Grammaire du français
pour finnophones

60. Subordonnées
adverbiales
concessives

1. Variété de constructions

2. Conjonctions typiques demandant le subjonctif

3. Même si, que… ou

4. Si à valeur concessive

5. Conjonctions courantes dans le code écrit

6. Constructions concessives infinitives

7. Variantes diverses

8. Propositions relatives formant des expressions concessives

9. Difficultés et constructions équivalentes

  Index alphabétique

1. Variété de constructions

Les conjonctions de subordination à valeur concessive sont nettement plus nombreuses en français qu’en finnois. Les subordonnées adverbiales concessives s’emploient indifféremment antéposées ou postposées à la proposition principale (certaines s’emploient préférablement postposées). La concessive postposée exprime souvent un commentaire qui nuance l’idée de la principale. Cet emploi est si fréquent que même des conjonctions typiques du code écrit comme quoique s’utilisent couramment dans le français parlé comme des adverbes à valeur concessive.

On utilise aussi couramment des constructions infinitives particulières, qui ont certains équivalents en finnois. Comme les constructions infinitives en général, la plupart d’entre elles sont utilisées plutôt dans le code écrit.

La troisième forme courante d’expression de la concession, ce sont les constructions relatives à sens concessif (quel que soit…, quoi que vous fassiez…). Elles s’utilisent assez souvent dans le français parlé aussi. Elles ont des correspondants très proches en finnois et, malgré quelques petites différences, elles sont assez faciles à utiliser par les finnophones et sont donc présentées assez brièvement. Pour les franco­phones, en revanche et peut-être pour des apprenants d’autres langues, elles sont source d’incertitudes et d’erreurs fréquentes, et l’étudiant finnophone doit savoir reconnaitre et interpréter les formes erronées.

Le verbe de la subordonnée concessive est souvent au subjonctif, mais il y a aussi de nombreuses conjonctions demandant l’indicatif :

Conjonctions/constructions concessives et mode de la subordonnée
SUBJONCTIFINDICATIF
bien que vaikka même si vaikka(kin)
quoique vaikka(kin),joskinquand bien même vaikka (kuinka)
encore que vaikka(kin),joskinalors que vaikka, kun tosiasiassa
quitte à ce que silläkin uhallatandis que kun taas
malgré (le fait) que siitä huolimatta ettäsi vaikka(kin)
en dépit du fait que siitä huolimatta ettänonobstant le fait que…
siitä huolimatta että
que… ou oli… tai

2. Conjonctions typiques demandant le subjonctif

2.1. Bien que, quoique, encore que

Toutes ces trois conjonctions sont suivies du subjonctif (mais on rencontre des exemples de bien que suivi du conditionnel) :

Bien qu’ils aient de l’argent et pas d’enfants, ils ne partent jamais en voyage. La situation de l’emploi s’améliore, quoiqu’on ne puisse pas encore être trop optimiste.   Encore que je ne sois pas convaincu de vos chances de réussite, je ferai de mon mieux pour vous aider. Le problème, ça risque d’être le budget, encore qu’en étant raisonnable, ça devrait aller. 

Ces conjonctions peuvent souvent également introduire une proposition dont le verbe est au participe (présent ou passé composé), ou même une proposition contenant un adjectif ou un participe sans verbe conjugué (le verbe être est alors sous-entendu) :

Bien que très jeune, Sophie sait déjà lire. Encore que très riche, il vit très simplement. Bien que n’étant jamais allée en Angleterre, elle parle un excellent anglais. Nous avons trouvé une solution élégante, quoique couteuse. Bien que partis tard, nous sommes arrivés avant la nuit. Je pense que nous avons quelques possibilités, encore que très limitées, de conclure un accord. Quoique fréquemment utilisée, cette expression est souvent mal comprise. Bien que bonnes pour la santé, les légumineuses ne sont pas très digestes.

2.2. Différences entre bien que, quoique et encore que

Ces trois conjonctions ont exactement le même sens. Leur emploi dépend essentielle­ment du style ou du type de texte. On peut mentionner par exemple les différences suivantes (qui sont seulement indicatives et forcément subjectives) :

Cependant, dans la langue courante, il est fréquent qu’on utilise toutes les trois conjonctions concessives encore que, bien que et quoique comme des sortes d’adverbes adversatifs.

Recommandation : en cas de doute, pour traduire vaikka, dans l’expression écrite, l’étudiant finnophone de niveau B2 peut se contenter d’utiliser bien que et n’a pas besoin de choisir entre bien que et quoique/encore que, qui n’apportent absolument aucune information ou nuance de sens supplémentaires par rapport à bien que. Même au niveau C1, il vaut mieux être prudent et ne pas utiliser par exemple quoique uniquement pour « enjoliver » le style.

2.3. Malgré le fait que, en dépit du fait que, malgré que

Les locutions malgré le fait que, en dépit du fait que et malgré que correspondent au finnois siitä huolimatta, että. Ce sont à proprement parler des groupes prépositionnels introduisant une complétive (c’est également le cas en finnois), mais elles sont devenues quasiment figées et on peut les considérer comme des locutions conjonctionnelles concessives.

Malgré le fait que est d’usage courant dans le code écrit et le français parlé, tandis que en dépit du fait que est utilisé essentielle­ment dans le code écrit. Les deux conjonctions demandent normalement le subjonctif, mais en dépit du fait que est fréquemment utilisé avec un indicatif, notamment dans une adverbiale postposée. Il règne un certain flottement à cet égard. Dans le doute, il vaut mieux utiliser malgré le fait que (ou bien que) suivi du subjonctif :

Malgré le fait que leur prix d’achat soit plus élevé que celui du convecteur, les radiateurs radiants ont l’avantage de produire une chaleur uniforme. Les producteurs de cacao ont souvent du mal à gagner leur vie en dépit du fait qu’ils soient la source d’un produit hautement prisé. « Avocate », « chirurgienne », « écrivaine », en dépit du fait que ces appellations soient couramment employées depuis plusieurs années pour désigner la déclinaison féminine d’une profession, ces termes n’étaient, jusqu’au 28 février dernier, toujours pas reconnus officiellement par l’Académie française. [slashmedia.ch, 10.3.2019]

La variante malgré que a le même sens que bien que (ou malgré le fait que) et elle est d’emploi fréquent dans le français courant :

Car malgré que ce soit notre pays, il y a beaucoup de régions que nous ne connaissons pas forcément et notre riche patrimoine mérite d’être connu. Malgré que je ne sois pas toujours d’accord avec vos idées, je trouve que vous venez de dire des choses sensées. Malgré que ce soit le weekend de la Coupe Icare à St-Hilaire, ici, sous le soleil provençal, nous avons pas mal de monde. En fait, on doit dire « bien que » et surtout pas « malgré que » (malgré que ce soit une faute très courante). [sur un forum de discussion]

2.4. Malgré que et les puristes

Dans une certaine tradition scolaire (qui survit dans de nombreuses grammaires françaises et manuels de FLE et chez les puristes amateurs), malgré que est condamné comme impropre. On l’utilise pourtant fréquemment dans le français parlé et on en trouve des exemples chez de nombreux écrivains, même des plus prestigieux. Cette expression est en réalité parfaitement intégrée au système grammatical du français (GMF p. 861). Malgré cela, si l’apprenant de français langue étrangère ne veut pas chagriner (ou se faire critiquer par) les puristes ou les enseignants de FLE mal informés, il a intérêt à utiliser plutôt bien que.

Malgré que j’en aie

L’expression littéraire malgré que j’en aie ou malgré qu’on en ait est le seul cas où, d’après les puristes, on puisse employer malgré que. Cette expression pourrait se paraphraser mot à mot en finnois niin paha mieli kuin minulle siitä aiheutuukin, autrement dit vaikka se minua harmittaakin. C’est une construction figée, qui s’interprète ainsi : « [si] mauvais gré que j’en aie » ; le mot gré (tahto, mieli) est le complément direct du verbe avoir. Cet emploi limité à l’origine au verbe avoir s’est ensuite étendu par analogie à d’autres verbes, et a donné naissance à la locution conjonctionelle malgré que (et à la préposition malgré). En 2021, le sens exact de la locution archaïsante malgré que j’en aie/qu’on en ait est devenu complètement obscur pour la grande majorité des usagers franco­phones.

3. Même si, que… ou

La locution conjonctionnelle même si est à cheval sur la concession et la condition. Formellement, il s’agit d’une conjonction à sens conditionnel, mais dans la pratique, le sens est plutôt concessif, ce qu’illustre bien le fait qu’en finnois même si se traduit aussi par vaikka. C’est précisément pour cette raison, et à cause des confusions qu’entraine pour les finnophones l’opposition vaikka ~ bien que et vaikka ~ même si, que la locution même si est présentée ici avec les adverbiales concessives.

Pour en éclairer le sens par rapport au finnois, on peut analyser la locution même si en fonction de ses différentes valeurs :

3.1. Éventualité, hypothèse

Même si présente une éventualité ou une hypothèse (un éventuel, un irréel du présent ou du passé), un fait qui n’existe pas encore, tandis que bien que présente un fait comme une réalité :

Bien qu’il soit riche [=  Il est riche.], il mène une vie effacée. ~ Même s’il était riche [= Il n’est pas riche.], il mènerait une vie effacée. Bien qu’il fasse des efforts [= Il fait des efforts.], il ne réussit pas.  ~ Même s’il fait [=présent à valeur de futur] des efforts [= Il ne fait pas (encore) d’efforts. ], il ne réussira pas. Je suis sûr que même si les gens votaient en masse pour ce parti, ils seraient au final contre les idées qu’il représente. Même si le ministère avait décidé de débloquer des crédits supplémentaires, la portion d’autoroute n’aurait jamais été terminée à temps pour soulager le trafic dans la ville.

Différence morphosyntaxique qui est la conséquence de cette différence de sens : dans les adverbiales essentielles (généralement antéposées), le finnois vaikka suivi du konditionaali correspond à même si, tandis que vaikka suivi de l’indikatiivi correspond à bien que :

Vaikka hän on ahkera… → Bien qu’il soit travailleur… 
Vaikka hän olisi ahkera… → Même s’il était travailleur… 

Remarque : en français, il est en principe impossible d’utiliser le conditionnel après si à valeur conditionnelle, et cette règle est valable aussi pour même si. Cependant, on rencontre des cas d’utilisation du conditionnel après même si.

3.2. Fait réel

Même si peut introduire une proposition avec un verbe à l’indicatif présentant un fait qui existe, et dans ce cas il est synonyme de même s’il est vrai que ou même si on peut dire que. Cet emploi correspond à vaikka + indikatiivi en finnois (avec éventuellement la particule ‑kin dans la phrase) ou à joskin. Dans ce cas, même si est en général suivi du présent ou du passé composé :

Même si ces mouvements nationalistes ont souvent été tenus en lisière, voire combattus, ils ont contribué à rendre la politique plus violente. Même si les équipes de Google ont visiblement du mal à rentabiliser cette plateforme, ils continuent à la faire évoluer lentement mais surement.

Dans l’exemple (1) ci-dessous, l’imparfait exprime un présent du passé, et non pas un conditionnel (irréel) ; de même pour le plus-que-parfait dans l’exemple (2), qui en est la forme composée :

(1) Même si les salaires étaient maintenus pendant deux ans, les employés se faisaient des soucis pour l’avenir.  Vaikka palkkataso olikin sovittu kahdeksi vuodeksi eteenpäin, työntekijät olivat huolissaan tulevaisuudesta. 

(2) Mes collègues, même s’ils avaient trouvé étrange que j’aille en vacances à Verdun, avaient demandé à voir mes photos.  Vaikka kollegani olivatkin pitäneet kummallisena sitä, että vietin lomani Verdunissa, he halusivat silti saada nähdä valokuviani.

3.3. Valeur de commentaire

Dans une adverbiale postposée, même si peut introduire un commentaire. La locution qui exprime le mieux cette valeur en finnois est jos kohta (ou joskin), qui est cependant moins fréquemment employé que vaikka :

Les fibres sont bonnes pour la santé, même si elles ne sont pas très digestes. Je suis fraichement inscrite et j’aurais besoin de vos lumières, même si je crois qu’il est déjà trop tard ! Deux projets de recherche n’ont pas atteint l’exigence de qualité nécessaire et les étudiants concernés n’ont pas été diplômés, même s’ils avaient obtenu l’ensemble des modules académiques de première année.

Dans ce cas-là, il n’y a pas vraiment de différence de sens entre bien que et même si, et on peut dire que même si est plus fréquent dans le français parlé :

Je dois reconnaitre que cet homme politique a un grand talent d’orateur, même si je ne suis pas du tout d’accord avec ses opinions. Selon l’entraineur, le stage a été bénéfique sur tous les plans même si les résultats n’étaient pas au rendez-vous lors des matches amicaux disputés en Tunisie.

Vaikka vs bien que/même si
conjonctionvaleurfinnois
bien que + subjonctiffait réelvaikka + indikatiivi
même si + éventueléventualitévaikka + indikatiivi
même si + irréelhypothèsevaikka + konditionaali
même si + présent/p. Composé« il est vrai que »vaikka + indikatiivi (-kin), joskin
même sien adverbiale postposée comme commentairejos kohta, joskin
3.4. Que… ou

La conjonction que en tête de proposition et relayée par ou est une sorte variante de même si qui présente une alternative. Comme si, cette construction exprime à la fois la concession et la condition. En finnois, la même idée est rendue par un verbe au prétérit (imperfekti), avec sujet inversé, suivi de tai :

Que cela lui plaise ou non, il devra partir avec nous. Halusi tai ei, hänen on tultava meidän mukaan. Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, le match aura lieu. Satoi tai paistoi, ottelu järjestetään. Que ce soit l’été ou l’hiver, il pleut souvent en Angleterre. Oli kesä tai talvi, Englannissa sataa usein.

Quand l’alternative exprimée après ou est négative, à l’écrit, on utilise non ; à l’oral, on préfère pas :

que vous soyez d’accord ou non [code écrit strict] / que tu sois d’accord ou pas [code écrit courant, français parlé] que vous ayez raison ou non [code écrit strict] / que vous ayez raison ou pas [code écrit courant, français parlé] que cela vous plaise ou non [code écrit strict] / que ça te plaise ou pas [code écrit courant, français parlé]

4. Si à valeur concessive

4.1. Sens et emploi

La conjonction si est assez couramment utilisée dans un sens concessif, pratiquement exclusivement à l’écrit et, dans ce sens, uniquement en position antéposée. Il faut éviter de confondre ce si avec son équivalent conditionnel. Le finnois joskin rappelle par son sens et sa forme (jos = si) un peu cet emploi particulier de la conjonction conditionnelle si.

Si concessif se traduit généralement par vaikka en finnois. Le sens concessif de si est presque toujours souligné ou explicité par un adverbe adversatif dans la principale, comme néanmoins, pourtant, encore, ou la construction n’en… pas moins (ci-dessous) :

Si Quignard est moins connu en Finlande que d’autres auteurs français, c’est quand même l’un des grands écrivains du XXe siècle. S’il a beaucoup voyagé, c’est encore dans les livres qu’il a le plus appris. Cette théorie, si elle a été bien des fois contestée, a pourtant prouvé sa validité dans un grand nombre de cas.

Dans cet emploi, on trouve parfois si suivi du conditionnel, par ellipse de l’idée « il est vrai que » : Si les églises du pays devraient être dans l’ensemble peu fréquentées pour le dimanche de Pâques, des pasteurs zélés ou en quête de notoriété s’appliquent à défier les règles. [Le Monde, avril 2020]. Cet emploi est cependant d’une recevabilité douteuse et il vaudrait mieux dire par exemple : Les églises du pays devraient… mais des pasteurs zélés…

4.2. …n’en… pas moins

La locution n’en… pas moins a le même sens que l’adverbe néanmoins. Elle se place « autour » du verbe :

Si le politicien a été chanceux de survivre à l’attentat, sa vie et celle de ses proches n’en ont pas moins été bouleversées. Exceptionnels, ces deux documents n’en donnent pas moins un reflet assez exact de la réalité des petites écoles au bas Moyen âge. Si ces mesures peuvent sembler timides, elles n’en constitutent pas moins une réelle nouveauté dans la culture politique habituelle.

Dans le deuxième exemple ci-dessus, l’adjectif Exceptionnels remplace une proposition introduite par si concessif :

S’ils sont exceptionnels [= bien qu’ils soient exceptionnels], ces deux documents n’en donnent pas moins un reflet assez exact de la réalité etc.

L’adverbe adversatif n’est pas nécessaire si l’idée d’opposition ressort d’autres éléments de la phrase ou du contexte, comme dans l’exemple suivant, dans lequel quelques s’oppose à la majorité :

Si quelques riverains ont protesté contre la nouvelle usine d’incinération d’ordures, la majorité s’est déclarée favorable à son implantation.

5. Conjonctions courantes dans le code écrit

5.1. Quitte à ce que, quitte à + infinitif

Cette locution conjonctionnelle est une variante de même si utilisée à l’écrit et dont le sens est « même si [cela a pour conséquence (non souhaitée) que] », en finnois vaikka se tarkoittaisi että, silläkin uhalla että :

Il note tout et s’oblige à tout dire de façon exhaustive, quitte à ce que cela lui vaille de nombreux ennemis. Je préfère qu’on refasse la mise en page, quitte à ce que le livre ne sorte que l’an prochain. Tang Chia semble en effet vouloir mettre toutes ses inspirations dans ses longs métrages, quitte à ce que le mélange soit parfois à la limite du digeste.

Le sens exact de cette locution conjonctionnelle n’est pas toujours très clair pour tous les usagers et on la trouve souvent employée dans le sens de « tandis que », « en attendant que » ou « d’autre part ». Cet emploi, quoique répandu, devrait être évité dans le code écrit strict :

Lors des prochaines réunions annuelles, le Conseil proposera des candidats aux postes vacants, quitte à ce que d’autres propositions viennent de l’Assemblée. Le salarié « interne » à temps partiel est prioritaire pour le temps de travail devenu disponible dans sa catégorie professionnelle ; quitte à ce que, si l’employeur veut engager un temps complet, ce soit le nouvel embauché qui devienne un temps partiel.

La locution adverbiale quitte à suivie de l’infinitif est la version de la locution quitte à ce que qui peut être utilisée dans les cas où le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale (coréférence du sujet) :

Avec cette tempête de neige, nous prendrons la route seulement demain, quitte à perdre une journée de location. Tout le monde rit de quelqu’un dont on voit se moquer, quitte à le vénérer dix ans plus tard. Si le planning est très serré, on adaptera en conséquence la nature et le nombre de ces points de contrôle, quitte à en supprimer quelques-uns.

Dans ce cas, la transformation infinitive est facultative, et on peut utiliser aussi la forme quitte à ce que :

Avec cette tempête de neige, nous prendrons la route seulement demain, quitte à ce que nous perdions une journée de location.

Comme dans le cas de quitte à ce que, le sens de cette construction n’est pas toujours très clair pour les usagers de la langue. Dans l’exemple suivant, elle est utilisée dans le sens de « puisque (de toute façon) », « du moment que » :

Je suis contre la pub sur Internet, mais quitte à en avoir, autant qu’elle me présente des choses qui m’intéresent.

5.2. Quand bien même, quand

Les trois mots quand, bien et même forment ensemble une locution conjonctionnelle dont le sens, malgré les apparences, n’est pas temporel, mais bien concessif. Il faut donc bien savoir identifier ce groupe (il ne signifie pas silloin hyvin jopa). Cette conjonction est une variante de même si utilisée dans le style soutenu (littéraire, administratif etc.). Elle est utilisée préférentiellement pour introduire une adverbiale antéposée, mais se rencontre aussi en position postposée. Elle est toujours suivie du conditionnel (présent, passé 1e forme ou passé 2e forme) :

Quand bien même il recommencerait sa thèse à zéro, le sujet resterait trop difficile pour lui. Quand bien même il eût été informé [conditionnel passé 2e forme passif d’informer] de votre venue, il eût été trop compliqué pour lui de vous attendre. Ce principe de souveraineté des jurys ne peut être mis en cause, quand bien même les notes délivrées apparaitraient très différentes des résultats obtenus par le candidat au cours de sa scolarité ou de sa formation.

On trouve également, essentielle­ment dans le style soutenu, le mot quand utilisé seul dans le même sens que quand bien même :

Quand ils seraient au-dessus de Titus, de Trajan, de Marc-Aurèle, les princes ne peuvent ni tout voir ni tout faire par eux-mêmes. Mais, répliqua d’Artagnan, quand vous l’eussiez vu et même connu, il n’y aurait point de mal à cela ; c’est un fort brave homme que M. Fouquet.

Dans la langue courante, on utiliserait même si (comparer avec les exemples ci-dessus) :

Même s’il recommençait sa thèse à zéro, le sujet resterait trop difficile pour lui. Même s’il avait été informé de votre venue, il aurait été trop compliqué pour lui de vous attendre. Ce principe de souveraineté des jurys ne peut être mis en cause, même si les notes délivrées apparaissent très différentes des résultats obtenus par le candidat au cours de sa scolarité ou de sa formation. Même s’ils étaient au-dessus de Titus, de Trajan, de Marc-Aurèle, les princes ne peuvent ni tout voir ni tout faire par eux-mêmes. Mais même si vous l’aviez vu et même connu, il n’y aurait pas de mal à cela.

6. Constructions concessives infinitives

6.1. Pour + infinitif

La préposition pour peut introduire une infinitive concessive. Il s’agit en quelque sorte de l’équivalent de si concessif et les conditions d’utilisation sont les mêmes : la concessive introduite par pour s’utilise uniquement en position antéposée à la proposition principale. Il ne faut pas confondre ce pour avec son équivalent de sens final (jotta) ou causal (voir les sens particuliers de la préposition pour). Le plus souvent, cette construction est employée avec le verbe être. En finnois, il y une construction similaire avec des infinitifs du genre  ollakseen…  silti… comme dans le cas de si concessif.

Le sens concessif de pour est pratiquement toujours souligné ou explicité dans la principale par néanmoins ou la construction n’en… pas moins etc. On emploie aussi, un peu moins souvent, des adverbes comme pourtant, encore :

Pour être douée, elle n’en est pas moins très paresseuse. Pour être lent dans son travail, il est néanmoins efficace. Pour avoir été souvent négligée, cette cause ne se trouve pas moins au fond de beaucoup de conflits internationaux [= Bien qu’elle ait souvent été négligée…]. Colbert, soutenu par l’opinion, fit, dans des circonstances nouvelles et très avantageuses, une opération qui, pour avoir été critiquée, n’en mérite pas moins des éloges sans restriction.

6.2. Avoir beau + infinitif
6.2.1 Deux sens possibles

La construction avoir beau suivie de l’infinitif peut s’employer quand le sujet de la subordonnée est le même que celui de la principale (coréférence du sujet). Elle a deux valeurs :

1.  Elle exprime une opposition répétée et inutile, comme en finnois vaikka kuinka :

Il a beau faire des efforts, il a toujours des problèmes avec les maths. Nous eûmes beau lui répéter que c’était risquer inutilement sa vie, il décida de partir.

Dans certaines expressions figées (avoir beau dire, avoir beau faire, avoir beau croire), le verbe à l’infinitif est employé absolument (sans complément) :

On a beau dire [= quoi qu’on dise], l’hiver finlandais a ses bons côtés. Tu as beau faire [= quoi que tu fasses, malgré tous tes efforts], ce tournevis ne convient pas pour ce genre de vis. On a beau croire, fabriquer son calendrier de l’Avent coute plus cher que d’en acheter un.

2.  Elle exprime la concession sans idée d’effort inutile, notamment si le signifié du sujet est inanimé. Les équivalents finnois sont variés : vaikka kuinka…, siitä huolimatta että, niin… kuin… etc. :

(a) Elle a beau être intelligente, elle n’aura pas son bac si elle ne travaille pas un peu plus.
(b) Montréal a beau être à la même latitude que Bordeaux, il y fait nettement plus froid en hiver.

La valeur d’effort inutile peut parfois rester sensible dans l’expression avoir beau. Dans l’exemple (a) ci-dessus, cette valeur est absente, car on ne peut pas se forcer ou s’entrainer à être intelligent ; de même, en (b), le sujet est inanimé et ne peut pas être interprété comme participant activement à sa position géographique. Mais dans l’exemple suivant (tiré d’un livre d’exercices) :

J’ai beau avoir seulement parcouru votre livre, je sais déjà qu’il me passionnera.

il semble y avoir une sorte de contradiction : la personne disant cette phrase a fait exprès de seulement parcourir le livre (autrement dit, fait l’effort de ne pas faire d’effort), pour pouvoir affirmer que celui-ci lui a fait une impression favorable. Cet effet indésirable peut être ressenti plus ou moins fortement selon le verbe ou le contexte (ou le locuteur), en fonction de la valeur pragmatique de l’énoncé.

6.2.2. Forme négative

Dans une phrase négative, la locution verbale avoir beau reste à la forme affirmative, et c’est l’infinitif qui se met à la forme négative et se place après avoir beau :

L’énergie éolienne a beau ne pas être polluante, elle soulèvera certainement des protestations à mesure qu’augmentera le nombre de tours. Pete avait beau ne pas avoir de talent, il avait quand même réussi à réparer une crevaison sur son vélo en plein milieu d’un sentier. Le ministre de l’économie a beau ne pas occuper les premiers rangs dans la hiérarchie du gouvernement français, il jouera dans les prochaines semaines un rôle central.

6.2.3. Temps du verbe utilisé avec la locution avoir beau.

Au passé, la locution avoir beau peut se mettre au passé composé, au plus-que-parfait ou au conditionnel passé (avoir beau ne s’emploie pas à d’autres temps composés : passé antérieur, futur antérieur, passé surcomposé etc.) Cependant, avoir beau peut être senti comme une expression figée dont le temps verbal ne varie pas. Ainsi, c’est tantôt avoir beau qui prend la forme du passé, et l’infinitif reste au présent, tantôt c’est l’inverse, avoir beau est au présent, et l’infinitif au passé. L’usage est relativement flottant à ce sujet, mais on peut donner quelques tendances générales pour éclairer l’apprenant de français langue étrangère :

Au passé composé, la partie de l’expression qui se met au passé dépend de l’aspect du verbe :

  1. quand le passé composé a une valeur temporelle (imperfekti finnois) et que le reste de la phrase est aussi au passé, c’est le verbe avoir beau qui se met au passé composé (a-d) ;
  2. quand le passé composé a une valeur d’achevé (perfekti finnois) et que le reste de la phrase est au présent, c’est l’infinitif qui se met au passé (e-f) :

(a) J’ai eu beau lui répéter que c’était inutile, il a voulu essayer quand même. Vaikka kuinka sanoin hänelle, että siitä ei ole mitään hyötyä, hän halusi silti yrittää.
(b) Nous avons eu beau essayer, il nous a été impossible de fermer l’œil de la nuit.
(c) J’ai eu beau chercher sur le Net, aucune webcam n’était encore braquée sur le Sacré-Cœur de Montmartre.
(d) Cette politique a beau ne pas avoir été communiquée officiellement et sans équivoque, certains chiffres sont révélateurs. 
(e) J’ai beau lui avoir dit que c’est inutile, il s’entête à continuer. Vaikka olen hänelle sanonut, että siitä ei ole mitään hyötyä, hän vain jatkaa ja jatkaa.
(f) Pascal Obispo a beau ne pas avoir fait partie des nominés aux 17e Victoires de la musique, la presse se fait un plaisir, comme chaque année, de le descendre.

L’usage étant un peu flottant à ce sujet, dans le doute il vaut mieux employer d’autres constructions concessives.

Dans le cas du plus-que-parfait et du conditionnel passé, c’est toujours la locution avoir beau qui prend la marque de passé, parce que l’infinitif passé ne peut pas marquer à lui seul l’idée d’antériorité (il n’y a pas d’infinitif passé plus-que-parfait) :

Il avait eu beau crier son inquiétude, elle n’en devenait que plus grande. J’aurais eu beau nier, affirmer, personne ne m’eût cru. La révolution de 1789 avait eu beau enlever aux nobles le droit de porter l’épée, à V… ils prouvaient que s’ils ne la portaient plus, ils pouvaient toujours s’en servir. Le dictionnaire de 1539 avait eu beau être fait pour les latinistes, son effet fut tout autre. Il avait eu beau mettre toute son énergie à chercher, c’est à peine s’il avait réussi à dénicher de quoi soulager sa propre faim. La peur me nouait le ventre et la gorge, car j’aurais eu beau ouvrir la bouche, j’aurais bien été incapable de formulerle moindre son.

7. Variantes diverses

7.1. Encore que, bien que et quoique utilisés comme adverbes

Dans la langue courante, dans les adverbiales postposées (en forme de commentaire), il est fréquent qu’on utilise les conjonctions concessives encore que, bien que et quoique comme des sortes d’adverbes adversatifs. Dans ce cas-là, à l’oral on marque une (légère) pause dans l’intonation et il y a un net changement de ligne mélodique. À l’écrit, on peut commencer une nouvelle phrase introduite par la conjonction utilisée comme adverbe. Dans ce cas, encore que, bien que et quoique sont le plus souvent suivis de l’indicatif. La locution encore que est très utilisée dans ce sens, notamment pour exprimer un commentaire ou un avis après la proposition principale :

Oh, si j’avais eu plus d’argent, j’aurais peut-être acheté une voiture plus grande, encore que, celle-là est bien suffisante pour moi. Nous n’avons jamais rencontré de problèmes avec cette procédure, jusqu’à la panne d’aujourd’hui. Encore que rien n’indique qu’elle en soit la cause.

Remarque : la conjonction même si est aussi souvent utilisée comme « adverbe ».

7.2. Bien que suivi du conditionnel

D’une manière générale, l’emploi du conditionnel n’est pas admis dans les concessives introduites par bien que, alors qu’il est fréquent en finnois après vaikka. On entend ou on trouve dans la presse assez fréquemment des phrases avec bien que suivi du conditionnel, mais c’est en principe considéré comme incorrect (beaucoup d’usagers l’ignorent) :

Ils ont sans doute eu raison de rentrer, bien que ça aurait été intéressant de passer un an à l’étranger. La direction de l’axe magnétique dans l’espace change donc constamment et rapidement, mais n’est jamais orientée vers le soleil bien que ce serait brièvement possible à d’autres points de l’orbite de la planète [extrait d’un traité d’astronomie].

Si on veut absolument exprimer le conditionnel dans un contexte concessif, on peut couper la phrase et utiliser une construction paratactique avec adverbe :

Ils ont sans doute eu raison de rentrer. Ça aurait pourtant été intéressant de un an à l’étranger. La direction de l’axe magnétique dans l’espace change donc constamment et rapidement, mais n’est jamais orientée vers le soleil ; ce serait cependant brièvement possible à d’autres points de l’orbite de la planète.

À l’écrit, on utilise le subjonctif, qui contient l’idée de futur/éventuel/irréel :

Ils ont sans doute eu raison de rentrer, encore que / quoique à mon avis il eût été intéressant de passer un an à l’étranger. La direction de l’axe magnétique dans l’espace change donc constamment et rapidement, mais n’est jamais orientée vers le soleil bien que cela soit brièvement possible à d’autres points de l’orbite de la planète.

7.3. Même si suivi du conditionnel

Comme bien que, quoique et encore que, la conjonction même si est fréquemment utilisée comme un adverbe adversatif introduisant un commentaire. À l’oral, on marque alors une légère pause, et la proposition est prononcée sur une intonation différente. Dans ce cas-là, même si peut être suivi par exemple d’un conditionnel, ce qui n’est normalement pas admis dans le code écrit strict s’il s’agit d’une véritable conjonction. On a relevé ainsi les exemples suivants (parmi de très nombreux autres), dans lesquels on voit que le conditionnel est amené par le besoin d’exprimer le potentiel de façon plus nette (l’imparfait/plus-que-parfait exprimerait un irréel ou la concordance des temps) :

J’ai bien aimé retrouver les personnages et apprendre à les connaitre un peu plus même si, à mon avis, ça aurait pu être traité plus en profondeur. La France fera ainsi moins bien que cette année, où le produit intérieur brut (PIB) est attendu en hausse de 1,4%, même si elle devrait mieux résister que ses voisins. (Ouest-France 26.9.2019). Laisser le gazon se dessécher, ou le remplacer par des herbes hautes, par exemple, ne risque pas de plaire aux Vancouvérois, croit Nick Page, même si cela pourrait éloigner les grands oiseaux. (Radio-Canada en ligne, 20.7.2019)

Si on veut respecter la norme du code écrit et éviter d’utiliser le conditionnel, il faut utiliser des constructions différentes  :

La France fera ainsi moins bien que cette année, où le produit intérieur brut (PIB) est attendu en hausse de 1,4%, même si on prévoit qu’elle devrait mieux résister que ses voisins. Laisser le gazon se dessécher, ou le remplacer par des herbes hautes, par exemple, ne risque pas de plaire aux Vancouvérois, croit Nick Page, bien que ce soit un procédé permettant éventuellement d’éloigner les grands oiseaux.

8. Propositions relatives formant
des expressions concessives

8.1. Structure et fonctionnement

La concession peut être exprimée par une proposition subordonnée relative construite sur une structure similaire à celle des phrases clivées : un élément est extrait de la proposition et placé en tête de celle-ci. Il est souvent précédé d’un mot qui « annonce » la relation de concession (déter­minant quelque, adverbe si/quelque etc.) et qui est « développé » par la relative. Comparer :

Bien que ces constructions paraissent assez compliqués, elles sont fréquentes. =
Si compliquésque ces constructions paraissent, elles sont fréquentes.

Vous pouvez poser la question à n’importe quelle personne, elle vous répondra la même chose. = À quelque personne que vous posiez la question, elle vous répondra la même chose.

La construction relative présente un argument qui s’oppose à celui de la proposition principale et il y a une très forte corrélation entre les deux propositions. Le verbe de la proposition adverbiale est (presque) toujours au subjonctif. En finnois, il existe des constructions relatives de sens concessif très similaires, où cette corrélation est indiquée par des mots concessifs divers, par l’ordre des mots et par un adverbe comme tahansa ou hyvänsä, qui correspond en quelque sorte à que , assez souvent renforcé par l’enclitique -kin (celui-ci exprime d’une certaine manière la valeur du subjonctif en français) :

Mitätahansahänsanoo(kin),häntä tullaan arvostelemaan.
Quoiqu’ildise,il sera critiqué.
Les relatives à sens concessif en finnois et en français
FINNOISFRANÇAIS
Oli substantiivi millainen tahansaquel(les) que soi(en)t nom
Mikä substantiivi tahansa verbe quelque(s) nom que verbe
Oli substantiivi kuinka adjektiivi tahansa
Niin adjektiivi kuin substantiivi on(kin)
quelque adjectif que soit nom
si adjectif que soit nom
nom avoir beau être adjectif
Mitä tahansa substantiivi verbi[kin] quoi que nom verbe
Kuka tahansa substantiivi on[kin] qui que nom être
Missä tahansa substantiivi on[kin] où que nom être

On peut distinguer trois types de constructions, dans lesquelles que peut être un véritable pronom relatif en fonction d’attribut du sujet (voir 8.2), de complément direct du verbe (CVD, voir 8.3) ou de sujet postposé, ou bien représenter une sorte de subordonnant passepartout, qui sert de support à la construction concessive (comme dans le cas des phrases clivées). En revanche, contrairement au finnois, le pronom relatif de la construction concessive ne peut pas être le sujet du verbe (qui).

Remarque : dans toutes ces constructions, le verbe de la proposition relative est le subjonctif, sauf dans le cas de la construction tout adjectif que….

8.2. Que attribut du sujet

Le cas le plus fréquent est celui où le verbe de la relative est le verbe être ou un autre verbe d’état comme devenir, paraitre, sembler. Dans ce cas, que et l’antécédent qui y est lié représentent l’attribut du sujet. Le mot exprimant la concession varie selon la nature de l’antécédent. L’ordre des mots dans la relative peut varier (sujet inversé ou non). Le tableau suivant résume le fonctionnement (expliqué ci-dessous en détail pour chaque possibilité) :

 GROUPE ATTRIBUT ANTÉCÉDENTrelatif
a)qui / quoiquesujetêtre
b)quel(les)queêtresujet
c)quelque(s)  nomquesujetêtre
d)si/aussi/pour/quelque/tout  adjectifquesujetêtre

Le groupe antécédent du pronom + que en fonction d’attribut du sujet peut donc être :

À l’intérieur de chaque groupe, il peut y avoir des variations concernant l’ordre des mots, la forme du mot concessif (tout, par exemple, peut s’accorder en genre et en nombre), ou des restrictions concernant l’emploi de certaines formes dans certains cas, mais le fonctionnement d’ensemble est le même.

8.2.1. Pronom qui/quoi + que

Le pronom qui peut l’antécédent du pronom que, lequel est l’attribut du sujet (signalé en italiques) :

Qui que vous soyez, vous devez vous inscrire comme tout le monde. Kuka tahansa olettekin, teidän täytyy ilmoittautua kuten muutkin. Elle n’avait absolument pas à se justifier à qui que cela puisse être. L’enfant pris en charge a une histoire et les personnes responsables de sa prise en charge, qui qu’elles soient, doivent mettre en valeur et respecter tous les éléments qui la composent.

Ces formes ne sont cependant pas très fréquentes. En général on utilise des formes comme quelle que soit (la personne) qui. De même, on utilise assez rarement le pronom quoi comme attribut (par exemple quoi que cela soit), à cause de l’homophonie de quoi que et de la conjonction quoique. Dans ce cas également, on utilise plutôt quel(le) … que, sauf quand le contexte ou la structure de la phrase indiquent suffisamment clairement qu’il s’agit d’un pronom :

Quoi qu’elle ait pu être, quoi qu’elle ait pu faire, elle ne méritait pas d’être traitée ainsi.  Quoi qu’il ait fait, quoi qu’il ait été, il ne méritait ni la peine de mort, ni les Assises, mais au pire la Correctionnelle, le sursis ou la cellule. Les candidats malheureux suppliaient les organisateurs d’obtenir une deuxième chance pour donner la bonne réponse, quoi qu’elle ait pu être.

Les emplois les plus fréquents des pronoms qui et quoi dans une relative à sens concessif sont les constructions qui que ce soit, quoi que ce soit, quoi qu’il en soit. Elles sont utiles à connaitre, car elles ont parfois une valeur idiomatique particulière :

a.  qui que ce soit (kuka tahansa) et quoi que ce soit (mikä tahansa) s’emploient couramment pour exprimer une sorte de condition exclusive ; dans une phrase négative, quoi que ce soit est synonyme de « absolument rien », et qui que ce soit est synonyme de quiconque :

Si quelqu’un téléphone, qui que ce soit, il ne faudra pas lui répondre. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’ hésite pas à m’ appeler. Le Premier ministre a réaffirmé que le gouvernement n’avait « aucune volonté de cacher quoi que ce soit » sur le projet de réforme. S’il y a quoi que ce soit qui ne fonctionne pas comme prévu, n’hésitez pas à nous contacter. S’il y a quoi que ce soit comme problème, envoie-moi un message. Pendant les vacances, je n’ai pas fait quoi que ce soit. Elle est tellement susceptible qu’il sera bientôt impossible de lui dire quoi que ce soit !

b. Quoi qu’il en soit est une construction concessive formée avec la locution verbale en être [de qch], utilisée notamment dans les tournures qu’en est-il ? miten on asian laita?, il est difficile de savoir ce qu’il en on vaikea sanoa, miten on asian laita. L’expression quoi qu’il en soit signifie proprement « oli asian laita mitä tahansa » et elle s’est lexicalisée dans le sens d’une expression adverbiale équivalente à de toute façon (langue courante), en tout état de cause (code écrit strict/soutenu). Quoi qu’il en soit équivaut pour le sens au finnois oli miten oli, mais est plus neutre que la version finnoise et s’utilise couramment dans un discours de type argumentatif, scientifique etc.

8.2.2. Adjectif indéfini quel(le) + que

Dans cette construction, l’adjectif indéfini quel est l’attribut (relayé par que) du sujet du verbe. Il s’accorde donc en genre et en nombre avec ce sujet. Il désigne un contenu sémantique indéfini et variable : quelle que soit la solution équivaut à la solution peut être n’importe quoi/n’importe comment (c’est d’ailleurs ainsi qu’on pourrait exprimer la même idée dans la langue courante) :

Quels que soient le jour ou l’heure, tu peux m’appeler si tu as besoin de moi. Quelle que soit la personne qui t’a dit cela, je te garantis que c’est faux. Quelles qu’aient été les circonstances, ils n’ont aucune excuse. Quels que puissent être les problèmes qu’il éprouve, il doit réussir. Jean-Paul Sartre l’écrit dans Les Temps modernes : « Toute la pensée française […], qu’elle le voulût ou non, quelles que fussent par ailleurs ses autres coordonnées, devait se définir aussi par rapport à Gide ».

Cette construction correspond plus ou moins au finnois oli(vat)… millainen (millaisia) tahansa (les équivalents finnois varient légèrement selon le type de phrase).

Ordre des mots : quand l’attribut du verbe en prolepse est l’adjectif quel, on fait toujours l’inversion du sujet, autrement dit le verbe (généralement être) suit toujours le pronom que ; on peut cependant éventuellement placer le pronom en devant le verbe :

Nous savions que, quels que seraient les obstacles, nous étions obligés de réussir. Quelles qu’en soient les raisons, son comportement était inacceptable. Les bâtiments, quelle que puisse être leur destination, qui seront élevés à l’avenir dans le Grand-Duché, ne pourront recevoir qu’une couverture en ardoises. Et quels qu’auraient été les locataires, les conséquences auraient été les mêmes.

8.2.3. Déter­minant quelque + groupe nominal + que

Dans cette construction, l’attribut du sujet est un groupe nominal formé d’un nom précédé du déter­minant indéfini quelque, qui s’accorde en nombre. Le finnois possède, dans ce cas aussi, une construction équivalente, mikä tahansa nom + verbe :

Quelque décision qu’il prenne, il sera critiqué.  Minkä tahansa päätöksen hän tekeekin, häntä tullaan arvostelemaan. Quelques problèmes que cela puisse entrainer, nous irons jusqu’au bout. Viemme asian päätökseen, mitä tahansa ongelmia se aiheuttaakin. Quelques efforts qu’il fasse, il n’arrive pas à prononcer les r roulés. Vaikka kuinka hän yrittää, hän ei pysty ääntämään suomalaista r:ää.

La construction quelque + nom est surtout utilisée à l’écrit. Dans la langue courante, on utilisera plus fréquemment par exemple quel… que soit :

Quelle que soit la décision qu’il prendra, il sera critiqué. Quels que soient les problèmes que cela pourra entrainer, nous irons jusqu’au bout. Quels que soient les efforts qu’il fait, il n’arrive pas à rouler les r.

Remarque : en finnois, on utilise donc une seule et même forme, millainen, comme adjectif indéfini et comme déter­minant indéfini, là où le français utilise deux mots différents (le mot en gras est le pronom relatif que) :

Oli hänen päätöksensä millainen tahansa… Quelle que soit sa décision…
Millaisen päätöksen hän tekeekin… quelque décision qu’il prenne…

8.2.4. Si, aussi, pour, quelque, tout + adjectif + que

Dans ces constructions, l’attribut du sujet est un adjectif modifié par un des adverbes si, aussi, pour, quelque, tout, qui ont tous un sens équivalent (finnois niin). Ces constructions correspondent assez exactement au finnois niin adjektiivi kuin onkin/ tuntuukin etc.

français si, aussi, quelque, pour, tout adjectif que être (ou paraitre etc.)
finnois niin adjectif kuin verbe kin

L’adverbe qui modifie l’adjectif est généralement si/aussi ou tout dans la langue courante ; dans le code écrit, on utilise également quelque ou pour. Le mot quelque est ici en fonction d’adverbe, comme dans l’expression quelque peu (hieman, hiukan) et il est donc invariable. Il ne faut pas le confondre avec quelque déter­minant employé avec un sens concessif (voir ci-dessus). De même, l’élément pour doit être correctement interprété dans un sens concessif et non final. Le fait que ces mots sont suivis d’un adjectif doit permettre de bien interpréter la construction.

Si / aussi / quelque / tout sont utilisables en tête de proposition adverbiale antéposée ou postposée ; pour s’utilise le plus souvent dans une adverbiale antéposée. Le verbe de la relative est au subjonctif, sauf dans les relatives introduites par tout, où il est généralement à l’indicatif :

Ces constructions, si compliquées/ aussi compliquées/ quelque compliquées/ pour compliquées qu’elles paraissent, sont assez fréquentes. Quelque curieux / Si curieux/ Pour curieux que cela puisse sembler, c’est tout à fait courant. Aussi incompréhensible que cela puisse paraitre, le Conseil fédéral recommande de rejeter cette motion. Tout cela, pour amusant que cela puisse être quand on n’a rien de mieux à faire, est d’une grande banalité. Si drôle qu’elle ait d’abord pu paraitre, sa chute eut des conséquences dramatiques. Tout perfectionniste qu’il est, il reste des incohérences dans son texte. Aussi scandaleux que cela puisse paraitre, c’est l’État qui a « porté »l’endettement bancaire à sa place. Cette réaction aurait vraiment mérité qu’on s’y arrête un instant, si inattendue qu’elle ait pu paraitre sur l’instant. Il n’est aucune question à laquelle je ne veuille répondre, quelque désagréable que cela puisse être. L’image faussée de peur, de repli, que certains des candidats diffusent ne correspond pas, pour surprenant que ce soit, à la réalité du terrain.

8.2.5. L’« adverbe » tout

Comme les autres mots de la série (si, aussi, pour, quelque), tout est ici en fonction d’adverbe, mais il « s’accorde » en genre et en nombre avec l’adjectif ou le nom qu’il précède (voir les règles concernant l’accord de tout). De plus, il peut aussi déterminer un nom, mais ce nom renvoie toujours à un référent humain et exprime un statut (profession, rôle social etc.) : comme dans le cas des noms de profession, ce « nom » est en réalité en fonction d’adjectif (on trouve des emplois similaires avec un nom en finnois : Niin mestari kuin piirtäjä onkin…) :

Toute sportive qu’elle est, elle a eu une crise cardiaque à 40 ans. Ils ont été battus par une équipe d’amateurs, tous champions de France qu’ils sont. Toute ministre qu’elle est, elle n’a aucun pouvoir réel.  Tout professeur d’histoire qu’il est, il n’a pas su répondre à ma question. Nous avons besoin de continuer à faire confiance aux experts en gardant à l’esprit que tous experts qu’ils sont, ils restent humains, et donc peuvent se tromper.

L’autre caractéristique concernant tout concessif est que le mode de la concessive est le plus souvent, dans l’usage moderne, l’indicatif (voir les exemples ci-dessus). Il règne cependant un certain flottement à ce sujet et on trouve aussi le subjonctif :

Par ailleurs, ces idées de développement auto-centré et endogène, toutes sympathiques qu’elles soient, n’ont pas produit les résultats escomptés. Toute députée qu’elle fût, lorsqu’elle quitta l’Algérie pour faire entendre la cause de ses concitoyennes, Salima ne s’embarrassa pas de diplomatie.

8.2.6. Ordre des mots

Quand le verbe être est employé seul, c’est-à-dire non modifié par exemple par pouvoir ou devoir et que le sujet est un groupe nominal, il est fréquent qu’on fasse l’inversion du sujet, surtout si le groupe nominal est long ou développé par exemple par une proposition relative :

Pour séduisante que soit cette théorie, il apparaitrait que la question soit en réalité plus complexe. On donne ce qu’on veut par Paypal, et quelque étrange que paraisse ce modèle économique, il permet sans aucun doute une meilleure rémunération des artistes. Les expulsions étaient quand même fréquentes, si bas que fussent les loyers de certains taudis. (Zola) Si puissants qu’aient été les hommes, si violentes qu’aient été les passions, si subtils qu’aient été les ressorts cachés qu’il fallait mouvoir, Metternich a suffi à la tâche. (A. Sorel)

Si le sujet est un pronom, on ne peut pas faire l’inversion, sauf dans le cas suivant :

8.2.7. Variante avec inversion du sujet sans que

La concessive introduite par si ou aussi peut être utilisée en position postposée, mais aussi assez fréquemment en incise. Dans ce cas-là, si le verbe est être, on peut utiliser une simple inversion, sans la conjonction que. La valeur concessive est en quelque sorte marquée à la fois par l’inversion et la position de la proposition.

Cette variante n’est possible qu’avec si et aussi et le verbe être, et normalement seulement en position postposée (donc en incise ou en fin de phrase). Dans les autres cas, quand l’adverbe est pour ou quelque ou que le verbe est sembler, paraitre etc., on ne peut pas utiliser l’inversion seule. De plus, le verbe être avec son sujet inversé doit se trouver à la fin de la proposition (… soit-elle, … fussent-ils, etc.) et ne doit pas être suivi par un autre élément (adverbe, complément etc.). Comparer :

Forme normale :
Si utile que l’automobile soit aujourd’hui, elle est de plus en plus critiquée sur fond de réchauffement climatique.

Forme normale avec inversion du sujet :
Si utile que soit l’automobile aujourd’hui, elle est de plus en plus critiquée sur fond de réchauffement climatique.

Forme normale avec pronom :
L’automobile, si utile qu’elle soit aujourd’hui, est de plus en plus critiquée sur fond de réchauffement climatique.

Variante avec inversion sans que :
L’automobile, si utile soit-elle, est de plus en plus critiquée sur fond de réchauffement climatique. [si utile soit-elle aujourd’hui serait assez maladroit.]

Autres exemples :

Mais que faire de son avertissement, si précieux soit-il ? Mais ce compliment, aussi étrangement tourné soit-il, lui faisait vraiment plaisir. Dans cette perspective les problèmes économiques, si considérables soient-ils, n’occupent qu’une place secondaire. Le plus important, c’est ce qu’on se raconte sur cette situation, aussi alambiquée ou compliquée soit-elle. Toute copie, si parfaite soit-elle, aura une valeur différente de celle de l’original. Comment supporter ces offenses, aussi adroitement déguisées soient-elles ?

Remarque : on trouve cependant des occurrences où être n’est pas en fin de proposition :

Pour les aider, il faudrait positiviser les quelques compétences qui leur permettraient, si entamées soient-elles par leurs défaillances du moment, de surmonter la crise. Son problème, elle ne pouvait le partager : elle devrait le régler seule, aussi difficile fût-il à supporter.

Ce genre de construction semble assez maladroit, mais il est relativement malaisé de se prononcer de façon péremptoire sur l’acceptabilité de telles variantes, car un certain flottement règne chez les usagers à ce sujet. Parmi les autres variantes non standard (et qui, de préférence, ne doivent pas être imitées), on trouve par exemple ces constructions employées en position de adverbiale antéposée (a) et (b), ou bien avec un autre verbe que le verbe être (c) :

(a) Mais le traducteur, c’est un peu comme un rédacteur de discours : si précieux soit-il, il reste dans l’ombre.
(b) Si difficile soit-il, il est toutefois clair que des progrès concrets sont réalisés.
(c) Les intérêts, si considérables soient-ils, les idéaux si élevés paraissent-ils, ne peuvent justifier les hécatombes humaines.

Les (nombreux autres) exemples de la construction si difficile soit-il relevés sur internet semblent indiquer qu’elle est assez souvent comprise de façon erronée dans le sens de « aussi difficile que cela soit » (pour ainsi dire comme une sorte de locution adverbiale en figement, similaire à malgré tout). C’est le cas de l’exemple (b) ci-dessus, où le pronom il ne renvoie à aucun référent identifiable dans le contexte (non cité). Ceci laisse à penser que l’interprétation exacte de ces constructions devient progressivement et au moins partiellement obscure pour une partie des usagers, ce dont l’étudiant de FLE éclairé doit savoir tenir compte.

8.3. Autres fonctions de que

Le pronom que peut également être utilisé en fonction de complément direct du verbe (CVD) ou dans des constructions prépositionnelles.

a. si que a pour antécédent le pronom indéfini qui ou quoi, il peut être utilisé comme CVD :

Je pense qu’au fond, qui que vous questionniez, s’il répond sincèrement, sa réponse reviendra à celle que je viens de faire. Qui que j’aie consulté à ce sujet, la réponse a été la même. Quoi que tu dises, tu ne me convaincras pas. Mitä tahansa sanotkin, et saa minua vakuuttuneeksi. Et les électeurs s’y reconnaissent de moins en moins, quoi que vous affirmiez. Quoi qu’on en dise, si la publicité n’existait pas, nous n’aurions pas de télévision.

L’expression quoi qu’on (en) dise a pris un sens un peu particulier, « malgré tout ce qu’on en dit généralement [de négatif] », mot à mot en finnois « vaikka mitä siitä sanotaankin » (= kaikesta huolimatta) ; elle est liée à une assertion qui souligne le côté positif :

Quoi qu’on en dise, l’hiver finlandais a ses bons côtés. Quoi qu’on dise, cette championne a eu raison d’arrêter la compétition. Les actions restent, quoi qu’on en dise, le meilleur placement du moment.

Remarque : ne pas confondre quoi que tu dises (mitä tahansa sanotkin) et quoique tu dises… (vaikka sanot…) : le finnois, qui correspond pratiquement mot à mot à l’équivalent français, permet de comprendre facilement la différence entre les deux constructions, mais pour les franco­phones, l’homophonie /kwakɶ/ est source de confusions fréquentes (*quoique tu dises, tu ne me convaincras pas).

b.  le plus souvent, que a pour antécédent un groupe nominal formé d’un nom et du déter­minant indéfini quelque. Dans ce cas, on peut utiliser toute sorte de compléments et différentes prépositions devant l’antécédent :

Quelque personne que j’aie consulté à ce sujet, la réponse a été la même. Dans quelque région de France que vous alliez, le pain est différent. À quelque personne que j’aie posé la question, la réponse a été la même.  Tu reviendras ici dans la soirée, et tu m’attendras, à quelque heure de la nuit que je puisse rentrer. N’hésitez pas à commenter ce point après un cours si vous pensez que j’ai manqué de clarté sur quelque point que ce soit. En transitant par Moscou, il fallait repasser le contrôle de sécurité, de quelque pays que l’on arrive.

Si le complément exprime un lieu indéfini, on peut aussi utiliser le pronom  :

Je le retrouverai, où qu’il soit. Où que vous alliez en France, le pain est différent. D’où que vous veniez et où que vous alliez, vous ne pourrez pas entrer dans la ville ni en sortir sans rester coincé dans d’incroyables embouteillages. Où que j’aille, qui que je voie, à cause de mon accent on me demande toujours d’où je viens. En transitant par Moscou, d’où qu’on arrive, il fallait repasser le contrôle de sécurité.

8.4. Le pronom relatif ne peut pas être le pronom sujet qui

Malgré les ressemblances générales, il y a une différence nette avec le finnois sur un point : contrairement au finnois kuka tahansa tuleekin / Mikä tahansa häntä vaivaakin, en français le pronom relatif ne peut pas être le sujet de la relative, autrement dit on ne peut pas utiliser le pronom qui. Les suites **qui qui + verbe ou **quoi qui + verbe sont agrammaticales. Pour cette raison, on évite généralement aussi les suites qui qu’il(s) (qui qu’il voie, qui qu’ils connaissent), bien que dans ce cas-là qu’ représente bien un CVD.

Pour utiliser un pronom indéfini en fonction de sujet dans les propositions relatives à sens concessif, il faut recourir à la construction avec quel(les) que + être :

Quelle que soit la personne qui viendra, il ne faudra en aucun cas lui ouvrir. [*Qui qui viendra serait agrammatical.]  Quel que soit le problème qui l’affecte, il doit rester optimiste. [*Quoi qui l’affecte serait agrammatical.] On est toujours seul dans la vie, quelles que soient les personnes qui nous entourent. [*Qui qui nous entoure serait agrammatical.] Quelle qu’eût été la personne qui le lui annoncerait, il était inévitable que cette nouvelle le choquerait profondément.[*Qui qui le lui eût annoncé serait agrammatical.] Quelles que soient les choses qui vous intéresent, Reykjavík a toujours quelque chose à vous offrir ! [*Quoi qui vous intérese serait grammatical.]

On peut cependant utiliser quoi en fonction de sujet postposé dans les constructions avec un verbe intransitif dont le sujet grammatical est il (indice de personne verbale). En effet, dans ces constructions, le pronom relatif qu’ se comporte comme s’il était complément de verbe direct :

Quoi qu’il arrive, ma confiance vous est acquise. Il sera difficile de la faire changer d’opinion, quoi qu’il advienne. Quoi qu’il se raconte à son sujet, ce fournisseur nous a toujours donné entière satisfaction.

9. Difficultés et constructions de remplacement

Comme on l’a vu ci-dessus, il y a un parallélisme assez net entre le finnois et le français concernant les propositions relatives à sens concessif. La superposition des constructions en français et en finnois fait ressortir les similitudes et permet d’interpréter les différences aisément :

quellesquesoientles circonstances…
millaisiatahansaoliolosuhteet… (= oli olosuhteet millaisia tahansa…)
quelquesdifficultésque tu aies 
millaisiavaikeuksiasinulla onkin(= vaikka kuinka vaikeaa sinulla on)
quelquebizarrequecela paraisse…
niinoudoltakuinse tuntuukin

Ces constructions devraient donc être assez faciles à comprendre pour les finnophones. Mais chez les franco­phones, l’homophonie de quel que et quelque provoque de nombreuses confusions et les franco­phones ont souvent beaucoup plus de mal à interpréter ces constructions. L’homophonie quelque/quel que occasionne de nombreuses « fautes d’orthographe », qui fautes traduisent le fait que de nombreux usagers ne comprennent pas en réalité le sens de la structure gram­maticale. Ces formes erronées, très fréquentes, ne sont pas une simple « curiosité » : elles posent un problème d’interprétation par l’apprenant de français langue étrangère des productions écrites des franco­phones.

9.1. Savoir interpréter les formes erronées

Il y a au total trois constructions concessives différentes qui se prononcent /kɛlk/ ou /kɛlkɶ/ :

L’étudiant de FLE ne doit donc pas s’étonner de trouver des « variantes » de toute sorte dans tout type d’écrit. En consultant Internet par exemple, ou en lisant la presse écrite, on récolte facilement des centaines d’exemples de productions erronées qui montrent clairement à quel point ces constructions sont difficiles à comprendre pour les franco­phones. On a ainsi relevé sur Internet (septembre 2022) les séquences suivantes (plusieurs centaines d’occurrences pour chaque cas) :

*quelque soient les…
Forme attendue : quels que soient les / quelles que soient les…

*quelqu’ils soient…
Forme attendue : quels qu’ils soient…

*quelqu’elles soient…
Forme attendue : quelles qu’elles soient…

*quelle que adjectif que…
Forme attendue : quelque adjectif que…

On a même trouvé plusieurs dizaines d’occurrences des séquences

*quelque qu’il soit / *quelque qu’elle soit ou
*quelques qu’ils soient /*quelques qu’elles soient

où la forme erronée *quelque que ne peut même pas être expliquée par l’homophonie /kɛlk(ɶ)/, puisqu’il s’agit d’une forme hybride /kɛlkɶkɛl/ ou /kɛlkɶkil/ (un cas caractéristique d’hypercorrectisme).

9.2. Variantes plus simples

Malgré les ressemblances entre le finnois et le français, les constructions avec une proposition relative de sens concessif peuvent être difficiles à utiliser. Dans l’expression écrite courante, on peut les remplacer par des constructions plus simples.

9.2.1. Conjonctions diverses, adverbes, locutions infinitives

On peut utiliser par exemple des conjonctions courante comme bien que, des adverbes comme pourtant (ou, encore plus simple, mais), des expressions concessives comme malgré ça, ou avoir beau + infinitif. Ci-dessous quelques suggestions de paraphrases :

Si intéressante que cette question puisse être, nous ne la traiterons pas ici. = Bien que cette question soit très intéressante, nous ne la traiterons pas ici. Quelle que soit la cause de cette situation, il faut y remédier rapidement. = La cause de cette situation n’est pas connue, mais il faut y remédier rapidement. Quoi que les grammaires affirment généralement, il n’y a pas d’article partitif en français. = Malgré ce que les grammaires affirment généralement, il n’y a pas d’article partitif en français. Dans quelque manuel que nous ayons cherché, nous n’avons pas retrouvé cette règle. = Nous avons cherché dans de nombreux manuels, mais malgré cela nous n’avons retrouvé cette règle dans aucun d’entre eux. Ces constructions, si/quelque/pour compliquées qu’elles paraissent, sont fréquentes. → Ces constructions ont beau paraitre compliquées, elles sont assez fréquentes. ou Même si elles paraissent compliquées, ces constructions sont assez fréquentes. Si soigneuse qu’elle est, elle a oublié de traduire une phrase. → Elle a beau être soigneuse, elle a oublié de traduire une phrase. ou Bien qu’elle soit si soigneuse, elle a oublié de traduire une phrase.

9.2.2. N’importe qui, n’importe quoi, n’importe quel(les)

a. Quand c’est possible, on peut également utiliser par exemple les pronoms n’importe qui/n’importe quoi/n’importe lequel ou le groupe déterminant n’importe que(les) + nom. Pour rendre les constructions qui que vous soyez, quoi que tu fasses, on peut donc utiliser les tournures suivantes :

Qui que vous soyez… → Vous pouvez être n’importe qui… / Peu importe qui vous êtes… Quoi que tu dises… → Tu peux dire n’importe quoi / tu peux dire ce que tu veux… Où qu’elle aille, elle sera toujours dans mes pensées. → Elle peut aller n’importe où / Elle peut aller où elle veut, elle sera toujours dans mes pensées. Quoi que les grammaires affirment généralement, il n’y a pas d’article partitif en français. → Les grammaires peuvent affirmer ce qu’elles veulent, il n’y a pas d’article partitif en français;

b. Cependant, on ne peut pas utiliser n’importe (qui, quoi, , quel, quand, comment etc.) au début d’une proposition relative formant une expression concessive. Exemples de productions fautives :

Je poursuivrai ce chemin *n’importe où qu’il me mène. Et dans *n’importe quoi que tu entreprends… il faut que tu commences à prendre tes responsabilités. Un message public sur un mur peut être lu par *n’importe qui qui a accès à votre page du profil. N’importe l’institution d’enseignement, l’enseignant exerce certainement plusieurs fonctions différentes qui peuvent varier selon la situation.

Les finnophones sont souvent tentés d’utiliser n’importe qui/quoi en tête de phrase, parce que kuka tahansa ou mikä/mitä tahansa/hyvänsä, etc. se traduisent justement n’importe qui / n’importe quoi. Il y a effectivement une ressemblance trompeuse entre Et voit ostaa mitä tahansa (Tu ne peux pas acheter n’importe quoi) et Mitä tahansa ostatkin… (Quoi que tu achètes…), mais ce sont deux structures très différentes :

Et voit ostaa mitä tahansa.
mitä tahansa est un élément d’une phrase complète et indépendante.

Mitä tahansa ostatkin, maksat arvonlisäveroa.
Maksat arvonlisäveroa, mitä tahansa ostatkin.
Mitä tahansa doit obligatoirement être en liaison avec une proposition principale (placée généralement après la subordonnée relative, mais qui peut aussi la précéder).

Les finnophones doivent donc faire attention à ne pas utiliser la locution n’importe dans les relatives à sens concessif. Précisons cependant que les constructions fautives mentionnés ci-dessus au §a., qui ont été trouvées sur Internet, ont été produites par des… francophones ! Ceux-ci semblent donc éprouver les mêmes problèmes que les finnophones. Ces constructions sont cependant senties comme nettement déviantes de la norme du français standard.

Les relatives à sens concessif en finnois et en français
FINNOISfrançais
Oli substantiivi millainen tahansaquel(les) que soi(en)t nom
Mikä substantiivi tahansa verbe quelque(s) nom que verbe
Oli substantiivi kuinka adjektiivi tahansa
Niin adjektiivi kuin substantiivi on(kin)
quelque adjectif que soit nom
si adjectif que soit nom
nom avoir beau être adjectif
Mitä tahansa substantiivi verbi[kin] quoi que nom verbe
Kuka tahansa substantiivi on[kin] qui que nom être
Missä tahansa substantiivi on[kin] où que nom être

60. Adverbiales concessives. Mise à jour 28.11.2022