Le participe passé utilisé pour la formation des temps composés (temps du passé ou au passif) peut s’accorder en genre et en nombre avec le sujet ou avec le complément direct du verbe. Pour résumer, on peut dire que, en règle générale :
Les cas particuliers et les exceptions à ces deux règles sont nombreux. L’accord du participe passé demande à la fois une bonne compréhension des structures verbales et la connaissance de règles parfois arbitraires, qui sont difficiles à utiliser pour les francophones eux-mêmes (voir L’érosion de l’accord du participe passé).
Quand l’ordre des mots est l’ordre normal sujet-verbe-complément et que le complément direct du verbe (CVD) se trouve après le verbe, le participe passé du verbe conjugué avec l’auxiliaire avoir est invariable :
Est-ce qu’ils ont attendu leurs amis ? ■ La neige a recouvert le pays d’un manteau blanc. ■ Il a chanté une chanson de Souchon. ■ Elles nous ont raconté leur voyage. ■ Avez-vous retrouvé vos lunettes ?
Si le complément direct du verbe précède le verbe, le participe passé s’accorde en genre et en nombre avec le complément. La plupart du temps, ce complément de verbe avec lequel le participe passé s’accorde est le pronom personnel la ou les ou le pronom relatif que (quand il renvoie à un féminin ou à un pluriel), mais le CVD peut aussi précéder le verbe dans les phrases interrogatives ou exclamatives.
a) les pronoms personnels CVD qui entrainent un accord peuvent être la, me, te (référent féminin), les, nous vous, se (référent féminin et/ou pluriel) :
Les amis qu’ils ont attendus pendant une heure ne sont finalement pas venus. ■ Elle téléphoné à sa cousine et elle l’ai invitée à diner chez nous. ■ Ces questions, on me les a souvent posées. ■ Je t’ai vue hier avec ton frère. ■ Ils ne nous ont pas écoutées. ■ Elles nous avaient beaucoup soutenues pendant cette période difficile.
b) pronom relatif que (à antécédent féminin et/ou pluriel) :
Tu pourrais me rendre les livres que tu m’as empruntés ? ■ Je trouve hideuse la cravate qu’il a mise. ■ Il n’a pas aimé les questions qu’on lui a posées. [questions féminin pluriel] ■ Il n’a pas eu les réponses qu’il avait voulues. [réponses féminin pluriel]
c) nom ou autre pronom CVD dans les interrogations ou les exclamations :
Quelle décision a-t-ellee ? ■ Combien d’étudiants a-t-on acceptés cette année ? ■ Quelle surprise il a eue ! ■ Lesquelles avaient-ils choisies ?
Important ! Cette règle concerne seulement les cas où le pronom personnel est le complément direct du verbe (CVD). Si le complément est un complément de verbe prépositionnel (CVP), le participe passé ne s’accorde pas. Comparer :
Il a donné des exemples amusants. CVD → Les exemples qu’il a donnés étaient amusants.
As-tu pensé à cette histoire ? CVP → Cette histoire, j’y ai pensé.
Je t’ai parlé de cette règle. CVP → C’est la règle dont je t’ai parlé
Nous avons parlé de ses problèmes. CVP → Nous en avons parlé.
Le participe passé ne s’accorde pas si le complément de verbe direct qui précède le verbe est le pronom en :
Nos hôtes nous ont apporté des chocolats et nous en avons tout de suite gouté. ■ Tu as lu des Astérix en français ? – Oui, j’en ai lu. ■ Est-ce qu’il y a de la crème dans la sauce ? – Oui, j’en ai mis un peu. ■ Des aurores boréales, on en a vu beaucoup cet hiver.
Quand le pronom en est un complément prépositionnel, le participe passé ne s’accorde de toute façon jamais, car l’accord ne concerne que le complément de verbe direct (CVD) :
J’ai parlé de cette histoire à ma sœur. → J’en ai parlé à ma sœur.
Mais ce qui est particulier, c’est que même quand en est un CVD, on ne fait pas l’accord.
Pour certains grammairiens ou auteurs de grammaires, le participe passé devrait s’accorder quand le CVD est en précédant le verbe : Des difficultés, j’en ai eues beaucoup (Vaikeuksia oli paljon). Le plus simple est cependant de ne jamais faire l’accord avec en, qu’il soit CVP ou CVD.
Quand le complément dépend d’un infinitif complément d’un autre verbe comme faire, laisser, devoir, pouvoir, vouloir, le participe passé ne s’accorde pas :
La maison qu’ils ont fait construire est très coquette. [qu’ est le complément de l’infinitif construire et non du verbe ont fait] Talo, jonka he rakennuttivat, on hyvin kodikas. ■ C’était une belle occasion, malheureusement tu l’as laissé passer. ■ Les médicaments qu’il a dû prendre lui ont retourné l’estomac.
Remarque : Les verbes faire, laisser, devoir et vouloir peuvent aussi être des verbes transitifs avec un complément de verbe direct, et leur participe passé peut s’accorder si nécessaire :
Tu as eu tous les cadeaux que tu as voulus ? ■ Ne pense pas trop aux erreurs que tu as faites. ■ Les coings n’étaient pas encore tout à fait mûrs, je les ai laissés sur l’arbre. Kvitteniomenat eivät olleet vielä aivan kypsiä, jätin ne puuhun. ■ Les brillantes communications qu’on lui a dues ont galvanisé les jeunes chercheurs.
La règle concernant l’absence d’accord du participe du verbe faire suivi d’un infinitif (la maison qu’ils ont fait construire) est facilement compréhensible pour des finnophones, qui comprennent que dans faire construire, le verbe faire a valeur d’auxiliaire factitif, équivalent aux factitifs en -ttAA du finnois :
rakentaa construire ~ rakennuttaa faire construire
tehdä faire ~ teettää faire faire
ostaa acheter ~ ostattaa faire acheter etc.
Il est donc facile (pour des finnophones, au moins) de comprendre que dans la phrase la maison qu’ils ont fait construire, le pronom relatif est le complément direct du verbe faire construire, et non pas du verbe faire. Pourtant, cette règle semble incompréhensible à un grand nombre d’usagers francophones, qui, interprétant mal la construction, sont persuadés qu’il faut dire (ou écrire) la maison que j’ai *faite faire.
Le verbe laisser est également assimilable à un auxiliaire similaire à faire (comparer : j’ai fait sortir les enfants / j’ai laissé sortir les enfants), et pourtant, avant les rectifications orthographiques de 1990, de nombreuses grammaires réclamaient qu’on fasse l’accord (les enfants que j’ai laissés sortir). Cette orthographe se rencontre encore dans nombre de textes antérieurs au XXIe siècle. La nouvelle orthographe (§6) a aligné laisser sur faire et on ne fait plus l’accord dans ce cas : les enfants que j’ai laissé sortir. Voir aussi d’autres cas ci-dessous.
Quand il est un élément d’une forme composée d’un verbe se conjuguant avec l’auxiliaire être, le participe passé de la forme verbale s’accorde en genre et en nombre. Ceci concerne :
Tous les oiseaux sont revenus. [verbe intransitif] ■ Nos amis ne sont pas encore partis. [verbe intransitif] ■ Les fillettes se sont beaucoup amusées, mais aussi pas mal disputées. [verbes à pronom réfléchi] ■ Cette invention a été beaucoup critiquée. [passif] ■ Après avoir été accueillies par le président, les déléguées ont été reçues au Parlement. [passifs]
Les verbes à pronom réfléchi se conjuguent toujours avec l’auxiliaire être. Le participe doit donc théoriquement s’accorder en genre et en nombre, mais il y a des cas particuliers.
a. Le participe passé s’accorde si le pronom réfléchi est le complément direct (CVD) du verbe :
Ils se sont préparés. ■ Les oiseaux se sont posés sur la branche. ■ Elle s’est assise. ■ Nous nous sommes suivis. Seurasimme toisiamme. ■ Vous vous êtes lavés ? ■ Ces livres se sont bien vendus.
Mais le participe ne s’accorde pas, si le pronom réfléchi n’est pas le CVD, autrement dit si c’est un complément de verbe prépositionnel (CVP) :
Ils se sont nui. He aiheuttivat toisilleen vahinkoa. [nuire à] ■ Elles se sont souri. [sourire à] ■ Ils se sont préparé le repas. He valmistivat itselleen aterian [CVD = le repas ; se = pour eux-mêmes] ■ Les auditeurs se sont posé des questions en entendant ces propos surprenants. [CVD = des questions ; se = à eux-mêmes] ■ Elle s’est demandé pourquoi Georges a refusé. Hän ihmetteli, miksi Georges kieltäytyi [CVD = pourquoi Georges a refusé ; se = à elle-même] ■ Ils se sont téléphoné. He soittivat toisilleen [se = l’un à l’autre] ■ Vous vous êtes lavé les mains ? Joko pesitte kätenne [vous = à vous-mêmes] ■ Nous nous sommes accordé un peu de repos [nous = à nous-mêmes] ■ Les évènements se sont succédé rapidement. Tapahtumat seurasivat toisiaan nopeasti [se = l’un à l’autre, succéder à]
b. Cependant, si le complément direct (qui n’est donc pas le pronom réfléchi se, puisque celui-ci est ici un complément de verbe prépositionnel, mais par exemple la/les, que) précède le verbe, on fait l’accord comme dans le cas des verbes avec avoir :
Nous nous étions réservé une table. [nous CVP, table CVD est après le verbe.]
La table que nous nous étions réservée a été prise. [CVD que (la table) avant le vb.]
Ils se sont posé des questions.
Ces questions, je me les étais posées aussi.
Elles se sont écrit de longues lettres.
J’ai retrouvé dans un carton les lettres qu’elles se sont écrites.
Pour ce voyage, elle s’était imaginé des aventures extraordinaires.
Les aventures qu’elle s’était imaginées se sont toutes réalisées.
En effet, malgré l’auxiliaire être, la construction est identique à celle d’un verbe avec avoir :
Je lui ai fabriqué une étagère. → L’étagère que je lui ai fabriquée.
Je me suis fabriqué une étagère. → L’étagère que je me suis fabriquée.
c. Si le verbe est essentiellement pronominal (il n’existe qu’à la forme avec pronom réfléchi), ou si c’est un verbe pronominal idiomatique (qui existe aussi à la forme non pronominale, mais avec un autre sens), le participe passé s’accorde toujours :
Verbes essentiellement pronominaux
Les voleurs se sont enfuis. ■ Nous nous en sommes souvenus. ■ Les oiseaux se sont envolés. ■ Elle s’est éprise de Bruno. ■ Les douleurs se sont évanouies.
Verbes pronominaux idiomatiques
Les voleurs se sont rendus à la police. ■Depuis la hausse du prix de l’essence, elle ne s’est plus servie de sa voiture. ■ Vous vous êtes mêlés de ce qui ne vous regarde pas. ■ Elles se sont doutées de l’issue du procès. He aavistivat, kuinka oikeudenkäynti päättyisi.
En vertu des règles (b) et (c) ci-dessus, on distingue (a) se servir, forme réfléchie de servir (servir à soi-même), se est un complément de verbe prépositionnel (CVP) et (b) se servir de, verbe pronominal idiomatique (qui signifie « utiliser » käyttää), par une différence d’accord au féminin et au pluriel :
(a) se CVP :
Il s’est servi du vin.Elle s’est servi du vin. Hän kaatoi itselleen viiniä.
Ils se sont servi du vin.Elles se sont servi du vin. He kaatoivat itselleen viiniä.
(b) se élément morphologique (ininterprétable) du verbe :
Il s’est servi du vin. Elle s’est servie du vin. Hän käytti viinin [ruoanlaittoon tms.].
Ils se sont servis du vin. Elles se sont servies du vin. He käyttivät viinin [ruoanlaittoon tms.].
Ces règles subtiles sont difficiles à comprendre pour les apprenants finnophones (ou autres), parce que, souvent, ils ne connaissent pas la construction ou le sens précis du verbe (même d’un verbe assez courant comme se servir de). Mais de nombreux usagers francophones ne les comprennent pas non plus et elles provoquent souvent des « fautes » d’accord.
Pour cette raison, beaucoup d’usagers francophones ont tendance à accorder systématiquement « par précaution » (à cause d’un sentiment d’insécurité linguistique) le participe passé du verbe se demander avec le sujet du verbe. Cela concerne aussi de nombreux autres verbes avec pronom réfléchi, comme le montrent ces quelques exemples relevés dans des journaux en ligne (2020-2022) :
Qui ne s’est pas déjà réveillé avec un mal de cou après avoir passé une mauvaise nuit ? C’est sans doute ce que s’est *demandée Helen, il y a maintenant trois ans. [Sud Info, Belgique] ■ Caroline Descôteaux s’est *fracturée le poignet dans le stationnement du centre Gervais auto. [iHeartRadio, Québec] ■ Lisa Stricklin, s’est semble-t-elle *cassée la jambe pendant le mouvement de foule [LCI, France]. ■ Pourtant Jasmine s’est brossée les dents plusieurs fois. [feminactu.com, France]
Dans ces exemples, les participes ne devraient pas s’accorder : s’est demandé, s’est fracturé, s’est cassé, s’est brossé. Dans les blogs, forums etc., les exemples similaires se comptent par millions. L’apprenant FLE doit donc faire attention à ne pas considérer ces déviations systématiques comme la règle et à ne pas accorder le participe (il est cependant fortement déconseillé de tenter de corriger les francophones).
On peut retenir tout simplement que le participe passé d’un verbe à pronom réfléchi s’accorde toujours en genre et en nombre, sauf quand ce verbe est un verbe à complément prépositionnel : ils se sont téléphoné (téléphoner à qqn), elles se sont souri (sourire à qqn) etc.
Remarque : quand le complément du verbe précède le verbe, le participe s’accorde avec celui-ci : la table que nous nous étions réservée etc. Il faut bien comprendre le mécanisme : dans les longues lettres qu’elles se sont écrites, le participe écrites est au féminin pluriel parce que le CVD que (= les longues lettres) se trouve devant le verbe, et non pas parce que le sujet est elles. C’est une règle que de nombreux francophones ne comprennent pas.
Ou petit résumé des joies de l’accord du participe :
Elle s’est fait une robe. → Elle s’en est fait une.
Elle s’est fait faire une robe. → Elle s’en est fait faire une.
Elle s’est fait la robe. → Elle se l’est faite.
Elle s’est fait faire la robe. → Elle se l’est fait faire.
Sur huit phrases avec un participe passé, il y a donc un seul cas où on fait l’accord. Une grande partie des francophones seraient incapables de produire ces phrases avec une certitude de 100%.
Le participe passé de certains verbes exprimant une quantité (valeur, prix, poids, longueur, durée etc.) comme couter, valoir, durer, peser, mesurer, courir, vivre, régner, est invariable quand le complément renvoie à une quantité concrète :
Les trois ans qu’il a vécu ici ont passé vite. Ne kolme vuotta, joiden aikana hän asui täällä, ovat kuluneet nopeasti. ■ Les deux cent mètres qu’il a couru l’ont laissé essoufflé. ■ Je ne me rappelle plus combien d’euros cela a couté. ■ Ce tableau ne vaut plus la somme qu’il a valu. ■ Les quatre heures que ce voyage a duré m’ont semblé une éternité.
On ne fait pas l’accord quand le CVD qui précède le verbe désigne une quantité parce que dans la construction ce livre coute quinze euros, le groupe nominal quinze euros n’est pas un complément ordinaire (c’est ce complément qu’on appelle en finnois osma, (objektin sijainen määräadverbiaali). En finnois, dans les phrases :
Kirja maksoi kympin. Le livre a couté dix euros
Poika maksoi kirjasta kympin. Le garçon a payé dix euros pour le livre.
l’action du verbe ne porte pas sémantiquement de la même manière sur kympin (le garçon fait quelque chose de concret, le livre ne « fait » rien).
On peut cependant également utiliser ces verbes dans un sens figuré. Le complément direct est alors interprété comme un véritable complément et non plus comme une expression de quantité, et le verbe se comporte comme un verbe transitif direct ordinaire. Dans ce cas, on fait l’accord du participe passé (comparer avec les exemples précédents) :
Les trois années pénibles qu’il a vécues ici lui ont laissé un mauvais souvenir. Hänelle jäi ikävä muisto niistä kolmesta vaikeasta täällä vietetystä vuodesta. ■ Les dangers qu’il a courus ne l’ont pas impressionné. Hän ei piitannut kokemistaan vaaroista. ■ Tu ne peux pas imaginer les sacrifices que cette décision m’a coutés. Et voi kuvitellakaan, millaisia uhrauksia se päätös minulle merkitsi. ■ Il ne s’attendait pas aux honneurs que lui ont valus ses recherches. Hän ei osannut odottaa kunnianosoituksia, jotka hänen tutkimuksensa hänelle toivat.
Comparer également en finnois :
Odotin hetken. J’ai attendu un instant.
Odotin sopivaa hetkeä. J’ai attendu l’instant favorable.
Dans ces phrases, hetki n’a pas le même sens : le premier désigne une durée, le deuxième est un véritable CVD. On écrit donc
Combien de jours a-t-il attendu ? (combien de jours signifie « pendant combien de jours ») Kuinka monen päivän ajan hän odotti? vs
Combien de personnes a-t-il attendues ? Kuinka monta ihmistä hän odotti?
les dix euros que j’ai payé pour ces livres vs
ces trois livres que j’ai payés dix euros
Le participe passé des verbes impersonnels (sans actant) reste invariable même quand le CVD précède le verbe :
Avec la chaleur qu’il a fait cet été on a pu se baigner dans les lacs jusque fin aout. [< Il fait une chaleur terrible : il fait est impersonnel et signifie « il y a »] ■ Les sommes qu’il a fallu étaient considérables. [< Il a fallu des sommes considérables. Dans ce cas des sommes est de toute façon sujet du verbe, il n’y a donc pas de possibilité d’accord.]
Le verbe il y a entre aussi dans cette catégorie :
Les nombreux accidents qu’il y a eu ont entrainé l’interdiction des pétards. ■ Tous les problèmes qu’il y a eu au début sont maintenant oubliés.
Mais avec le verbe avoir (différent de y avoir), on ferait l’accord :
Les nombreux accidents qu’il a eus l’ont obligé à arrêter la compétition (kilpaura). ■ Tous les problèmes qu’elle a eus au début sont maintenant oubliés.
Quand le complément est déterminé par un déterminant singulier à sens pluriel (un grand nombre de, le peu de, une quantité de etc.), le participe passé peut s’accorder au singulier ou au pluriel :
le grand nombre de personnes qu’il a rencontré [accord avec nombre] ou rencontrées [accord avec personnes] ■ le peu de gratitude qu’il a témoigné [accord avec peu] ou témoignée [accord avec gratitude] ■ la grande quantité d’exemples qu’il a donnée [accord avec quantité] ou donnés [accord avec exemples]
Quand le déterminant a un sens nettement pluriel (combien de), on fait l’accord au pluriel :
Combien de nuits elle a passées devant son ordinateur à rédiger cette thèse ! ■ Que de problèmes inattendus elle a rencontrés !
Cependant, le participe ne s’accorde pas si le nom se trouve rejeté après le verbe, et séparé du déterminant, puisqu’il ne précède plus le verbe (cas assez peu fréquents, qui se rencontrent surtout dans le style soutenu) :
Combien ai-je passé de nuits devant mon ordinateur à rédiger ce livre !
Dans les infinitives complément direct d’un verbe de perception (entendre, écouter, voir, regarder, sentir), le participe passé s’accorde avec le sujet de l’infinitif quand ce sujet est rejeté devant le verbe principal (en pratique toujours sous la forme que ou la/les) :
J’ai écouté la cantatrice chanter. [J’ai écouté [la cantatrice chanter]] →
La cantatrice que j’ai écoutée chanter…
J’ai entendu les enfants jouer. [J’ai entendu [les enfants jouer]] →
Les enfants que j’ai entendus jouer…
On a senti sa voix trembler. [On a senti [sa voix trembler]] →
Sa voix, qu’on a sentie trembler…
La proposition infinitive peut elle-même dépendre d’un autre verbe infinitif dépendant d’une principale :
Je croyais les avoir entendus parler. [< je croyais que je les avais entendus parler] Luulin kuulleeni heidän puhuvan.
Si le pronom que ou me, te, la, les etc. précédant le verbe principal n’est pas le sujet de l’infinitif, le participe passé ne s’accorde pas. Dans ces cas, le sujet de l’infinitif est le pronom sous-entendu quelqu’un ou on (ou plus exactement il s’agit d’une construction passive cachée, par quelqu’un) :
J’ai écouté chanter une aria. [< J’ai écouté [quelqu’un chanter une aria], aria est le complément de chanter.] → l’aria que j’ai écouté chanter était très belle.
J’ai entendu jouer une jolie mélodie. [< J’ai entendu [quelqu’un jouer une jolie mélodie.]] → La mélodie que j’ai entendu jouer était très belle.
Cette différence correspond à une différence de structure en finnois :
La pianiste que j’ai entendue jouer… Pianisti, jonka kuulin soittavan…
La sonate que j’ai entendu jouer… Sonaatti, jota kuulin soitettavan…
Il en va de même dans les cas où le sujet du verbe principal renvoie au même référent que le complément de l’infinitif (dont le sujet est impersonnel) et où on utilise une forme réfléchie. Comme le pronom réfléchi n’est pas le sujet de l’infinitif, mais le complément de celui-ci, il n’y a pas d’accord :
Elle a senti que quelqu’un la poussait dans le dos. →
Elle s’est senti pousser dans le dos.
J’ai entendu que quelqu’un/on m’appelait. →
Je me suis entendu appeler.
On oppose donc la phrase (a) ci-dessous, où se est le sujet de l’infinitif et il y a accord, et la phrase (b), où se est le CVD de l’infinitif et il n’y a pas accord :
(a) Elle s’est entendue appeler ses enfants. [elle appelait ses enfants, par exemple avant de perdre connaissance].
[b] Elle s’est entendu appeler. [quelqu’un l’appelait]
Cependant, il y a aussi des constructions verbe + infinitif dans lesquelles l’infinitif n’est pas le CVD du verbe. Quand un verbe comme envoyer est suivi d’un infinitif, malgré les apparences, il ne s’agit pas d’une construction assimilable aux verbes de perceptions suivis d’un infinitif :
J’ai envoyé l’infirmière chercher de l’eau. Pyysin (lähetin) sairaanhoitajaa hakemaan vettä.
Ici, l’infirmière n’est pas le sujet de chercher, c’est le CVD de envoyer ; le verbe chercher est à comprendre dans le sens de « aller chercher » (hakemaan) :
J’ai envoyé l’infirmière [pour qu’elle aille] chercher de l’eau.
Avec CVD antéposé, on fait donc l’accord :
L’infirmière que j’avais envoyée chercher de l’eau n’est pas revenue. Sairaanhoitaja, jota pyysin mennä hakemaan vettä, ei tullut takaisin.
Avec envoyer, on peut aussi sous-entendre le CVD de chercher :
J’ai envoyé chercher une infirmière. Pyysin, että haettaisiin sairaanhoitaja. [CVD sous entendu = quelqu’un : « j’ai envoyé quelqu’un pour qu’il aille chercher une infirmière »]
Si dans ce cas le CVD est antéposé, on ne fait pas l’accord, puisque le CVD est sans genre et sans nombre (on, quelqu’un) et non exprimé :
L’infirmière que j’ai envoyé chercher n’est toujours pas arrivée. Sairaanhoitaja, jota pyysin että haettaisiin, ei ole vieläkään tullut.
Dans les exemples suivants, le participe passé reste invariable, bien que le complément semble précéder le verbe :
Elle n’a pas pu dire toutes les choses qu’elle aurait voulu.
Il a donné toutes les réponses qu’il a su.
Explication : dans le premier exemple, que n’est pas le CVD de aurais voulu, mais du verbe sous-entendu dire (elle aurait voulu dire) :
Elle n’a pas pu dire toutes les choses qu’elle aurait voulu [dire].
Dans le deuxième exemple, que est le complément du verbe sous-entendu donner :
Il a donné toutes les réponses qu’il a su [donner].
De même, dans la phrase suivante, que est le CVD de prendrait et non d’avais pensé :
La décision que j’avais pensé qu’on prendrait ne l’a pas été.
(= On n’a pas pris la décision que j’avais pensé qu’on prendrait.)
Mot à mot : Päätöstä, jonka luulin tehtävän, ei tehty.
Le premier que est un pronom relatif, le deuxième que signifie « että ». La phrase finnoise, qui est l’équivalent exact de la construction infinitive française, est très lourde (on dirait plutôt par exemple Sitä päätöstä, joka luulin että tehdään, ei kuitenkaan tehty, phrase qui est aussi assez lourde) .
Les verbes à complément prépositionnel peuvent être mis à la forme passive avec les auxiliaires de passivation se voir et se faire. L’accord du participe dépend de la structure de la phrase.
Quand le pronom réfléchi est le complément prépositionnel du verbe, le participe ne s’accorde pas. Dans les phrases suivantes, le pronom réfléchi se est le complément de verbe prépositionnel (offrir à, refuser à, retirer à, attribuer à) :
En guise de cadeau de bienvenue, les invités s’étaient vu offrir un bon d’achat. ■ On lui [féminin] a refusé l’entrée. → Elle s’est vu refuser l’entrée. Häntä ei päästetty sisään. ■ On leur a retiré le permis pour six mois. → Ils se sont vu retirer le permis pour six mois. Heidän ajokorttinsa pantiin hyllylle puoleksi vuodeksi. ■ Ce sont également tous les membres de cette association qui, s’ils s’étaient vu attribuer le marché en cause, auraient eu l’obligation de signer le contrat.
On peut utiliser également la construction se voir avec un verbe à complément direct. Cette variante est possible parce que le verbe se voir est un verbe de perception (voir ci-dessus). Le participe s’accorde si le pronom réfléchi est le sujet du verbe à l’infinitif :
Dans son rêve, elle s’était vue tomber (= elle avait vu qu’elle tombait) d’une haute falaise.
Pour cette raison, on trouve des variantes de l’auxiliaire de passivation se voir dans lesquelles le verbe est un verbe avec CVD à la forme passive, avec un participe passé qui s’accorde ; la forme avec infinitif reste cependant toujours possible :
Les services médicaux de l’établissement se voient de plus en plus sollicités [= voient qu’ils sont sollicités]) pour des soins en urgence.
Avec infinitif :
Les services médicaux de l’établissement se voient de plus en plus solliciter pour des soins en urgence.
Un quart des ouvrières du textile s’étaient vues licenciées [= avaient vu qu’elles avaient été licenciées] à la suite de l’annulation des commandes par les grandes marques.
Avec infinitif : Un quart des ouvrières du textile s’étaient vues licencier…
Les langues anciennes, d’abord condamnées pour avoir servi d’instrument de sélection, se sont vu reléguées [= ont vu qu’elles ont été reléguées] dans la marge de l’enseignement secondaire, comme un luxe à démocratiser si possible, comme un caviar accessible aux plus riches des pauvres.
Avec infinitif :
Les langues anciennes, d’abord condamnées pour avoir servi d’instrument de sélection, se sont vu reléguer depuis des lustres…
Au présent, il n’y a pas de grande différence de sens. Au passé, la forme avec infinitif indique plutôt un processus en cours, tandis que la forme avec un participe indique un processus achevé, mais la différence de sens n’est pas non plus énorme.
Rappel : Cette variante n’est cependant pas possible si le pronom me te se nous vous est un complément prépositionnel :
Thaïlande : les travailleurs migrants se verront accorder un délai de grâce. (accorder à ; se verront *accordés serait agrammatical). ■ Les délégués avaient fait appel au Fonds et s’étaient vu remettre des billets d’avion (remettre à ; s’étaient *vus remettre serait agrammatical).
Dans la construction se faire + infinitif, le pronom réfléchi me te se nous vous n’est jamais le complément (ni direct ni prépositionnel) du verbe faire, mais de l’infinitif qui suit faire. Pour cette raison, le participe ne s’accorde pas :
Elle s’est fait opérer. (se CVD de opérer). ■ Elles se sont fait aider. (se CVD de aider) ■ Les clients se sont fait expliquer le fonctionnement du tri des déchets. (se CVP de expliquer à). ■ Elles s’étaient fait livrer une pizza. (se CVP de livrer à).
FLE : une grande partie des francophones ne perçoivent pas la différence de structure des phrases d’exemple ci-dessus et ne comprennent pas ces règles d’accord du participe passé. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver (sur Internet, par exemple) quantité d’exemples qui ne respectent pas les règles indiquées ci-dessus.
Dans la plupart des cas, le pronom réfléchi des verbes essentiellement pronominaux est vide de sens et il est impossible de dire s’il s’agit d’un complément de verbe direct (CVD) ou d’un complément de verbe prépositionnel (CVP), car nombre de ces verbes ont un sens intransitif (s’évanouir, s’enfuir etc.), autrement dit ils sont sans complément, et le pronom réfléchi ne peut donc pas être un « complément » du verbe.
a. Dans certains verbes idiomatiques, par exemple se rendre compte de qch, le pronom se est un complément de verbe prépositionnel (le verbe est la forme réfléchie de rendre compte de qch à qqn, tehdä selonteko jstak jklle). C’est pourquoi le participe passé ne s’accorde pas :
Ils se sont rapidement rendu compte de leur erreur. He huomasivat pian virheensä. ■ Elles s’étaient rendu compte à quel point il était difficile de trouver une information fiable. He huomasivat, kuinka vaikeaa on saada luotettavaa tietoa.
Cependant, pour beaucoup de francophones, le sens originel du pronom (se = « à soi-même ») s’est perdu et le verbe est senti comme un verbe essentiellement pronominal. Pour cette raison, on trouve beaucoup de cas où les utilisateurs font l’accord. Un certain flottement règne à ce sujet. Le plus simple est de ne pas faire l’accord.
C’est, inversement, aussi le cas du verbe essentiellement pronominal s’arroger (anastaa itselleen, omia). Il n’existe pas de forme non pronominale *arroger à (ou même simplement *arroger), mais malgré cela, le pronom se est senti nettement comme le complément prépositionnel du verbe. C’est ce qui explique que le participe ne s’accorde pas au pluriel (a), sauf si le CVD précède le verbe (b) :
(a) Les conquérants s’étaient arrogé des droits exorbitants.
(b) Les droits exorbitants que les conquérants s’étaient arrogés ont provoqué un soulèvement de la population.
b. Le participe des verbes se rire de (olla välittämättä), se plaire à (tehdä mielellään), se complaire à (nauttia tekemisestä) est invariable :
Ils se sont ri de nos menaces. He viis välittivät uhkailustamme. ■ Les critiques s’étaient plu à démolir le film. Kriitikot haukkuivat elokuvaa kilpaa. ■ Elles s’étaient complu dans leur erreur. He pitivät kiinni virheellisestä käsityksestään.
Ces verbes et ces constructions sont du code écrit soutenu, et pour cette raison cette règle est en général peu connue des usagers de la langue.
Quand il est utilisé comme adjectif, le participe passé s’accorde, comme un adjectif normal :
La règle appliquée en pareil cas ne vaut pas ici. ■ Les mesures prises par le gouvernement sont inefficaces. ■ Les candidats retenus devront se présenter à un deuxième examen. ■ Mal comprises, ces formes peuvent entrainer des confusions.
Dans les constructions participiales où le participe passé est utilisé comme un verbe au passif, sans auxiliaire, il s’accorde avec son sujet :
Tout le quartier a été rasé, cette vieille maison de bois exceptée. ■ La fin du texte mise à part, j’ai tout compris. Tekstin loppua lukuun ottamatta ymmärsin kaiken. ■ Tous sont invités à la fête de Noël, les agentes d’entretien comprises. Kaikki on kutsuttu joulujuhlaan, siivoojat mukaan lukien.
Certains participes passés peuvent être employés devant le groupe nominal, et dans cette position, ils se sont grammaticalisés en adverbes invariables ou en prépositions :
attendu (ottaen huomioon), supposé (olettaen) ■ vu (ottaen huomioon), étant donné (ottaen huomioon), passé (jälkeen) ■ compris (mukaan lukien, comprendre = käsittää, sisältää), excepté (paitsi)
Tout le quartier a été rasé, excepté cette vieille maison de bois. Koko kortteli pantiin maan tasalle, tätä vanhaa puutaloa lukuun ottamatta. ■ Mis à part la fin du texte, j’ai tout compris. Tekstin loppua lukuun ottamatta ymmärsin kaiken. ■ Vu ses résultats scolaires, il a été admis sans examen d’entrée. Hänen koulumenestyksensä ansiosta hänet otettiin sisään ilman pääsykoetta. ■ Étant donné ses antécédents, on lui a refusé le poste. Hänen taustansa takia häntä ei valittu virkaan. ■ Passé 2 heures du matin, il allait se coucher. Kello kahden jälkeen yöllä hän kävi nukkumaan. ■ Tous sont invités à la fête de Noël, y compris les agentes d’entretien. Kaikki on kutsuttu joulujuhlaan, siivoojat mukaan lukien.
Remarque : avant le nom, le finnois mukaan lukien se dit « y compris » (et est donc une préposition, invariable), mais utilisé après le nom, il se dit « compris », sans le pronom y (et se comporte comme un adjectif, qui peut s’accorder).
Dans le style administratif, on utilise souvent les participes ci-joint, ci-annexé, ci-inclus (ohessa, oheisena). Quand ils sont devant le groupe nominal, ils sont invariables ; dans les autres positions, l’usage est flottant (on fait l’accord ou non) :
Ci-joint la liste des élèves qui partent en classe verte. Ohessa leirikouluun lähtevien oppilaiden luettelo. ■ Je vous envoie ci-joint la liste des élèves qui partent en classe verte. Lähetän oheisena leirikouluun lähtevien oppilaiden luettelon. ■ Vous trouverez sur la liste ci-joint(e) les noms des élèves qui partent en classe verte. Oheisesta luettelosta ilmenee leirikouluun lähtevien oppilaiden nimet.
Dans l’enseignement scolaire du français (en France, mais aussi ailleurs), l’accord du participe tient une place très importante et tout à fait disproportionnée. En effet, dans la majorité des cas, l’accord du participe passé ne s’entend pas à l’oral, car l’e ou le s final ne se prononcent pas (ils ne transcrivent aucun phonème). On n’entend l’accord que lorsque le participe passé se termine par une consonne, comme celui de faire, peindre, mettre, dire, écrire, prendre etc. :
faites, peinte, mises, dite, écrite, prises etc.
Au total, cela représente une quantité très limitée de formes dans lesquelles l’accord se réalise auditivement. Le résultat est que dans le français parlé, l’accord du participe passé est rarement observé (voir ALPF p. 40). Couramment, on dira :
les choses qu’il a dit ■ les lettres qu’il m’a écrit ■ la chemise que j’ai mis hier etc.
Les usagers francophones éprouvent énormément de difficultés à observer les règles de l’accord du participe passé, et cette suprématie totalement anachronique de l’accord du participe est un puissant moteur d’insécurité linguistique. L’étudiant de FLE qui consulte par exemple des sites Internet ne doit pas s’étonner de trouver d’innombrables cas dans lesquels l’accord n’est pas fait ou est mal fait, ou fait inutilement (par précaution, en quelque sorte).
Cependant, il/ elle ne doit pas en déduire que l’accord du participe passé est entièrement facultatif. La même personne qui, en parlant avec des amis dit la lettre que j’ai écrit hier peut très bien faire l’accord (écrite) dans une situation moins familière. Dans le code écrit, on observe en principe strictement l’accord du participe passé. Dans la mesure où on en a compris les règles…
47. L’accord du participe passé. Mise à jour 26.2.2024