En finnois, les démonstratifs tämä tuo se peuvent être utilisés comme déterminants (tämä talo, tuo ikkuna, se lapsi) ou comme pronoms (Tämä kiinnostaa / Älä ota tuota / Se on rikki). En français, les déterminants démonstratifs et les pronoms démonstratifs ont des formes nettement différentes.
Les finnophones doivent donc faire attention à ne pas confondre les pronoms démonstratifs et les déterminants démonstratifs (confusions fréquentes).
singulier | pluriel | ||
---|---|---|---|
masculin | ce | ces | |
devant voyelle | cet | ||
féminin | cette |
Le déterminant démonstratif est toujours suivi d’un nom (qui peut être précédé d’un adjectif) :
tämä iso talo cette grande maison ■ tuo kirja ce livre ■ se lapsi cet enfant ■ nuo puhelimet ces téléphones ■ nämä pienet ikkunat ces petites fenêtres
à antécédent groupe nominal | |
---|---|
singulier | pluriel |
celui-ci celui-là | ceux-ci ceux-là |
celle-ci celle-là | celles-ci celles-là |
à antécédent non groupe nominal | |
ceci / cela / ça |
Les pronoms démonstratifs ne sont jamais suivis d’un nom :
Tämä kiinnostaa. Celle-ci m’intérese. ■ Älä ota tuota.Ne prends pas celle-là. ■ Se on rikki. Elle est cassée.
Il ne faut pas non plus confondre les déterminants ou pronoms démonstratifs avec le pronom faible celui, qui n’est ni un pronom à proprement parler, ni un démonstratif. Il est toujours suivi d’un pronom relatif ou d’une construction équivalente (celui qui a dit ça, celles de gauche etc.) ou d’un verbe (c’est lui, ce doit être elle) :
Antécédent GN | |
---|---|
singulier | pluriel |
celui | ceux |
celle | celles |
Antécédent non GN | |
ce |
Remarque : des formes erronées comme*celles maisons au lieu de ces maisons (confusion avec le pronom faible), ou j’ai vu cettes (pour je les ai vues, confusion entre le déterminant ne et le pronom ne en finnois) reviennent régulièrement dans des tests de niveau.
Les formes (voir tableau ci-dessus) ne sont pas nombreuses. Le déterminant démonstratif le plus fréquemment utilisé est ce. La forme du masculin singulier est cet devant voyelle ou h muet (cet se prononce comme cette) ; devant h disjonctif, ce ne change pas de forme :
cet avion, cet espoir, cet hiver, ce handicap, ce haricot, ce héros
Au pluriel, il n’y qu’une seule forme pour le masculin et le féminin, comme dans le cas de l’article défini) ; le pluriel de cette est donc ces (et non pas *cettes, erreur fréquente). Comparer avec l’article défini :
le jour, la nuit, les jours, les nuits | le lit, la table, les lits, les tables |
ce jour, cette nuit, ces jours, ces nuits | ce lit, cette table, ces lits, ces tables |
Le français n’est pas aussi précis que le finnois ou d’autres langues avec les démonstratifs : l’opposition entre objet proche et objet lointain (finnois tämä/tuo, anglais this/ that, espagnol ese/este etc.) n’existe pas réellement en français. En général, on utilise simplement la forme ce, qui peut donc signifier « tämä », « tuo » et « se » :
tämä pieni niitty ce petit pré. ■ tuo matto ce tapis ■ se lentokone cet avion ■ nuo hillomunkit ces beignets fourrés ■ nämä pienet letut ces petites crêpes
Si c’est nécessaire, on peut préciser la valeur proche ou lointaine du déterminant démonstratif en ajoutant un affixe -ci ou -là au nom déterminé, pour opposer différents objets qu’on « désigne ».
singulier | pluriel | ||
---|---|---|---|
masculin | ce livre-ci/-là | ces livres-ci/-là | |
devant voyelle | cet ami-ci/-là | ||
féminin | cette orange-ci/-là |
Cette opposition entre formes en -ci et formes en -là est peu utilisée à l’oral. Dans un emploi déictique, c’est-à-dire quand un locuteur parle dans le temps présent à quelqu’un d’autre, il peut montrer concrètement la chose qu’il indique (près de lui, plus loin, en haut, à gauche etc.) et n’a donc pas besoin d’une forme spéciale :
Tu vois cette photo ? Näetkö tämän valokuvan? ■ Regarde cet avion, comme il vole haut ! Katso tuota lentokonetta, kuinka se lentää korkealla!
Le français moderne n’utilise que rarement les formes en -ci, et c’est le cas également avec les pronoms démonstratifs. Si on veut opposer deux objets, on oppose généralement une forme normale (sans affixe) à une forme en -là, car un seul type de déictique suffit, et dans le cas du pronom démonstratif, on utilise simplement la forme celui-là (et non pas une forme en ‑ci, qui reste cependant possible aussi) :
Ce bracelet dans la vitrine me plait beaucoup, mais il est trop cher. Je préfère prendre celui-là. ■ Je prends quelles assiettes ? Celles-là, ou celles-là ?
Dans l’expression du temps, ‑ci et ‑là ont une fonction très nette : les formes en ‑ci sont utilisées dans l’énonciation de discours et les formes en ‑là dans le récit.
Pour désigner les moments par rapport à la journée où on parle, on utilise la forme simple ce avec les mots matin, après-midi, soir, nuit , semaine, mais pour certains autres mots, on utilise ‑ci pour indiquer plus clairement qu’on désigne une date, un moment, surtout avec les mots semaine et mois :
ce matin, ce soir, cette nuit, cette semaine, cette année
ces jours-ci näinä päivinä, ce mois-ci tässä kuussa
ces jours ne päivät, ce mois se kuukausi
Dans l’énonciation de récit, on utilise presque systématiquement l’affixe ‑là pour renvoyer à un moment détaché du présent :
Ce matin-là, il se leva de mauvaise humeur. ■ À cette époque-là, la Finlande faisait partie de la Suède. ■ Ces jours-là, l’incertitude ne cessait de croitre. ■ Ce mois-là, il avait fait très froid.
Dans un emploi textuel, la forme en -ci renvoie à ce qui est le plus proche, tandis que celle en -là renvoie à quelque chose de plus lointain. Dans un texte, le groupe cet exemple-ci renvoie au dernier exemple cité (finnois jälkimmäien) ou bien à l’exemple dont on parle (finnois tämä). De même, dans ce cas-ci renvoie au cas dont on est en train de parler :
Le système illustré à la fig. 1 présente des participants désireux de s’entretenir avec d’autres participants qui se trouvent à un site distant. Dans cet exemple-ci, le système d’analyse de scène comprendra une caméra consacrée à l’analyse et un ordinateur équipé d’un logiciel d’analyse.
Si cet exemple-ci renvoie au dernier exemple mentionné, il peut être remplacé par ce dernier exemple (finnois jälkimmäinen esimerkki). L’alternance -ci/-là permet d’obtenir la même opposition que le finnois edellinen/jälkimmäinen :
On s’est promenés sur la glace et dans la neige, celle-ci [= la neige] n’est en fait qu’une autre forme de celle-là [= la glace]. ■ Le directeur avait eu un entretien avec un étudiant de master, qui avait déjà obtenu de nombreuses unités de valeur, et un autre, de 2e année, mais qui semblait plus dynamique. Cet étudiant-ci avait déjà effectué plusieurs séjours linguistiques à l’étranger, tandis que cet étudiant-là n’avait pas même encore déposé de candidature pour son premier séjour obligatoire.
Dans le langage de type juridique ou technique, on rencontre assez fréquemment le déterminant démonstratif ledit, qui est à l’origine un adjectif composé de l’article défini et du participe dit (sanottu). Ce déterminant s’accorde en genre et en nombre et, de plus, l’article peut se contracter avec les prépositions à et de, comme le montre le tableau suivant :
singulier | pluriel | |||
---|---|---|---|---|
masculin | féminin | masculin | féminin | |
forme simple | ledit | ladite | lesdits | lesdites |
à + ledit | audit | à ladite | auxdits | auxdites |
de + ledit | dudit | de ladite | desdits | desdites |
Ce déterminant s’utilise dans des cas où on veut éviter toute incertitude sur le référent. Son équivalent exact en finnois est sanottu, qu’on rencontre souvent dans des textes techniques. Il équivaut en quelque sorte à l’expression en question (kyseinen, kyseessä oleva) ou parfois ce dernier (jälkimmäinen). L’expression en question ne s’utilise pas dans des textes de type juridique, légal, administratif etc., où on préfère le déterminant ledit. C’est uniquement par tradition stylistique. L’expression en question est tout à fait normale dans la langue courante, le déterminant ledit est cependant d’un style plus « officiel » :
[Extrait d’un brevet industriel]Le dispositif de l’appareil concernant les fibres optiques est exposé plus en détail en liaison avec la figure 6b. Lesdites fibres optiques permettent d’obtenir des données précises sur l’état d’usure. ■ [Extrait d’un texte du Conseil de l’Europe sur la lutte antiterrorisme] Conformément auxdites Conclusions, l’Espagne déclare que les instruments adoptés […] constitutent un ensemble d’accords ou une législation uniforme d’application préférentielle entre les États membres.
Les formes des pronoms démonstratifs sont composées avec le pronom faible celui et un affixe ‑ci ou ‑là. Grâce à cet affixe, le pronom faible devient un pronom plein qui peut remplir toutes les fonctions du groupe nominal (GN), ce qui n’est pas le cas de celui tout seul.
Les grammaires présentent souvent le pronom celui comme une forme « simple » ou « courte » du pronom démonstratif, et celui-ci comme une forme composée ou longue. En réalité, le pronom celui, celle ceux, celles n’est ni un véritable pronom, ni un démonstratif. Les formes celui celle ceux celles ne peuvent pas utilisées par exemple comme sujet ou complément du verbe. Le pronom ce peut être utilisé de façon indépendante dans un nombre très limité de cas (voir Le pronom faible celui/ce). Seuls celui-ci, celle-là, ça peuvent être utilisés comme des groupes nominaux ou des pronoms.
à antécédent groupe nominal | |
---|---|
singulier | pluriel |
celui-ci celui-là | ceux-ci ceux-là |
celle-ci celle-là | celles-ci celles-là |
à antécédent non groupe nominal | |
ceci / cela / ça |
Remarque : dans les formes ceci/cela, l’affixe ‑ci ou ‑là s’est soudé (sulautunut) au pronom ce et on écrit ceci et cela en un seul mot (et cela a perdu l’accent grave). La forme ça est la réduction de cela → /sla/
> /sa/
. Selon le même mécanime phonétique, dans le français parlé, celui est couramment prononcé /sɥi/
( 19.3.), et je lui est prononcé est prononcé /ʒɥi/
( 9.7.).
En français, comme en finnois, les pronoms démonstratifs ont une double fonction :
Les pronoms démonstratifs celui-là/celui-ci renvoient à un groupe nominal identifiable par le contexte ou la situation. Dans la situation de deixis (deiksis), quand une personne peut montrer quelque chose à quelqu’un d’autre, ils ont une fonction démonstrative (« déictique », deiktinen, « qui montre ») : ils servent à désigner quelque chose dans la situation d’énonciation :
Tu veux quel livre ? Celui-là ? Ou bien celui-là ?
Je préfère celui-là.
La forme celui-ci peut aussi avoir une valeur déictique à l’écrit (tekstuaalinen deiksis). Le pronom renvoie au GN qui vient d’être mentionné en dernier (en finnois jälkimmäinen, tämä) :
Jean va voir son voisin. Celui-ci lui annonce qu’il va déménager.
Dans ce cas, le pronom celui-ci n’est pas seulement un pronom anaphorique, il apporte aussi un complément d’information (comme tämä dans le même cas en finnois) et lève l’ambigüité qu’il y aurait dans la phrase
Jean va voir son voisin. Il lui annonce qu’il va déménager. [il = Jean, ou = le voisin ?]
Dans un tel cas, on utilise aussi fréquemment l’expression ce dernier (comme en finnois jälkimmäinen) :
Ariane va voir sa cousine. Cette dernière lui annonce qu’elle va déménager.
Remarque : si dans une même phrase on oppose celui-ci et celui-là, ils correspondent au finnois jälkimmäinen et edellinen. Mais en français, on inverse les pronoms : on commence par celui-ci (le plus proche), donc le dernier mentionné, alors qu’en finnois on commence par le premier mentionné (edellinen) :
On s’est promenés sur la glace du lac et dans la neige, celle-ci n’étant qu’une autre forme de celle-là. ■ J’ai demandé à un étudiant et à un professeur. Celui-ci n’a pas voulu me répondre, celui-là n’a pas su me répondre. Kysyin opiskelijalta ja opettajalta. Edellinen ei osannut vastata, jälkimmäinen ei halunnut vastata.
Les pronoms celui-ci et celui-là ont également une place bien définie comme allomorphes du pronom anaphorique IL :
1. dans le code écrit, celui-ci est la seule forme possible du pronom IL quand ce pronom est un complément prépositionnel et qu’il renvoie à un référent non animé :
Une corde à linge traversait la cour. Dans le vent, un drap s’était enroulé autour de celle-ci. ■ En 1992, le Gouvernement fédéral décide de consulter les personnes qui vivent dans la pauvreté dans le but de lutter plus efficacement contre celle-ci.
2. celui-là sert de forme focalisée au pronom IL à référent non animé :
C’est bien les exemples auxquels tu pensais ? – Oui, je pensais à ceux-là./Oui, c’est à ceux-là que je pensais. [et non pas: c’est à eux que je pensais, qui renverrait à un humain.]
On fait traditionnellement une distinction entre ceci qui renvoie (viittaa) à ce qui va venir (référence à droite ou cataphorique) et ça (dans le code écrit cela) qui renvoie à ce qui a été dit (référence à gauche ou anaphorique) :
Moi, je vais te dire ceci : je n’aime pas beaucoup ce film.
Il y a des embouteillages sur l’autoroute. Ça (Cela) nous a retardé.
La tradition scolaire, les manuels scolaires et les puristes disent qu’il faut (automatiquement) utiliser cela pour renvoyer à ce qui précède et ceci pour annoncer ce qui va suivre. Mais dans la langue réelle, ce n’est pas le cas. Il n’y a plus vraiment d’opposition entre ce qui précède (cela tuo) et ce qui va suivre (ceci tämä), mais plutôt la situation suivante :
Remarque : l’expression cela dit, «tämä tultua sanotuksi» (cf. la locution finnoise sanotusta huolimatta), a le sens de kuitenkin : Il est vrai que j’avais promis de venir. Cela dit, je n’avais pas dit quand. Olin tosin luvannut tulla. En kuitenkaan sanonut, milloin tulen. À cause de la disparition progressive de l’opposition ci/là, beaucoup d’usagers de la langue disent ceci dit à la place de cela dit. Cet usage scandalise les puristes, mais il est courant et tout à fait conforme au système de l’anaphore du français du XXIe siècle.
Ceci est plus nettement un démonstratif qui renvoie à une partie précise du discours ; cela renvoie à un ensemble moins « délimité », plus vaste. Cette opposition correspond plus ou moins à la différence entre tämä et se en finnois (et donc pas entre tämä et tuo). Comparer :
(a) Lors du débat télévisé, tous les candidats ont parlé du changement climatique. Cela prouve que c’est un problème qui parle aux électeurs. Televisioväittelyssä kaikki ehdokkaat ottivat esille ilmastonmuutoksesta. Se osoittaa, että ongelma puhuttelee äänestäjiä. [Cela = le fait que tous les candidats aient mentionné le changement climatique.]
(b) Lors du débat télévisé, l’un des candidats vient de parler du financement des partis. Ceci me rappelle un autre problème, celui du financement de la campagne. Televisiossa yksi ehdokkaista mainitsi puolueiden rahoituksen. Tästä tuleekin mieleeni toinen ongelma, kampanjan rahoituksen ongelma. [Ceci = le problème du financement des partis mentionné par un candidat.]
Si dans l’exemple (b) on avait dit Cela me rappelle…, le mot cela signifierait « le fait que le candidat ait mentionné le financement des partis » et non pas le problème du financement. La différence de valeur n’est cependant pas toujours très nette et dépend plutôt du point de vue. Mais elle contribue à spécialiser ça/cela en anaphorique sans valeur déictique.
En finnois, tämä et tuo ont un sens nettement démonstratif. Ils correspondent donc en français à celui-ci/celui-là (et généralement à celui-là, voir ci-dessus). En revanche, le pronom se peut avoir soit une valeur simplement anaphorique, soit une valeur plus nettement déictique. La phrase hän ei puhunut siitä peut signifier « hän ei maininnut asiaa » ou, si on appuie sur siitä, elle peut signifier aussi « siitä asiasta hän ei puhunut [vaan jostakin muusta] ».
Dans le premier cas, on utilise en français le pronom ÇA, à la forme complément prépositionnel en, dans le deuxième cas on utilise le pronom ça après préposition :
Il n’en a pas parlé. Hän ei maininnut siitä.
Il n’a pas parlé de ça. Siitä hän ei maininnut/puhunut.
À l’oral, en finnois, la distinction s’entend clairement ; à l’écrit, c’est en général le contexte ou une modification de l’ordre des mots qui permet de décider s’il y a insistance sur se ou non. Mais il faut se rappeler que cette distinction existe, car elle peut déterminer le choix de la forme du pronom en français (forme en vs forme de ça).
20. Les déterminants démonstratifs. Mise à jour 29.2.2024