuscules) désigne de façon générique les 31 formes du pronom de personne 3/6 qui ont pour antécédent (korrelaatti) un groupe nominal (GN) ou un pronom. exemples de groupes nominaux ou de pronoms :
le tableau, ce clavier, nos amis de Belgique, les trois petits chatons, une compagnie aérienne à bas prix, celles-ci, tes olives, les miennes, le livre qui se trouve sur la table, eux, quelques-unes…
Le pronom IL s’oppose au pronom ÇA, qui renvoie à un antécédent qui n’est pas un groupe nominal identifiable dans le contexte.
En finnois, le pronom se peut renvoyer à un groupe nominal ou à un antécédent non nominal (proposition, idée etc.), mais en français on utilise deux pronoms différents :
He remontoivat keittiön. Nyt se on tilavampi ja toimivampi. Se = keittiö (GN)
He remontoivat keittiön. Se oli melko kallista. Se = kun he remontoivat keittiön.
Ils ont rénové la cuisine. Maintenant elle est plus pratique et fonctionnelle.
Ils ont fait refaire leur cuisine. Ça a couté pas mal d’argent.
✎ Il y a de nombreuses possibilités différentes d’utiliser IL et ÇA et de nombreuses exceptions. Voir la page consacrée à l’opposition IL vs ÇA.
b. Il existe une deuxième forme il, qui peut servir d’indice de personne verbale. Dans la présente grammaire, cette forme est désignée systématiquement par « il » en minuscules. Contrairement à ÇA utilisé comme indice de personne verbale, qui a plusieurs formes différentes (ça, cela, ce, c’, ç’), il indice de personne verbale n’a qu’une seule forme.
Les formes il elles la les en eux y celles-ci leur… sont toutes des formes d’un même pronom, comme en finnois sen, sille, niistä, siihen, sitä, niihin ou häneen, hänestä, heihin, heille etc. sont des formes de se ou de hän. La variation des formes dépend de différents facteurs :
Les formes sont résumées dans les tableaux suivants, qui regroupent :
Le tableau ne présente pas tous les cas d’emploi, qui sont assez nombreux, et les possibilités à l’intérieur de chaque cas le sont également.
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | CVD, attribut | CP (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
Formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | préposition + lui | préposition +celui-ci | lui | celui-là |
f. | préposition + elle | préposition + celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | préposition + eux | préposition + ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
préposition + elles | préposition + celles-ci | elles | celles-là |
✎ Les formes elle, elles, lui peuvent fonctionner comme forme faible et comme forme pleine.
Ce tableau montre que le système du pronom IL en français est très dissymétrique (contrairement au pronom hän/se en finnois) :
Les formes faibles du pronom IL varient d’abord (et sont présentées ci-dessous) d’après la fonction grammaticale du pronom. Le pronom a cependant rarement la même fonction grammaticale que le groupe nominal qui est son antécédent, voir Phrase intermédiaire.
✎ Il existe aussi des groupes nominaux qui ne peuvent pas être remplacés par IL.
Le système du pronom de personne 3/6 en finnois utilise deux pronoms, hän et se, qui se déclinent (taipuvat) régulièrement et n’ont qu’une seule forme par cas et par nombre (une pour le singulier et une pour le pluriel). Le français utilise un mélange
a) de formes utilisées uniquement comme pronom (il, elles, lui etc.) et
b) de formes hétéroclites (sekalainen) qui ont aussi d’autres emplois : le la les sont aussi des articles, leur un déterminant possessif, en une préposition, y un adverbe, celui-ci et celui-là des pronoms démonstratifs.
Inversement, les forme celui/celle, qui servent aussi à former les pronoms celui-ci/celui-là, s’utilisent sous la forme simple celui, celle, ceux, celles) uniquement comme allomorphe de IL, et dans certains cas particuliers (ci-dessous).
Il n’est donc pas étonnant que les finnophones (et aussi les autres apprenants de français langue étrangère) aient des difficultés à utiliser les formes justes et mélangent souvent les différentes formes. Cependant, on trouve le même phénomène en finnois aussi : le mot se est utilisé comme pronom de personne 3/6, comme déterminant démonstratif et comme pronom démonstratif.
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | complément direct attribut, sujet postposé | complément prépositionnel (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
Formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | préposition + lui | préposition +celui-ci | lui | celui-là |
f. | préposition + elle | préposition + celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | préposition + eux | préposition + ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
préposition + elles | préposition + celles-ci | elles | celles-là |
La forme faible du pronom IL en fonction de sujet est il/elle, au pluriel ils/elles. IL peut renvoyer à tout groupe nominal identifiable ou à un pronom. Il n’y a pas de distinction entre référent +humain et référent −humain comme en finnois (ni entre +animé et −animé) :
Le petit garçon courait dans le jardin. Il est tombé en butant sur une pierre. ■ Regarde ce petit chien, il est tout excité. ■ J’ai acheté un nouveau four à micro-ondes, il était très bon marché et il est très simple à utiliser. ■ Ne répondez pas aux deux dernières questions, elles figurent par erreur dans les sujets d’examen.
Contrairement au finnois, le pronom sujet il/elle peut donc renvoyer à tout type de référent (animé, non animé, humain, non humain). C’est un point sur lequel il faut insister dans l’enseignement du français à des débutants finnophones, pour éviter qu’ils introduisent une distinction inexistante entre +humain et −humain (il opposé à ce) sur le modèle du finnois hän/se.
Dans l’interrogation directe avec inversion, quand le pronom sujet se trouve après le verbe, on utilise les mêmes formes faibles que quand le pronom est avant le verbe :
Depuis quand est-elle rentrée ? ■ Vos amis ont-ils enfin vendu leur maison ? ■ Qu’en pensent-ils ?
Dans ces trois fonctions grammaticales, les formes du pronom IL varient de façon très similaire, malgré quelques différences, ce qui permet de simplifier la mémorisation des règles :
Complément de verbe direct | Ils font des propositions. | → Ils en font. |
Attribut du sujet | Ce sont des propositions. | → C’en sont. |
Sujet postposé | Il faut des propositions. | → Il en faut. |
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | complément direct attribut, sujet postposé | complément prépositionnel (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
Formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
référent | animé | non animé | animé | non animé | |
sg. | m. | préposition + lui | préposition +celui-ci | lui | celui-là |
f. | préposition + elle | préposition + celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | préposition + eux | préposition + ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
préposition + elles | préposition + celles-ci | elles | celles-là |
Rem. La voyelle des pronoms le et la s’élide (heittyy) devant un mot commençant par une voyelle ou un h non disjonctif :
devant consonne ou h disjonctif : je le vois ~ ça le handicape un peu ~ tu la comprends ~ nous la haïssions
devant voyelle ou h non disjonctif : tu l’écoutes ~ ça l’horrifie ~ on l’hébergera chez nous ~ je l’ai comprise
Les formes le, la, les, en en fonction de complément de verbe direct (CVD), de sujet postposé et d’attribut du sujet dépendent du déterminant qu’aurait le nom dans le groupe nominal auquel il se substitue. Il y a trois possibilités :
Remarque : dans le français parlé, on applique parfois ces règles différemment.
Quand le pronom IL se substitue à un groupe nominal précédé d’une des formes de l’article indéfini commençant par un d-, c’est-à-dire des, du, de la, de, d’, il prend la forme invariable en. Ces formes d’article en d- sont toutes les formes de l’article indéfini autres que un/une :
Complément de verbe direct
Le voisin m’a donné des pommes. → Le voisin m’en a donné.
II y a souvent des accidents. → Il y en a souvent.
Il a cueilli de beaux champignons. → Il en a cueilli.
Je n’ai plus d’allumettes. → Je n’en ai plus.
Le 1er mai, on vend partout du muguet. Vappuna myydään kaikkialla kieloja. → On en vend partout.
J’ai mangé de la glace. → J’en ai mangé.
Je n’ai plus de pain. → Je n’en ai plus.
Sujet postposé
Il vient encore des visiteurs. → Il en vient encore.
Il ne passe plus de trains sur cette voie.→ Il n’en passe plus.
Il te faut de l’argent ? → Il t’en faut ?
Il ne manque plus de passagers. → Il n’en manque plus.
Attribut du sujet
Ces champignons sont aussi des giroles. → Ces champignons en sont aussi.
Ce sont des chats. → C’en sont.
Ces pierres ne sont pas des émeraudes. → Ces pierres n’en sont pas.
Ce n’est pas de la farine sans gluten. → Ce n’en est pas.
Dans les phrases suivantes, l’article n’est pas une forme d’article indéfini en d- (une pomme, le chocolat), mais on utilise malgré tout le pronom en. L’explication est que le pronom en renvoie à un groupe nominal non exprimé dans lequel il y a la forme de l’article indéfini de, qu’on peut rétablir par une phrase intermédiaire :
Tu as un chien ? – Non, je n’ai pas de chien. → Non, je n’en ai pas. ■ Les fruits sont bons pour la santé. Mangez des fruits tous les jours. → Mangez-en tous les jours. ■ Tu veux une pomme ? – Non, je ne veux pas de pomme. → Je n’en veux pas. ■ Si tu aimes tellement le chocolat, je t’achèterai du chocolat tous les jours. → Je t’en achèterai tous les jours.
Dans ces phrases, le pronom en ne reprend donc pas les groupes nominaux une pomme, un chien, les fruits ou le chocolat, mais de pomme, de chien, des fruits, du chocolat.
Quand le pronom IL se substitue à un groupe nominal précédé par un autre déterminant indéfini qu’une forme de l’article indéfini en d-, par exemple un, quelques, trois, plusieurs, beaucoup de etc., on remplace le groupe déterminant+nom par le pronom en et on rajoute après le verbe le pronom correspondant au déterminant :
Complément de verbe direct
Tu veux une pomme ? → Tu en veux une ?
On regarde un nouvel épisode ? → On en regarde un ?
Je ne veux que trois billets. → Je n’en veux que trois.
Nous n’avons entendu aucune protestation. → Nous n’en avons entendu aucune.
Achète plusieurs magazines. → Achètes-en plusieurs.
J’ai reconnu certains élèves. → J’en ai reconnu certains.
On a regardé seulement trois épisodes sur dix. → On en a regardé seulement trois.
Il y eu deux accidents dans l’usine en un an. → Il y en a eu deux en un an.
Nous, on a eu seulement un accident seulement. → Nous, on en a eu seulement un. 12.12
Sujet postposé
Il s’est produit plusieurs tremblements de terre.→ Il s’en produit plusieurs.
Il me faut deux copies de ce texte. → Il m’en faut deux.
Il manque encore certains documents. → Il en manque encore certains.
Attribut du sujet
C’est une girole ? – Oui c’en est une .
C’est un chat. → C’en est un.
Est-ce que cet organisme est bien une bactérie ? – Oui, c’en est bien une.
Si le déterminant est quelques, il est repris par quelques-un(e)s :
On a reconnu quelques actrices. → On en a reconnu quelques-unes.
Il s’est produit seulement quelques accidents sur cette route l’an dernier. → Il s’en est produit seulement quelques-uns.
Ce ne sont que quelques exemples. → Ce n’en sont que quelques-uns.
C’étaient quelques météorites de l’essaim des Perséides. → C’en étaient quelques-unes.
Si le déterminant est un déterminant composé formé avec de (beaucoup de, un peu de, un millier de etc., l’élément de n’est pas exprimé après le verbe :
Complément de verbe direct
Il y a eu des milliers de cas. → Il y en a eu des milliers
Il n’a pas beaucoup d’argent. → Il n’en a pas beaucoup.
Il a mangé toute une boite de chocolats. → Il en a mangé toute une boite.
Il y a eu des milliers de cas. → Il y en a eu des milliers.— Tu auras beaucoup de cadeaux. → Tu en auras beaucoup.— Elles ont gagné un certain nombre de points. → Elles en ont gagné un certain nombre.
On a cueilli tout plein de myrtilles. → On en a cueilli tout plein.
Sujet postposé
Il se trouvera certainement beaucoup de gens pour critiquer le projet. → Il s’en trouvera certainement beaucoup.
Il te faut beaucoup d’argent ? → Il t’en faut beaucoup ?
Il me faudrait pas mal d’argent. → Il m’en faudrait pas mal.
Attribut du sujet
Ce sont beaucoup de de problèmes. → C’en sont beaucoup.
Le déterminant nombre de ne peut pas être repris après le verbe ( à la place, on utilise par exemple un grand nombre de) ; mais quantité de peut être repris (bien que rarement) :
Nous avons trouvé nombre d’exemples. → Nous en avons trouvé un grand nombre. ■ Nous avons trouvé quantité de cas. → Nous en avons trouvé quantité. ou Nous en avons trouvé une grande quantité.
Rappel : le mot en peut aussi être 1) une forme du pronom ÇA et 2) une préposition.
Le pronom en sujet postposé a un équivalent en finnois, sitä ou niitä, mais qui est rarement utilisé, et il faut du temps aux finnophones pour s’habituer à utiliser en. Pourtant, en français, l’utilisation de en est tout à fait banale et fréquente, comme le montre ce dialogue entendu sur un marché de Paris :
— Qu’est-ce qu’il vous faut, madame ? Mitä rouvalle saisi olla?
— Il me faut des asperges. Ottaisin parsaa.
— Il vous en faut combien ? Paljonko otatte?
— Il m’en faudrait deux bottes. Otan kaksi nippua.
— Il me faut aussi des fraises. Otan myös mansikoita.
— Il m’en faudrait une barquette. Otan yhden rasian.
— Et avec ça, il vous fallait autre chose ? Tuliko muuta?
— Non merci, c’est tout ce qu’il me faut. Ei muuta, kiitos.
Quand IL se substitue à un nom précédé d’un déterminant défini (article défini le la les, déterminant démonstratif / possessif ce, cette, ces, mon, tes, leurs, sa, nos, votre…), il prend la forme le, la ou les, et au singulier devant voyelle l’. Le pronom n’a donc qu’une seule forme devant voyelle, l’, et une seule forme au pluriel, les :
L’été est arrivé. Tout le monde l’attendait. ■ Essaye ce couteau, je le trouve très pratique. ■ Tu peux me rendre mes livres ? – Je te les rapporte demain. ■ Est-ce que tu connais Thomas ? – Non, je ne le connais pas. (Thomas est un nom propre, défini par nature) ■ Notre maison est la seule bleue, tu la reconnaitras facilement. ■ Ne jette pas ces tickets d’entrée, je les garde comme souvenir. ■ Nous avons besoin de la voiture ce soir. – Je vous la ramène cet après-midi.
Le pronom peut aussi reprendre un autre pronom personnel, un pronom démonstratif ou possessif (qui sont des pronoms à référent défini) :
Elle n’est pas là et je ne l’ai pas vue de la journée. Hän ei ole kotona enkä ole nähnyt häntä koko päivänä. ■ Est-ce qu’ils t’ont téléphoné? – Non, c’est moi qui les ai appelés. ■ Quelles jolies jupes ! Tu ne voudrais pas essayer celle-là ? Je ne la trouve pas trop chère.
Quand le groupe nominal auquel le pronom se substitue est déterminé par un déterminant défini, on peut aussi reprendre le groupe nominal attribut par le pronom le :
M. Zonk est le nouveau directeur. C’est moi qui l’étais jusqu’à présent, mais j’ai voulu me donner plus de temps libre. ■ Il sera votre ami comme je l’ai été.
La pronominalisation est cependant soumise à diverses contraintes. En principe, le pronom s’accorde en genre et en nombre (a), mais l’usage moderne a tendance à utiliser le pronom sans genre grammatical le (b), qui n’est donc pas une forme de IL, mais une forme de ÇA :
(a) Elle est votre amie, je la suis aussi. (b) Elle est votre amie, je le suis aussi.
Sur l’accord du pronom, voir le détail dans Le bon usage 2007 §673. De toute façon, cette construction n’est pas tellement fréquente. On dira ainsi difficilement : Vous êtes la nouvelle directrice ? – ? Je le/la suis. Plutôt : Vous êtes la nouvelle directrice ? — Oui, c’est moi.
Quand IL (complément de verbe direct, sujet postposé et attribut du sujet) reprend un groupe nominal contenant un adjectif, on observe les mêmes règles que ci-dessus, mais il y a certaines différences, qui dépendent du déterminant. Dans le français parlé, on utilise parfois d’autres procédés (voir plus loin sur cette page).
Quand le groupe nominal est déterminé par un article indéfini (donc toutes les formes d’article indéfini : un, une, des, du, de, de la), on reprend le nom avec le pronom en et on répète le déterminant et l’adjectif après le verbe, autrement dit on reprend le groupe nominal après le verbe, mais en extrayant le nom sous la forme du pronom en. Comparer :
Je jouerai des sonates. → J’en jouerai.
Je jouerai des sonates faciles. → J’en jouerai des faciles.
Achète des pêches au marché. → Achètes-en.
Achètes des pêches rouges au marché. → Achètes-en des rouges.
Il manque une petite cuillère. → Il en manque une petite.
On trouve des pommes pas chères en cette saison. → On en trouve des pas chères.
Achète une bouteille de coca. Je voudrais une grande bouteille. → J’en voudrais une grande.
Tu as un beau chat. → Tu en as un beau.
C’est un beau chat. → C’en est un beau.
Ils ont d’ autres chats. → Ils en ont d’ autres
Ce sont d’ autres chats. → C’en sont d’ autres.
C’est le même manteau ? – Non, c’en est un autre.
Génial est le mot qui définit le mieux ce CD, mais impressionnant, puissant et envoutant en sont d’autres. ■ Si c’est une erreur, c’en est une belle. ■ Est-ce que ce sont de vraies émeraudes ou des émeraudes de synthèse ? C’en sont de vraies. ■ Cette fois, il s’est produit un grave accident à l’usine. → Cette fois, il s’en est produit un grave.
Si l’article indéfini pluriel est à la forme de parce qu’il précède un adjectif antéposé, il reste à la forme de quand le nom est remplacé par en (mais dans le français parlé, il repasse souvent à la forme des) :
Je veux de belles pommes. → J’en veux de belles
Il voudrait d’autres chaussures. Hän haluaisi toiset kengät. → Il en voudrait d’autres.
Remarque : dans le deuxième exemple, le groupe d’autres est la forme du groupe nominal d’autres chaussures (article indéfini + adjectif + nom) dans lequel le nom chaussures a été remplacé par le pronom en. Le groupe d’autres s’analyse donc comme un groupe article+adjectif (exactement comme de belles, de bonnes, des rouges, etc.) qui est rattaché au pronom en. D’autres n’est donc pas un pronom, comme le décrivent par exemple certaines grammaires finlandaises (lire…).
Cependant, après ne … que, on utilise uniquement la forme des, même si l’adjectif est antéposé dans le groupe nominal de départ :
On nous avait dit qu’il y avait de gros cèpes dans la forêt en ce moment, mais on n’en a trouvé que des petits. ■ Haroun Tazieff avait prévu qu’il y aurait des séismes en France avant l’an 2000. Il n’y en a eu que des petits et c’est tant mieux. ■ Je ne me rappelle plus les bottes que j’ai achetées après, mais à partir de ce moment-là, je n’en ai acheté que des bonnes.
Les règles décrites ci-dessus s’appliquent aussi aux cas où le mot qui caractérise le nom n’est pas un adjectif mais un adverbe, une proposition relative ou une autre construction similaire : on reprend le déterminant, en le faisant suivre du mot ou groupe de mots concerné (usage fréquent dans le français parlé) :
Tu avais déjà vu des voitures comme celle de la collection ? – Non, je dois dire j’en ai jamais vu des comme ça. ■ Y’a un monsieur qui nous a donné des bonbons qui piquent, mais moi j’aime pas ça, alors tant pis. Mais ensuite, il est venu nous rattraper dans la rue parce qu’il en avait retrouvé des qui piquent pas. C’était gentil. ■ Bon les dauphins, c’est chaud à prendre en photos, ils apparaissent super vite, pas forcément à l’endroit où j’avais prévu, mais j’en ai des pas trop mal quand même. ■ Couper les courgettes, (moi j’en avais des toutes prêtes au congélateur…) ■ Merci pour les lunettes, j’ai longtemps hésité à les prendre (avant j’en avais des toutes discrètes sans montures, ça change!) ■ L’après-midi, je n’avais toujours pas de contractions (en fait, j’en avais des toutes minus). ■ Je n’ai pas fait le bon choix, j’ai voulu mettre la photo ambitieuse alors que j’en avais des toutes simples. ■ Et les couettes… j’en avais des toutes pareilles !
Si le groupe nominal avec adjectif est déterminé par un autre déterminant que l’article indéfini (plusieurs, beaucoup de, peu de, quelques, certains etc.), il est repris sous sa forme pronominale, mais on ajoute la préposition de devant l’adjectif. Ceci est dû à la règle selon laquelle un adjectif qualifiant un pronom indéfini est précédé de la préposition de :
(a) Le collectionneur n’a pas acheté de tableaux, bien qu’on lui ait proposé certains tableaux très intéressants.
(a’) Le collectionneur n’a pas acheté de tableaux, bien qu’on lui en ait proposé certains de très intéressants.
(b) La bibliothèque devrait racheter de nouveaux livres, il y a beaucoup de livres abimés.
(b’) La bibliothèque devrait racheter de nouveaux livres, il y en a beaucoup d’abimés.
(c) Parmi les personnes interrogées, il y avait peu de personnes satisfaites.
(c’) Parmi les personnes interrogées, il y en avait peu de satisfaites.
Dans la phrase (c’), de n’est pas le mot qui sert à former le déterminant composé peu de, mais la préposition qui relie le pronom indéfini peu et l’adjectif satisfaites ; c’est aussi le cas dans beaucoup d’abimés (b’). L’usage est un peu hésitant à ce sujet, et on trouve aussi des cas où de est omis (sauf quand il fait partie du déterminant complexe). Mais en général on ajoute de, et presque systématiquement si c’est une expression de quantité. L’article un peut aussi entrainer l’utilisation de la préposition de s’il a une valeur de déterminant numéral. Autres exemples avec des noms de nombre :
Combien reste-t-il de tables ? – Il n’y en a que deux de réservées. ■ J’ai eu de la chance avec les heures de tennis, il en restait une de libre le mardi. Minulla oli onnea tennisvuorojen kanssa, oli yksi vapaa jäljellä tiistaisin. ■ Combien de personnes feront le voyage ? – Il y en a déjà cinquante d’inscrites. Montako henkilöä lähtee matkalle? – On jo viisikymmentä ilmoittautunutta.
Quand le nom est précédé d’un déterminant défini (le plus souvent le/la/les, rarement mon ou ces etc.), on ne reprend pas le nom sous forme de pronom : on répète le groupe adjectival après le verbe avec ellipse du nom (comme en finnois) :
Tu as réparé la lampe rouge et la lampe jaune ? – Non, j’ai seulement réparé la jaune.
Dans le français parlé et le style familier, on utilise aussi d’autres procédés.
Le pronom IL peut reprendre un complément prépositionnel en fonction de complément de verbe prépositionnel (CVP) ou de complément de phrase (CdP). Dans certains cas on distingue entre des formes à antécédent animé et des formes dont l’antécédent est non animé, ce qui n’est pas le cas quand le pronom est en fonction de CVD ou de sujet. Cette distinction est systématique dans le code écrit strict ; elle est moins fréquente dans le français parlé.
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | complément direct attribut, sujet postposé | complément prépositionnel (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | préposition + lui | préposition + celui-ci | lui | celui-là |
f. | préposition + elle | préposition + celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | préposition + eux | préposition + ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
préposition + elles | préposition +celles-ci | elles | celles-là |
Dans la norme du code écrit, les formes du pronom complément prépositionnel à antécédent groupe nominal s’organisent selon un système très dissymétrique :
préposition | forme faible syncrétique | forme pleine après préposition | ||
---|---|---|---|---|
| +animé | −animé | +animé | −animé |
à+ GN |
lui leur | y |
à lui à elle à eux à elles |
à celui-ci à celle-ci à ceux-ci à celles-ci |
de+ GN |
| en |
de lui d’elle d’eux d’elles |
de celui-ci de celle-ci de ceux-ci de celles-ci |
sur, avec contre, pour etc. + GN |
|
|
sur lui sur elle sur eux sur elles |
sur celui-ci sur celle-ci sur ceux-ci sur celles-ci |
Dans le français parlé, le système est un peu plus symétrique, mais le mélange des normes du code écrit strict et du français parlé rend le système d’ensemble encore plus difficile à comprendre pour un apprenant de français langue étrangère.
1. Antécédent à référent animé. Quand le pronom se substitue à un groupe nominal introduit par la préposition à, la forme du pronom IL à référent animé est lui au singulier et leur au pluriel. Ces formes sont syncrétiques : elles contiennent en même temps la préposition et le pronom. Il n’y a pas de différence entre le masculin et le féminin :
Je donne le livre à Charlotte. → Je lui donne le livre. ■ pour l’anniversaire de ma tante, mon oncle lui a offert un collier. [offrir à] ■ Le contrôleur a souhaité bon voyage aux voyageurs. [souhaiter à]. → Le contrôleur leur a souhaité un bon voyage. [souhaiter à] Konduktööri toivotti heille hyvää matkaa. ■ Ses enfants manquent beaucoup à ma grand-mère [manquer à]. Ses enfants lui manquent beaucoup.
2. Antécédent à référent non animé. Quand le nom contenu dans le groupe nominal à + groupe nominal renvoie à un non animé, le pronom IL prend la forme invariable y :
Le président a assisté à la réunion. → Le président y a assisté. ■ Je me suis habitué à ce pays. → Je m’y suis habitué. ■ Nous nous intéressons à l’astronomie. → Nous nous y intéressons. ■ Tu penses beaucoup aux vacances ? → Tu y penses beaucoup ■ Il faudra réfléchir à ce problème. → Il faudra y réfléchir. ■ Il est entré à l’université à 18 ans. → Il y est entré à 18 ans. ■ Vous êtes restés longtemps à Monaco ? On y est restés une semaine. ■ Est-ce que la voiture est au garage ?→ Oui, elle y est.
a. Avec certains verbes, on ne peut pas utiliser la forme syncrétique lui/leur pour renvoyer à un animé : la forme dissociée à + forme pleine est obligatoire. Le verbe le plus fréquent et le plus important à retenir est penser à, mais certains autres verbes de la liste suivante sont aussi assez fréquents :
penser à qqn | renoncer à qqn luopua jksta |
rêver à qqn ajatella jtka/haaveksia jstak | recourir à qqn turvautua jkhun |
songer à qqn ajatella | avoir recours à qqn turvautua jkhun |
tenir à qqn pitää tärkeänä | faire attention à qqn varoa jkta |
prendre garde à qqn varoa jkta |
Ma fille aime bien sa maitresse et pense souvent à elle. ■ Cet avocat nous a bien aidés, nous avons eu recours à lui pour faire l’inventaire de succession. Se asianajaja auttoi meitä paljon, käytimme häntä, kun teimme perunkirjoituksen. ■ Laura et Alice resteront employées chez nous comme assistantes d’édition, parce que nous tenons trop à elles. ■ Devenue veuve, sa mère allait enfin pouvoir épouser celui qui, cinquante ans plus tôt, avait renoncé à elle faute d’argent.
Mais si le référent du groupe nominal complément prépositionnel est non animé, on peut utiliser y (a) ; de plus, dans le français parlé, on utilise aussi couramment y pour renvoyer à un animé (b) et (c) :
(a) Je devais faire un voyage professionnel au Mexique, mais j’ai dû y renoncer à cause de la pandémie. (b) Ma fille aime bien sa maitresse et elle y pense souvent. (c) Je viens de me séparer avec mon copain depuis à peine 3 jours, et j’y rêve sans arrêt.
b. On ne peut pas utiliser les formes faibles lui/leur en même temps qu’un pronom à valeur réfléchie. Pour cette raison, avec tous les verbes à pronom réfléchi, il faut utiliser les formes pleines à lui/à elle/à eux/à elles (a), (b) et (c); dans le français parlé, on utilise couramment y pour renvoyer aussi à un animé, qu’on peut employer en même temps qu’un pronom à valeur réfléchie (d) et (e) :
(a) Il s’est adressé à eux. [et non pas : *Il se leur est adressé.]
(b) Nous nous intéressons à lui. [et non pas : *Nous nous lui intéressons].
(c) Je me suis confié (uskoutua) à elle. [et non pas : *Je me lui suis confié]
Français parlé :
(d) On s’intérese beaucoup à lui. → On s’y intérese beaucoup.
(e) Ce spécialiste me parait peu sérieux, je préfère ne pas m’y fier.
Autres exceptions :
c) dans certains cas, on peut utiliser en et y dans le code écrit pour renvoyer à un animé;
d) la norme du code écrit strict veut qu’on n’exprime pas y devant les formes du futur simple et du conditionnel présent du verbe aller.
1. Antécédent à référent animé. Au contraire de ce qui se produit dans le cas de à + GN, quand le groupe nominal auquel le pronom se substitue est introduit par la préposition de et qu’il a un référent animé, il n’existe pas de forme de pronom syncrétique faible particulière : on utilise la forme pleine du pronom après de : de lui, d’elle, d’eux, d’elles. C’est également le cas dans les constructions disloquées avec rejet du pronom en tête de phrase (exemples c et d) :
(a) Il parle sans arrêt de son frère. → Il parle sans arrêt de lui
(b) Où est donc ta sœur ? J’aurais besoin d’elle pour faire un petit travail.
(c) De lui, je me souviendrai toujours.
(d) D’eux tu m’avais déjà parlé la dernière fois.
Dans une phrase comme Vous avez encore besoin d’elle ? rien ne permet donc à l’écrit de déceler s’il y a focalisation ou non (à l’oral, l’intonation peut marquer l’insistance sur elle, s’il y en a une).
2. Antécédent à référent non animé. Quand le nom du groupe nominal précédé de la préposition de renvoie à un référent non animé, il est repris par la forme syncrétique invariable en :
Depuis qu’il a découvert la Chine, il en parle sans arrêt. (< il parle de la Chine) ■ Tu as été à Luxembourg ? – J’en viens. (< je viens de Luxembourg) Oletko käynyt Luxemburgissa? – Olen sieltä tulossa. ■ Ne range pas les skis, on peut encore en avoir besoin. (< avoir besoin des skis) ■ J’ai failli oublier le rendez-vous, heureusement je m’en suis souvenue. (< je me suis souvenue du rendez-vous) Olin unohtaa tapaamisen, onneksi muistin sen.
Quand le groupe prépositionnel (GP) est introduit par une préposition autre que à et de, il n’existe pas de système généralisé de formes syncrétiques de pronoms permettant de renvoyer à celui-ci, sauf quelques exceptions ponctuelles.
Quand le référent du groupe nominal est animé, le complément prépositionnel introduit par une autre préposition que à et de est repris par les formes pleines lui elle eux elles placés après la préposition :
Tu peux compter sur mon fournisseur. → Tu peux compter sur lui. ■ J’ai couru après les lapins. → J’ai couru après eux. ■ Il n’est pas de force à lutter contre ces adversaires. → Il n’est pas de force à lutter contre eux. ■ Mélanie est allée chez ses amies. → Mélanie est allée chez elles. ■ Il faudra passer par les autorités locales. Täytyy asioida paikallisten viranomaisten kanssa. → Il faudra passer par elles. ■ Nous avons commencé sans Robin. → Nous avons commencé sans lui. ■ J’essaierai de discuter du prix avec les fournisseurs. → J’essaierai de discuter du prix avec eux. ■ Après son père, personne ne s’est plus intéressé à cette collection. → Après lui, personne ne s’est plus intéressé à cette collection. ■ Le vaccin a été découvert par ces jeunes chercheures. → Le vaccin a été découvert par elles ■ Devant le proviseur se tenaient quelques élèves peu rassurés. → Devant lui se tenaient quelques élèves peu rassurés.
a. Quand le nom a un référent non animé, la forme de IL complément prépositionnel est celui-ci (ceux-ci celle-ci celles-ci). Ce pronom démonstratif perd alors sa valeur proprement déictique et devient un véritable anaphorique, qui, dans cet emploi, correspond régulièrement au finnois se (et non pas tämä). Comparer :
L’enfant tournait autour de sa mère. → L’enfant tournait autour d’elle.
Les enfants tournaient autour de l’arbre. → Les enfants tournaient autour de celui-ci.
Le pronom celui-ci est la seule forme de IL utilisable dans ce cas dans la norme du code écrit. Cette valeur anaphorique ressort clairement des exemples suivants :
Une corde à linge traversait la cour. Dans le vent, un drap s’était enroulé autour de celle-ci. ■ Les méfaits sanitaires du tabac et la lutte contre celui-ci [titre de rapport] ■ En 1992, le Gouvernement fédéral décide de consulter les personnes qui vivent dans la pauvreté dans le but de lutter plus efficacement contre celle-ci ■ La pâte à sel s’est avérée trop liquide pour obtenir un résultat probant et les élèves ont eu tendance à jouer avec celle-ci ■ En fait, il s’agit moins de remettre en question l’autorité de Virgile que de jouer avec celle-ci, voire de la renforcer. ■ Nous avons besoin de votre matériel et nous souhaiterions pouvoir compter sur celui-ci pour couvrir l’évènement.
Remarque : on trouve cependant dans les textes de langue courante (type Internet, blogs, forums) de nombreuses occurrences où des francophones utilisent les formes avec lui, pour elle etc. pour renvoyer à un non animé. Cependant, cet emploi est à éviter dans le code écrit strict et ne se rencontre par exemple jamais dans la langue administrative, juridique etc.
b. Dans le français parlé, on utilise dans ce cas fréquemment l’anaphore prépositionnelle. La préposition est utilisée seule, comme un pronom :
Une corde à linge traversait la cour. Dans le vent, un drap s’était enroulé autour ■ La pâte à sel s’est avérée trop liquide pour obtenir un résultat probant et les élèves ont eu tendance à jouer avec ■ Nous avons besoin de votre matériel et nous souhaiterions pouvoir compter dessus pour couvrir l’évènement.
Cette forme de pronominalisation ne fonctionne que si la phrase contient un verbe et seulement avec un nombre limité de prépositions.
Si la préposition du groupe prépositionnel (GP) est une préposition à sens spatial (sous, dans, derrière…), on peut reprendre le GP avec le pronom y. Ce pronom remplace normalement un groupe à + groupe nominal, mais il peut donc aussi remplacer un groupe dans + groupe nominal, en + groupe nominal, sous/sur + groupe nominal etc. :
Est-ce que mes lunettes sont dans la voiture ? → Oui, elles y sont. ■ Le parapluie est derrière la porte. → Non, il n’y est pas. ■ Ne va pas en Italie en aout, il fait trop chaud. → N’y va pas en aout. ■ Nous allons rapidement vers de graves difficultés. → Nous y allons rapidement. ■ Tu as remis le dictionnaire dans la bibliothèque ? – Oui, je l’y ai remis.
Dans ces exemples, les groupes prépositionnels sont des compléments des verbes en question être quelque part, mettre quelque part, aller quelque part et la préposition peut exprimer divers rapports spatiaux (sous, sur, derrière, devant, etc.). Exactement comme l’adverbe quelque part, le pronom y peut exprimer de façon générique tous ces rapports.
Quand le pronom y sert d’adverbe spatial polyvalent, il se comporte comme les adverbes devant, derrière, en-dessous etc. (c’est le seul cas où y puisse réellement être défini comme un adverbe et où survive le sens du latin ibi) :
Il aimait la Laponie en hiver. Le climat y [= en Laponie] est plus sec que dans le sud ■ J’ai rangé le fouillis derrière la remise. J’y [= derrière la remise] ai trouvé une vieille canne de mon grand-père ■ Nous allons régulièrement en Vendée en été. Nous y [= en Vendée] avons des amis ■ Je connais un peu Monaco, nous y [= à Monaco] avons visité le musée océanographique.
Le pronom en, contrairement à y, ne peut pas se substituer à un nom en fonction de complément de phrase (CdP). Le CdP doit être repris par un adverbe, comparer :
Il est rentré de la montagne hier. → Il en est rentré hier. (en = CVP) mais :
De la montagne, on voyait bien la ville. → De là-bas, on voyait bien la ville.
La raison pour laquelle en ne peut pas fonctionner comme pronom-adverbe à valeur spatiale, c’est qu’il s’utilise aussi, entre autres, en fonction de complément du nom, pour marquer le possesseur non animé. Si on faisait la transformation de la montagne, on voyait bien le port→ on en voyait bien le port, le pronom en renverrait au groupe nominal complément de port (?le port de la montagne), comme dans l’exemple suivant :
Nous avons survolé Rotterdam en avion. On en voyait bien le port. Lensimme Rotterdamin ylitse. Sen satama erottui selvästi. [en renvoie de façon univoque à Rotterdam, et non pas à de l’avion.]
Pour reprendre un complément prépositionnel à référent non animé, on utilise en général celui-ci :
Devant la maison poussait un beau bouleau. ■ Devant celle-ci poussait un beau bouleau. ■ La voiture a été complètement recouverte par la neige qui est tombée du toit ■ La voiture a été complètement recouverte par celle-ci.
Cependant, le pronom celui-ci ne s’utilise en général qu’avec un groupe nominal désignant un objet concret ou une notion abstraite, mais pas si le groupe nominal est par exemple une forme nominale de verbe (qui correspond à une proposition) ; dans ce cas-là, on utilise cela :
Après le départ de ses amis, il se sentit soudain très seul ■ Après cela, il se sentit soudain très seul ■ On n’avait pas été très étonnés par sa décision de divorcer. ■ On n’avait pas été très étonnés par ça.
En fonction du sens de la phrase, on peut aussi utiliser un adverbe (là, là-bas, ensuite, etc.) ou un nom :
Après le départ de ses amis, il se sentit soudain très seul ■ Ensuite, il se sentit très seul ■ Après leur départ, il se sentit très seul ■ Après cela, il se sentit très seul ■ Derrière la maison, il y avait un petit jardin ■ Derrière, il y avait un petit jardin.
On peut aussi renvoyer au groupe nominal en le répétant tel quel :
Depuis les manifestations qui ont suivi le lancement de la guerre contre l’Afghanistan au début du mois d’octobre, peu de gens ont protesté contre la guerre en France. [exemple tiré d’Internet]
Dans cette phrase, on ne pourrait pas dire *ont protesté contre elle. Mais on pourrait dire ont protesté contre celle-ci. Éventuellement, l’impression de répétition peut être atténuée par l’utilisation d’un déterminant démonstratif :
Un an après le 11 septembre, le monde se trouvait face à une nouvelle guerre. Le chancelier allemand, le président français et d’autres représentants européens s’étaient prononcés contre cette guerre. [exemple tiré d’Internet]
Il est également possible de construire la phrase en changeant de verbe, pour que le verbe puisse recevoir un complément sous forme de pronom. On pourrait transformer l’exemple précédent ainsi :
Un an après le 11 septembre, le monde se trouvait face à une nouvelle guerre. Le chancelier allemand, le président français et d’autres représentants européens s’y étaient opposés / l’avaient condamnée.
Le pronom IL peut aussi reprendre un groupe nominal (GN) en fonction de complément du nom et de complément de l’adjectif sur le modèle :
GN de GN : le livre d’Antoine / la poignée de la valise
Adjectif de GN : Je suis très satisfait de cet élève / de cette voiture.
Quand le groupe nominal à référent animé est en fonction de complément du nom, on ne peut pas utiliser une forme de IL comme complément. La relation anaphorique est exprimée par le déterminant possessif son sa ses leur etc. :
la valise de Bernard → sa valise ■ le chalet des parents de Mélanie → leur chalet.
Avec forme focalisée : sa valise à lui – leur chalet à eux
Quand IL renvoie à un référent animé en fonction de complément d’un adjectif, dans le code écrit strict, on utilise la forme pleine habituelle après préposition, de lui, d’elle, d’eux, d’elles :
Ses élèves avaient bien travaillé et elle était très satisfaite d’eux ■ Les élèves aimaient bien leur prof, elles étaient super-contentes d’elle. ■ Dites à vos élèves que je suis très content d’eux.
Dans ce cas, dans le français parlé, on utilise également souvent en, voir ci-dessous.
Quand IL reprend un groupe nominal complément de l’adjectif à référent non animé, la forme du pronom est en (comme siitä en finnois). Bien que ce pronom en ne soit pas le complément du verbe mais de l’adjectif, le pronom en se place devant le verbe (s’il y en a un) :
Tu devrais essayer cette voiture, j’en suis très satisfait [je suis très satisfait de cette voiture]. ■ Son cadeau lui a beaucoup plu, elle en était absolument ravie [elle était absolument ravie de son cadeau]. ■ Le garçon montrait son nouveau vélo à tout le monde, il en était tout fier [il était tout fier de son nouveau vélo].
Cet emploi est théoriquement limité aux cas où l’antécédent est à référent non animé, mais dans le français parlé on l’utilise aussi pour les animés :
J’ai trouvé un nouveau dentiste, j’en suis très satisfait. [code écrit strict : je suis très satisfait de lui] ■ Tout le monde aimait Agnès. Même sa voisine en était un peu amoureuse. [code écrit strict : était un peu amoureuse de d’elle]
Le pronom en peut aussi se substituer à un groupe prépositionnel de + groupe nominal à la place du déterminant possessif pour exprimer un rapport de possession ou d’appartenance, quand le possesseur est non animé (quand le possesseur est animé, on utilise le déterminant possessif mon ton son, voir ci-dessus). Le pronom en est dans ce cas en fonction de complément du nom, et se place devant le verbe. Comparer :
La vieille valise de Bernard est cassée. → Sa vieille valise est cassée. vs
La poignée de la valise est cassée. → La poignée en est cassée.
Cette robe est belle, j’en aime la couleur. ■ Ils étaient dans un petit hôtel sympathique, il faudra que je leur en demande l’adresse. ■ Je ne me rappelle plus le film, est-ce que tu pourrais m’en raconter le début ? ■ La crise a duré longtemps. Pour en chiffrer le cout, il faudra des années. ■ Micro-crédit : quatre nouvelles mesures pour en favoriser le développement.
Remarque : dans le style courant, on trouve aussi des déterminants possessifs dans ce cas : Micro-crédit…: quatre nouvelles mesures pour favoriser son développement.. Dans le code écrit srtict, on dirait plutôt : quatre nouvelles mesures pour en favoriser le développement. Dans le français parlé, on n’exprime généralement pas le complément du nom (le « possesseur ») non animé. On utilise une sorte d’anaphore zéro, autrement dit on n’exprime pas du tout en : Je ne me rappelle plus le film. Est-ce que tu pourrais me raconter le début ? ou Ne prends pas cette valise, la poignée est cassée.
Pour les étudiants finnophones, cette utilisation de en pour exprimer la possession n’est pas surprenante, puisqu’en finnois le génitif du pronom se remplit exactement la même fonction : Tämä mekko on upea, pidän sen väristä. Cette robe est magnifique, j’en aime la couleur. L’utilisation de en est cependant soumise à plusieurs limitations :
Le pronom en ne s’utilise que si le groupe nominal dont le groupe de + GN est le complément est en fonction de complément de verbe direct.
Si le nom dont dépend le groupe [de + GN] est un complément prépositionnel, on ne peut pas le reprendre par en, il faut utiliser la forme pleine :
Je n’ai pas encore pensé à la réparation de la chaudière. → *Je n’en ai pas encore pensé à la réparation. [construction impossible et incompréhensible] → Je n’ai pas encore pensé à la réparation de celle-ci.
Si le groupe nominal est le sujet du verbe, on exprime la relation anaphorique par un déterminant possessif :
Le palais a été rouvert au public. Sa restauration aura duré trois ans. ■ Cette tour a été construite à une vitesse record. Sa construction a débuté en 2019 et s’est achevée mi 2021.
Il resterait cependant possible d’utiliser de + celui-ci dans ces exemples (mais pas en) :
Le palais a été rouvert au public. La restauration de celui-ci aura duré trois ans. etc.
En français, le pronom IL a une forme faible particulière quand il est devant un pronom relatif :
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | complément direct attribut, sujet postposé | complément prépositionnel (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | lui | celui-ci | lui | celui-là |
f. | elle | celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | eux | ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
elles | celles-ci | elles | celles-là |
En finnois, la forme des pronoms hän et se (= en français IL) ne change pas devant relative (exemples relevés sur Internet) :
Jokainen meistä on tunteidensa vanki. Erityisesti he, jotka väittävät toimivansa järjellä ja järkevästi. ■ Jos et tiedä paljon hänestä, jolle lahjaa olet hankkimassa, voit valita neutraalin ratkaisun antamalla avoimen lahjakortin. ■ Muistikortteja ei kuitenkaan tarvitse tehdä kaikista korteista, vaan vain niistä, joita et jo valmiiksi osaa. ■ Kun valmistuin opettajaksi, hain töitä eri paikoista ja päätin ottaa sen, josta ensimmäiseksi soitetaan.
Comparer avec les mêmes phrases traduites en français :
Chacun de nous est prisonnier de ses sentiments. En particulier ceux qui prétendent agir rationnellement et raisonnablement. ■ Si vous ne connaissez pas bien celle/celui à qui vous voulez acheter un cadeau, vous pouvez choisir la solution neutre du chèque-cadeau. ■ Tu n’as pas besoin de faire de fiche de toutes les cartes, seulement de celles que tu ne connais pas encore. ■ Quand j’ai eu mon diplôme de prof, j’ai cherché des postes à différents endroits et j’ai décidé de prendre celui d’où on me téléphonerait en premier.
Cet emploi du pronom IL et ces formes sont tout à fait courants dans le français de tous les jours, écrit et parlé, et font partie des connaissances de base du français qu’il faut maitriser dès le niveau intermédiaire B1. Par malchance, en finnois le mot se peut aussi correspondre à :
et pour cette raison les finnophones ont souvent tendance à confondre ces différents emplois. Voir Le pronom faible celui/ce, et Erreurs à éviter.
Ces formes s’utilisent aussi devant un participe (ceux ayant accepté), ou un groupe prépositionnel (celui du bas, celles à talons hauts). En finnois, il n’y a pas de constructions équivalentes.
Dans le code écrit, les pronoms y et en remplacent en principe un groupe nominal à référent non animé. Mais on peut aussi les utiliser pour renvoyer à un groupe nominal à référent animé quand celui-ci a une valeur générique et ne désigne pas un animé ou un groupe d’animés en particulier, mais un ensemble virtuel d’animés. C’est notamment le cas quand le groupe nominal est détaché en tête de phrase (ce qui souligne la généricité) :
Les enfants, on n’y pense pas toujours assez. ■ Les amis, on en a souvent besoin.
On utilise également les formes y et en pour renvoyer à un animé dans les constructions disloquées, pour éviter la répétition des prépositions à et de :
*À Charlotte, je pense à elle. → À Charlotte, j’y pense. ■ *Je pense à elle, à Mélanie. → J’y pense, à Mélanie. ■ *D’Aurélie, il parle souvent d’elle.→ D’Aurélie, il en parle souvent. ■ *Il rêve souvent d’elle, de Mylène. → Il en rêve souvent, de Mylène.
Il existe aussi un certain nombre de verbes avec lesquels il est possible d’utiliser les formes du pronom faible il (lui/leur) renvoyant à un non animé même dans la norme de l’écrit soigné :
Aimer la vie, lui trouver un sens. ■ Pendant des années, les professeurs ont réclamé un nouveau laboratoire. Depuis qu’il est là, on lui trouve tous les défauts. ■ Ce médicament est connu depuis l’Antiquité, on lui prête des vertus miraculeuses. ■ La CNIL déplore que le paramétrage ne puisse être effectué depuis un smartphone et lui reproche sa complexité. ■ Si le diner assis reste un modèle largement dominant, 3 personnes sur 10 tendraient à lui préférer l’apéritif, qui requiert nettement moins de travail et d’expertise. ■ Actuellement dans le JT de votre chaine préférée, les faits divers sont surreprésentés […]. Vous considérez que c’est trop, qu’on ne devrait pas leur donner autant d’importance ?
Ces verbes expriment souvent un jugement, une opinion, et équivalent à une construction complétive :
On lui trouve tous les défauts. = On trouve qu’il a tous les défauts. ■ On lui prête des vertus miraculeuses. = On pense/On croit qu’il a des vertus miraculeuses. ■ Les gens lui préfèrent l’apéritif. = Les gens trouvent que l’apéritif est plus facile/ plus simple etc.
La norme du code écrit strict veut qu’on n’exprime pas y devant les formes du futur simple et du conditionnel présent du verbe aller ; ces formes commencent par i et on ainsi évite la répétition de /i/
: Vous allez en Finlande ? Oui, nous irons en juin [et non pas : nous y irons].
Beaucoup d’usagers de la langue ignorent qu’une telle règle existe et les exemples avec y irons ou y ira, y irais, etc. sont très nombreux sur Internet. On peut considérer cette règle comme assez arbitraire ou artificielle, ou au moins peu observée.
De toute façon, elle n’a pas une grande importance dans le français parlé, car on omet assez souvent y devant aller (même devant des formes ne commençant pas par i ) : Tu vas quand chez le dentiste ? – Je vais demain. Mais dans le code écrit strict, on exprime habituellement le pronom y devant le verbe, et il faudrait donc veiller à ne pas l’utiliser devant les formes en i- du verbe aller.
Dans le français parlé, on utilise fréquemment la forme y à la place de à lui, à elle etc. dans le cas des verbes après lesquels on devrait normalement utiliser une forme pleine (penser à, rêver à etc.) :
Vous croyez à ce jeune artiste ? – Oui, j’y crois vraiment. [= Je crois à lui.] ■ Maryse a eu des problèmes avec ses nouveaux camarades de classe et semble avoir eu des difficultés à s’y adapter. [= s’adapter à eux]
De même, on utilise couramment en au lieu de de lui, d’elle etc., avec tous types de verbes :
Il parle beaucoup de ses enfants ? Oui, il en parle beaucoup. [code écrit strict : Il parle beaucoup d’eux.] C’est mon acteur préféré, j’en rêve la nuit ! [Je rêve de lui la nuit !] ■ J’étais si jeune quand mon grand-père est mort que je ne m’en souviens plus vraiment. [= Je ne me souviens plus de lui.] ■ Depuis les dernières déclarations qu’a faites cet homme politique, je m’en méfie grandement. [= Je me méfie grandement de lui.]
Les occurrences sont très nombreuses dans la langue de tous les jours, sur Internet et même dans la presse quotidienne ou la littérature. Il est même probable qu’une grande partie des usagers ignore qu’il est en principe « incorrect » d’utiliser y ou en pour renvoyer à un animé. Cela s’explique facilement : la langue courante ne fait rien d’autre que de supprimer l’irrégularité que constitute l’emploi d’une forme pleine, et aligne la construction sur le modèle canonique sujet - complément - verbe :
Il te voit. Tu me connais. ■ On en vient. Vous en parlez.
FLE : le tableau ci-dessous illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les apprenants de français langue étrangère dans le maniement du pronom IL. La variété des options reflète également l’évolution de la langue moderne par rapport à la norme codifiée de l’écrit. Celle-ci doit cependant être respectée dans l’expression écrite soignée (style soutenu, rédaction scientifique, etc.) : l’utilisation de y ou en pour renvoyer à un animé n’est pas la norme (sauf dans les cas mentionnés ci-dessus).
préposition | forme faible | forme pleine après préposition | |
---|---|---|---|
Code écrit | +animé | −animé | +animé |
à GN | lui leur | y | à lui, à elle à eux, à elles |
de GN | en | de lui, d’elle d’eux, d’elles | |
Français parlé | +animé | −animé | +animé |
à GN | lui / y leur / y | y |
à lui, à elle à eux, à elles |
de GN | en | en |
de lui, d’elle d’eux, d’elles |
préposition | forme faible syncrétique | forme pleine après préposition | ||
---|---|---|---|---|
| +animé | −animé | +animé | −animé |
à+ GN |
lui leur | y |
à lui à elle à eux à elles |
à celui-ci à celle-ci à ceux-ci à celles-ci |
de+ GN |
| en |
de lui d’elle d’eux d’elles |
de celui-ci de celle-ci de ceux-ci de celles-ci |
sur, avec contre, pour etc. + GN |
|
|
sur lui sur elle sur eux sur elles |
sur celui-ci sur celle-ci sur ceux-ci sur celles-ci |
Dans le français parlé, la règle de la transformation de des en de devant adjectif antéposé est souvent négligée. Soit les deux phrases suivantes et leur variante avec un adjectif antéposé devant le nom :
(a) Quand tu iras au marché, achète des pommes. / (a’) Achète de belles pommes. ■ (b) Il faudrait des fraises. /(b’) Prends de grosses fraises pour décorer le gâteau.
Dans les phrases transformées (a’) et (b’), l’article indéfini des passe à la forme de devant adjectif antéposé. Cependant, quand on reprend le nom par le pronom en, l’adjectif n’est plus à proprement parler antéposé, puisque le nom a disparu de sa place d’origine. C’est pourquoi dans ce cas, dans le français parlé surtout, il est fréquent que l’article indéfini reprenne sa forme normale des. Dans les phrases suivantes, (c’) et (d’) sont des phrases intermédiaires qui permettent de comprendre la transformation :
(c) Quand tu iras au marché, achète des pommes. ■ (c’) Je veux de belles pommes. ■ (c’’) J’en veux de belles / des belles. ■ (d) Il faudrait des fraises. ■ (d’) Prends de grosses fraises pour décorer le gâteau. ■ (d’’) Prends-en de grosses / des grosses pour décorer le gâteau.
Cependant, dans le code écrit soigné, on applique régulièrement la transformation de → des même quand le nom a été remplacé par le pronom en.
Comme dans le cas du CVD, dans le groupe déterminant + adjectif + nom, le lien entre l’adjectif antéposé et le nom devient plus lâche et la règle de la transformation de l’article indéfini pluriel devant adjectif antéposé s’applique encore moins systématiquement que d’habitude dans le français parlé. Ainsi, on dira :
code écrit : C’en sont de vraies. / Ce n’en sont pas de vraies.
français parlé : C’en est des vraies. / C’en est pas des vraies.
Dans le français parlé familière, on a tendance à ne pas exprimer le pronom en en fonction. La forme du code écrit C’en sont de vraies. peut donc devenir au final C’est des vraies. Cependant, l’utilisation de en est tout à fait fréquente dans le français parlé courant. Cependant, dans le style familier, on peut supprimer en dans certains cas :
Il t’en faut combien ? – Il me faut seulement un peu. ■ Qu’est-ce que tu as pris comme pêches ? – J’ai pris des grandes, etc.
Cette suppression de en est à interpréter comme une tournure elliptique (Il me faut seulement un peu [de vin], j’ai pris des grandes [pommes]) et non pas comme une pronominalisation à proprement parler (on puisse envisager cette ellipse comme un mode de pronominalisation propre à l’oral, comme l’anaphore prépositionnelle).
Cependant, il vaut mieux utiliser en, car on ne peut pas le supprimer dans tous les cas, par exemple quand le déterminant est numéral : Tu en as acheté combien ? → *J’ai acheté trois (forme attendue : J’en ai acheté trois). Il est très difficile pour l’apprenant de français langue étrangère de savoir quand on peut omettre en dans le français parlé, et il vaut mieux s’entrainer à l’utiliser systématiquement.
C’est justement une des plus grandes difficultés de l’apprentissage du français pour les finnophones. En effet, en finnois, en correspond à sitä ou niitä. Le finnois utilise également un pronom exactement équivalent à en, le partitiivi de se (sitä ou niitä). Il est obligatoire quand il est en fonction de sujet de verbe intransitif (« sujet réel » en français) :
Tulee vieraita. → Niitä/Heitä tulee vielä ■ Tällä radalla kulkee harvoin junia. → Niitä kulkee harvoin.
Mais, dans la plupart des fonctions (complément de verbe, attribut), ce pronom est facultatif ou inexistant et on ne l’exprime pas :
J’en ai encore d’autres. Minulla on [niitä] lisää. Il m’en faut seulement un peu. Tarvitsen [siitä] vain vähän. ■ Il en a acheté trois. Hän osti [niitä] kolme. ■ Achètes-en plusieurs. Osta monta.
En français, l’utilisation de en est très fréquente. La plupart des exemples concernant en attribut du sujet ont été trouvés en quelques minutes sur Internet, avec plus de 50 occurrences pour c’en est une belle, plus de 100 occurrences pour c’en est aussi une, et plus de 400 pour ce n’en sont pas. Même avec l’accord au pluriel (c’en sont), c’est donc loin d’être une forme marginale de la pronominalisation.
Les finnophones ont donc intérêt à d’apprendre à la reconnaitre et à l’utiliser, puisque dans un tel cas, le finnois n’utilise strictement aucun pronom et se contente de répéter éventuellement l’adjectif. Une des grandes difficultés de l’apprentissage du français pour les finnophones est de penser à s’habituer à rajouter un élément « supplémentaire » auquel on ne pense pas toujours. Ce n’est souvent qu’avec de longues années de pratique du français que cet en est produit automatiquement.
Un premier niveau de difficulté se trouve dans le fait que le finnois n’exprime souvent pas le pronom complément d’complément de verbe direct indéfini (par exemple dans des réponses à une question). Le français exprime pratiquement toujours le pronom en, et le premier problème pour les finnophones est de penser à le « rajouter » :
Otatko kakkua? Kyllä, ottaisin mielelläni. Tu prends du gâteau ? Oui, j’en prendrais volontiers. ■ Ei ole paprikaa, kun en muistanut ostaa. Il n’y a pas de poivrons, vu que j’ai oublié d’en acheter. ■ Onko vielä paikkoja? – Ei ole enää. Il reste des places ? – Non, il n’y en a plus.
Le deuxième niveau de difficulté se trouve dans le fait que si le déterminant indéfini du groupe nominal est un autre déterminant qu’une forme d’article indéfini en d-, ou si le groupe nominal contient un adjectif, il faut non seulement exprimer en mais aussi reprendre le déterminant à la forme pronominale ou le conserver devant l’adjectif :
Montako kappaletta haluat? – Tarvitsen muutaman. Combien d’exemplaires veux-tu ? – Il m’en faut quelques-uns. ■ Paljonko banaaneja ostan? – Osta viisi. Ei, osta kaksi kiloa. Combien de bananes est-ce que j’achète ? Achètes-en cinq. Non, achètes-en deux kilos. ■ Osta päärynöitä. Haluan isoja. Achète des poires. J’en veux de grandes. ■ Se kahvi teki hyvää, haluan toisen. Ce café m’a fait du bien, j’en veux un autre. [et pas seulement *je veux un autre] ■ Tämä hame ei sovi toppisi kanssa, vaihda toiseen. Cette jupe ne va pas avec ton bustier, mets-en une autre. [et pas seulement *mets une autre]
Le fait de penser à utiliser en est encore plus difficile dans le cas de l’attribut. Pour un finnophone, pour apprendre à répondre de la façon suivante à la question posée :
C’est le même manteau ? – Non, c’en est un autre
et non pas en disant simplement *C’est un autre, il faut incontestablement une certaine pratique du français.
L’utilisation de en dans ces cas-là est le signe d’une bonne maitrise de la construction. À cause de l’influence du finnois, on a trop souvent tendance à l’oublier.
Dans le français parlé, quand le référent du groupe nominal est non animé, au lieu de reprendre le groupe prépositionnel par un un pronom syncrétique ou un groupe préposition + forme pleine, on le reprend en exprimant uniquement la préposition, qui sert ainsi de support anaphorique. C’est ce qu’on peut appeler l’anaphore prépositionnelle :
Il tourne autour de l’arbre → Il tourne autour. ■ Il ne faut pas courir après les honneurs. → Il ne faut pas courir après. ■ Elle a longtemps joué avec sa poupée. → Elle a longtemps joué avec.
L’anaphore prépositionnelle repose fondamentalement sur une ellipse du complément. Dans la phrase suivante, qui est tout à fait conforme aux normes du code écrit, donc non familière, il y a ellipse du groupe nominal après la préposition sans :
Dans notre corpus, nous avons trouvé seulement deux occurrences d’un infinitif CVD après le verbe détester : une avec le subordonnant de et une autre sans.
Cette ellipse est donc formellement tout à fait comparable aux constructions avec anaphore prépositionnelle comme je suis parti avec, il faut lutter contre. Ce qui distingue l’ellipse de l’anaphore prépositionnelle, c’est que l’ellipse n’est pas un processus de pronominalisation, on veut simplement éviter de répéter un terme qui est immédiatement identifiable parce qu’il fait partie d’une suite logique.
Le procédé de l’anaphore prépositionnelle ne fonctionne qu’avec un certain nombre de prépositions et de façon légèrement différente selon la préposition utilisée :
a. Les principales prépositions qui introduisent des groupes prépositionnels compléments de verbe prépositionnels pouvant être repris avec anaphore prépositionnelle sont après, autour, avec, contre, dans, pour et sur. Des prépositions comme devant, durant, entre et sous ne peuvent pas introduire des CVP (mais elles peuvent introduire des compléments de phrase, avec lesquels l’anaphore prépositionnelle est possible aussi, voir ci-dessous).
Les riverains ont protesté contre la décision. → Les riverains ont protesté contre. ■ La voiture est allée s’écraser contre l’arbre. → La voiture est allée s’écraser contre. ■ Cette ONG lutte pour l’amélioration des conditions de vie. → Cette ONG lutte pour. ■ Mais en tout cas, la pilule faut pas jouer avec, si ça donne des effets secondaires c’est pas bon et il faut en changer vite fait. ■ Dérivé de l’acupuncture, ce bandeau permet une diffusion continue de mélatonine, l’hormone du sommeil. Évitez de sortir avec si vous ne voulez pas qu’on vous enrôle chez les Raéliens. ■ L’entraineur menace : « Si une combinaison est meilleure qu’une autre, alors on nagera avec. ■ Ce gadget qui ressemble de prime abord à un téléphone ordinaire se transforme en montre rechargeable au soleil lorsque vous ne téléphonez pas avec. ■ Une fois que vous aurez voyagé avec votre iTRAVL, vous ne quitterez plus jamais la maison sans ■ Je suis perdu, je trouve plus mes lunettes, et je vois quasiment rien sans ! [exemples divers recueillis sur Internet]
b. Les prépositions sur, sous et dans prennent la forme dessus, dessous et dedans. ; l’anaphore est donc dans ce cas marquée par un adverbe :
Je ne compterais pas sur cette promesse. → Je ne compterais pas dessus. ■ Il aurait dû sauter sur l’occasion. → Il aurait dû sauter dessus. ■ Il risque de tomber sur ces papiers. → Il risque de tomber dessus. ■ Tu l’as mis dans la boite ? - Oui, je l’ai mis dedans.
Ces adverbes sont donc des sortes d’adverbes anaphoriques de forme spécifique (comme y l’était à l’origine). Pour exprimer l’anaphore, on peut aussi utiliser de véritables adverbes dans le code écrit, mais ils ont une forme différentes :
Code écrit | Français parlé | |
---|---|---|
On trouve de bonnes recettes dans ce livre. |
On y trouve de bonnes recettes. | On trouve de bonnes recettes dedans. |
Il y avait un vase sur la table. |
Il y avait un vase sur celle-ci. Il y avait un vase au-dessus. |
Il y avait un vase dessus. |
Sous la table, il y avait un tapis. | Il y avait un tapis en-dessous. | Il y avait un tapis dessous. |
Remarquer que la forme anaphorique dessus n’est pas la même chose que là-dessus :
Certaines prépositions ne peuvent jamais être utilisées en position vide comme anaphorique de groupe nominal, par exemple par :
(a) Est-ce qu’ils sont passés par le chemin ? → Oui, ils sont passés *par. [anaphore prépositionnelle inusitée avec par]
(b) Vous vous dirigez vers de grandes difficultés → Vous vous dirigez *vers. [anaphore prépositionnelle inusitée avec vers]
(c) Il a voté pour ce parti. → Il a voté (*)pour.
Dans l’exemple (c), la forme avec anaphore prépositionnelle est grammaticale, mais elle n’est pas la reprise anaphorique de la phrase de départ, car voter pour s’est lexicalisé dans un sens différent, « voter oui » (äänestää puolesta, äänestää kyllä). Elle pourrait servir de réponse à une question différente :
Comment a-t-il voté ? → Il a voté pour.
De même, chez s’emploie toujours devant un groupe nominal à référent animé et ne peut donc pas être utilisé comme support anaphorique d’un groupe prépositionnel à référent non animé. Les cas d’emploi de l’anaphore prépositionnelle sont donc relativement limités.
Quand la reprise est impossible (pour ou par + CVP), on procède comme dans le code écrit (lire) ; on reprend purement et simplement le nom (sans aucune substitution) ou on utilise une phrase à proverbe faire :
Est-il passé par le raccourci ? → Oui, il est passé par le raccourci / il est passé par là / Oui, c’est ce qu’il a fait.
Cette utilisation de la préposition comme substitut de GP est typique du français parlé, où elle est très fréquente. La langue familière l’étend même aux GP à référent +animé, mais dans ce cas, on exprime généralement en même temps la forme faible lui leur (ou un pronom de personne 1-2-4-5 me te nous vous) devant le verbe, avec une valeur de datif éthique :
J’ai couru après les lapins → Je leur ai couru après. ■ Elle a couru après lui. → Elle lui a couru après.
On trouve même de ces constructions dans la presse [accroche d’article, Le Figaro en ligne] :
Les gendarmes ont abattu jeudi un septuagénaire qui leur tirait dessus après avoir braqué le casino de Trouville. [La forme forme standard serait qui tirait sur eux.]
Voir aussi GMF p. 401. Cependant, la plupart du temps dans les constructions de ce type, le verbe a pris un sens particulier, et ces constructions ne sont pas toujours sémantiquement équivalentes à la construction normale préposition + pronom. Ainsi, la phrase (a) ci-dessous ne peut pas se transformer en phrase (b), l’équivalent de (a) dans le code écrit de serait plutôt une phrase comme la phrase (c) :
(a) Un chauffard lui est rentré dedans. Kaahari törmäsi häneen. ■ (b) ?Un chauffard est rentré dans lui. ■ (c) Il a été heurté par un chauffard.
Comparer également les différences de sens entre les phrases suivantes :
Il m’est tombé dessus. Hän kävi käsiksi [minuun]. ■ Il est tombé sur moi. Hän törmäsi minuun [tapasi sattumalta]. ■ Elle lui tourne autour. Hän ahdistelee häntä. ■ Elle tourne autour de lui. Hän pyörii hänen ympärillään.
En outre, cet emploi est limité à certaines prépositions (contre et avec, notamment, sont exclus) et, pour des raisons syntaxiques, il est impossible dans le cas des verbes à pronom réfléchi.
Si une préposition peut aussi être utilisée comme adverbe (par exemple devant, derrière), il n’y a donc pas toujours de grande différence avec le code écrit :
Après le film, on est allés boire un coup. → Après, on est allés boire un coup. ■ Derrière la forêt, il y avait un petit lac. → Derrière, il y avait un petit lac.
Dans la phrase Derrière, il y avait un petit lac, le mot derrière s’analyse comme un adverbe, tournure parfaitement admissible dans le code écrit aussi. Ce n’est donc pas forcément une anaphore prépositionnelle avec préposition.
Il y a également des prépositions qu’on ne peut pas utiliser telles quelles comme marque d’anaphore prépositionnelle, même dans le code écrit. Dans ce cas, il faut employer un adverbe ou une autre construction :
Contre le mur, il y avait un vélo. → *Contre, il y avait un vélo. → Là, il y avait un vélo ou À cet endroit, il y avait un vélo.
L’emploi de l’anaphore prépositionnelle est donc relativement difficile et demande une certaine pratique du français. Elle doit être utilisée avec prudence par l’apprenant allophone, mais des formes comme je l’ai mis dedans ou elle est partie avec sont du français parlé très courant très idiomatique et peuvent être utilisées dans la conversation.
Le français parlé utilise abondamment le pronom ça comme pronom anaphorique passepartout pouvant renvoyer à n’importe quel antécédent (propriété propositionnelle de la référence par ça). On peut ainsi facilement utiliser ce pronom en fonction de complément de phrase :
Après le film, on est allés boire un coup. → Après ça, on est allés boire un coup. ■ Derrière la forêt, il y avait un petit lac. → Derrière ça, il y avait un petit lac. ■ Contre le mur, il y avait un vélo. → Contre ça, il y avait un vélo. ■ Après cette période,… → Après ça,… ■ Dans ce livre, on trouve… → Dans ça, on trouve… ■ Sur ce livre, on a dit … → Sur ça, on a dit ■ Pour cette recette, il faut du beurre. → Pour ça, il faut du beurre.
Il faut cependant se rappeler que cet emploi typique du français parlé n’est pas la norme dans le code écrit et doit être évité dans la rédaction de textes scientifiques, administratifs etc.
Les formes focalisées (voir définition) sont utilisées quand on place le focus sur le pronom. En finnois, il n’y a pas d’équivalent formel, puisque les pronoms n’ont qu’une seule forme pour chaque cas (sijamuoto) : ils n’ont pas de formes pleines ou focalisées opposées à une forme faible.
Formes faibles | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
sujet | complément direct attribut, sujet postposé | complément prépositionnel (syncrétique) | antécédent de relative | ||||
défini | indéfini | non animé | animé | ||||
sg. | m. | il | le, l’ | en | lui | y / en | celui |
f. | elle | la, l’ | celle | ||||
pl. | m. | ils | les | leur | ceux | ||
f. | elles | celles |
formes pleines | |||||
---|---|---|---|---|---|
prépositionnelles | focalisées | ||||
animé | non animé | animé | non animé | ||
sg. | m. | lui | celui-ci | lui | celui-là |
f. | elle | celle-ci | elle | celle-là | |
pl. | m. | eux | ceux-ci | eux | ceux-là |
f. | |||||
elles | celles-ci | elles | celles-là |
Les formes focalisées renvoyant à un référent animé sont les mêmes que les formes pleines après préposition (lui elle eux elles), mais pour renvoyer à un référent non animé, on utilise les pronoms de la série celui-là.
Les pronoms démonstratifs celui-ci et celui-là sont donc utilisés aussi comme des allomorphes du pronom IL (recyclage grammatical) : tous deux renvoient à un référent non animé, mais les formes de la série celui-ci sont utilisées (dans le code écrit) comme complément prépositionnel de IL (voir ci-dessus), tandis que les formes de la série celui-là sont utilisé comme formes focalisées.
Les formes focalisées du pronom IL (commes celles de je tu on nous vous et du pronom ÇA) peut être utilisées dans trois types de focalisation :
Pour l’étudiant finnophone de niveau B2+, il n’est pas nécessaire de savoir utiliser ces formes focalisées. Mais il est utile de savoir les reconnaitre et les interpréter, parce qu’elles sont fréquentes dans le français parlé. Dans l’expression écrite de niveau C1, il est parfois aussi nécessaire de savoir utiliser les phrases clivées, qui contiennent des formes focalisées (par exemple dans le cas du superlatif).
On peut placer le focus sur le pronom en déplaçant un pronom après le verbe. Le pronom peut alors passer à la forme pleine précédée d’une préposition :
Je lui ai parlé. → J’ai parlé à lui / J’ai parlé à elle. (référent animé)
J’y ai pensé. → J’ai pensé à celui-là / à celle-là / à ceux-là /à celles-là. (référent non animé, par exemple le livre la couleur/les gants/les assiettes)
Elle en a parlé. → Elle a parlé de celui-là/de celle-là/de ceux-là/de celles-là. (référent non animé, par exemple du livre/de la couleur/des gants/des assiettes)
Mon père me l’a donné. → Mon père l’a donné à moi, pas à toi.
Cette focalisation se remarque seulement si le pronom a une forme pleine différente d’une forme faible. Si le pronom n’a qu’une seule forme, la focalisation n’est pas visible à l’écrit. À l’oral, on peut appuyer sur (painottaa) le pronom. À l’écrit, on marque parfois cette focalisation en utilisant des CAPITALES ou des italiques (comme dans les exemples suivants), mais si on n’utilise pas de moyen graphique particulier, on ne voit pas de différence avec une forme non focalisée :
J’ai parlé de lui. → J’ai parlé de LUI ! ■ J’ai pensé à elle. → J’ai pensé à elle. ■ On a parlé d’eux. → Elle a parlé d’eux.
On peut aussi focaliser de cette manière les formes complément de verbe direct, mais certaines transformations s’utilisent seulement dans le français parlé :
Je les ai vus. → J’ai vu EUX ! (référent animé amis, uniquement langue parlée) ■ Je les ai vus. → J’ai vu ceux-là. (référent non animé, par ex. les outils que tu cherches).
À l’écrit, la focalisation avec ordre des mots est donc possible seulement avec certaines formes, et elle est difficile à utiliser par des apprenants allophones. À l’oral, en revanche, on pourrait facilement appuyer sur n’importe quel pronom, ou utiliser la dislocation (voir point suivant).
Dans le français parlé, la dislocation à gauche ou à droite permet de focaliser nettement n’importe quel pronom :
Je lui ai parlé. → Lui, je lui ai parlé. / Je lui ai parlé, (à) lui.
J’y ai pensé. → Celle-là, j’y ai pensé./ J’y ai pensé, (à) celle-là.
J’ai parlé de lui. → Lui, j’en ai parlé./ J’en ai parlé, de lui. [dans le français parlé on peut utiliser en pour renvoyer à un animé aussi]
J’en ai parlé. → (De) celles-là, j’en ai parlé. / J’en ai parlé, de celles-là. (non animé)
Il m’a pas plu. → Lui, il m’a pas plu./ Il m’a pas plu, lui.
Elle m’a pas plu. → Celle-là, elle m’a pas plu. /Elle m’a pas plu, celle-là. (non animé)
Je les ai vus. → Eux, je les ai vus. / Je les ai vus, eux.
Je les (non animé) ai vus. → Ceux-là, je les ai vus. / Je les ai vus, ceux-là.
Dans la dislocation à droite, on exprime parfois la préposition qui précèderait le pronom dans une phrase normale, mais ce n’est pas systématique. Le maniement de ces formes nécessite une longue pratique du français parlé.
Contrairement aux autres pronoms personnels, les formes pleines du masculin lui/eux peuvent être utilisées seules comme sujet focalisé détaché (dans le cas des pronoms moi toi, il faut répéter la forme faible après la forme pleine focalisée) :
Nous, nous partons demain. Lui restera encore deux jours. ■ Moi, j’ai beaucoup aimé le film. Eux l’ont trouvé trop long. ■ Elle, elle est toujours ouverte aux idées nouvelles. Lui est plus conservateur.
On peut aussi utiliser les pronoms elle/elles (et nous/vous) seuls sans que cela devienne agrammatical, mais dans ce cas, il n’y a pas de focalisation, ou cette focalisation n’est pas assez nette.
Les phrases clivées permettent également de focaliser nettement tout élément (voir le principe de fonctionnement dans Les phrases clivées) :
Je lui ai parlé. → C’est à lui que j’ai parlé ■ J’y ai pensé. → C’est à celle-là que j’ai pensé [référent non animé] ■ J’ai parlé de lui. → C’est à lui que j’ai parlé. ■ J’en ai parlé. → C’est de celles-là que j’ai parlé. [référent non animé]. ■ Il m’a dérangé. → C’est lui qui m’a dérangé. ■ Elle m’a dérangé. → C’est celle-là qui m’a dérangé.[référent non animé] ■ Je les ai vus. → C’est eux que j’ai vus. ■ Je les ai vus. → C’est ceux-là que j’ai vus. [référent non animé] ■
✎ On utilise qui après une forme sujet et que après toutes les autres (CVD, CP) :
C’est lui qui l’a dit. ■ C’est lui que j’ai vu. ■ C’est à elle que j’ai parlé. ■ C’est avec eux que je suis venu.
Les formes focalisées du pronom IL (et celles de je tu on nous vous et du pronom ÇA) peuvent donc utilisées dans différents procédés de focalisation (ordre des mots, dislocation, phrases clivées). Mais ces différentes constructions n’ont pas exactement le même sens et ne s’emploient pas dans les mêmes contextes ou situations :
J’ai déjà dit ça à lui.
Signifie : mais pas (encore) à quelqu’un d’autre, ou à personne d’autre.
Lui, je lui ai déjà dit ça.
Signifie : lui fait partie des gens à qui je sais que j’ai dit ou j’ai l’intention de dire ça.
C’est à lui que j’ai déjà dit ça.
Signifie : je l’ai dit à lui, et non pas à son frère/sa cousine/quelqu’un d’autre.
31. Le pronom IL. Mise à jour 28.11.2022