Comme les prépositions composées (appelées aussi « locutions prépositionnelles »), de nombreux adverbes sont composés de plusieurs mots et forment des locutions adverbiales : d’ores et déjà, en vain, tout de suite, tout à coup, à qui mieux mieux. Certaines de ces locutions s’écrivent avec un trait d’union, avant-hier, ci-contre, sur-le-champ, là-bas, après-demain. Dans certaines locutions, les éléments se sont soudés et forment un seul mot, dont les usagers de la langue ne reconnaissent plus les éléments séparés : néanmoins, cependant, beaucoup, pourtant.
De nombreux adverbes peuvent être formés en ajoutant le suffixe ‑ment à un adjectif : rapide → rapidement, facile → facilement. Ce suffixe ‑ment est similaire au suffixe ‑sti en finnois, mais en français il n’est pas possible de former des adverbes en ‑ment aussi librement et facilement que des adverbes en ‑sti en finnois, et les finnophones doivent faire attention s’ils veulent créer des adverbes en ‑ment à partir d’un adjectif. Les règles de formation de ces adverbes sont assez compliquées, et il est plus prudent de vérifier la forme exacte dans un dictionnaire et/ou de la mémoriser.
D’une façon générale, on peut dire que l’adverbe peut modifier ou préciser le sens d’un adjectif (intéressant / assez intéressant), d’un autre adverbe (souvent / très souvent), ou d’un verbe (il pleut beaucoup, je suis très intéressé par cette proposition). L’adverbe peut aussi modifier le sens général d’une phrase (voir la portée de l’adverbe ci-dessous).
En revanche, contrairement au finnois, en français un adverbe ne peut pas « déterminer » ou « modifier » un nom ou un pronom, comme par exemple en finnois myös (myös sinä saat osallistua) ou vain (vain asiantuntija osaisi vastata siihen). Cette différence provoque de nombreuses erreurs chez les finnophones (voir Adverbes à éviter en tête de phrase).
En français comme en finnois, les adverbes sont invariables. La principale exception est l’adverbe tout exprimant l’intensité (finnois aivan) et modifiant un adjectif. Tout s’accorde au féminin quand l’adjectif commence par une consonne ou un h disjonctif (voir règles complètes) :
Elle était toute mouillée et tout étonnée. ■ Nous étions tout horrifiées et toutes honteuses.
En plus de l’adverbe tout, il y a deux adjectifs qui peuvent être utilisés comme adverbes, et qui s’accordent :
a. l’adjectif seul utilisé en tête de phrase est assimilable à un adverbe signifiant « seulement », comme en finnois vain placé devant un sujet en tête de proposition. Cependant, il se comporte comme un adjectif et s’accorde en genre et en nombre : Seule une politique ferme pourra sauver la situation.
b. le mot grand en fonction d’adverbe devant l’adjectif ouvert peut s’accorder, mais il peut aussi rester invariable : La porte était grande ouverte ou La porte était grand ouverte. Dans ce cas, on prononce le ‑d final sous forme de /t/ : /gʁɑ̃tuvɛʁt/
.
Les adverbes s’utilisent en général de la même manière en finnois et en français. Le principal problème pour les finnophones est la place de l’adverbe en français. Le sens de certains adverbes varie d’après leur position dans la phrase et la place de l’adverbe est donc aussi en partie une question de lexique (vocabulaire).
Les adverbes peuvent modifier l’interprétation d’un mot (par exemple un verbe ou un adjectif) ou bien d’une partie plus grande de la phrase, ou de toute la phrase. C’est ce qu’on appelle la portée (vaikutusalue) de l’adverbe. Dans l’exemple (a), la portée de l’adverbe franchement est limitée au verbe Tirez; dans l’exemple (b) , elle s’étend à toute la phrase :
(a) Tirez franchement pour ôter la capsule. Vedä napakasti poistaaksesi suojuksen.
(b) Franchement, je trouve que ce n’est pas très intéressant. Rehellisesti sanottuna en pidä sitä kovin mielenkiintoisena.
Un certain nombre d’adverbes peuvent être considérés comme étant « à place fixe », parce que leur position dans la phrase ne varie que peu. Ce sont les adverbes qui occasionnent normalement le moins de difficultés pour les apprenants finnophones (ou de FLE en général). Cependant, un certain nombre de ces adverbes peuvent être utilisés avec une autre valeur et devenir dans ce cas plus mobiles.
Les adverbes dont la place ne varie pratiquement pas sont typiquement les adverbes qui portent sur un verbe, ou bien sur un adjectif ou un adverbe. Leur portée se limite à un segment syntaxique relativement court et ils ne posent en général pas de difficultés aux apprenants finnophones :
1. Les adverbes négatifs ne… pas ne… plus, ne… jamais… ont une place fixe par rapport au verbe :
ne (pronom) verbe pas
ne (pronom) auxiliaire pas participe
2. Quand l’adverbe modifie un adjectif, il se place toujours devant celui-ci. L’adverbe peut aussi modifier un autre adverbe : très simple, plus difficile, plutôt facile, moins loin, relativement souvent, assez rarement etc. :
La route est très sinueuse. ■ La dissertation est assez bien construite. ■ Avec l’âge, les choses se retiennent beaucoup moins facilement. ■ Les invités ont presque tout mangé. ■ Nous avons roulé de nuit et sommes arrivés très tôt le matin. ■ Le livre coute environ trente euros.
3. De nombreux adverbes ou locutions adverbiales sont en fonction de connecteur en tête de phrase ; ils servent à rattacher la phrase à ce qui précède. Certains de ces adverbes sont toujours en tête de phrase (a), d’autres peuvent également être rattachés à un verbe (b) :
(a) puis, c’est pourquoi, aussi, or
(b) en effet, ainsi, au total, alors, dans ce cas, pourtant, cependant, toutefois, néanmoins, d’abord, ensuite, alors, enfin, au fait, finalement, premièrement, deuxièmement, primo…
Quelques-uns de ces adverbes peuvent entrainer l’inversion du sujet ou être complétés par la conjonction que et introduire une proposition complétive. Certains adverbes ne peuvent pas figurer en tête de phrase, ou, dans cette position, ils ont un sens nettement différent (erreurs fréquentes dues à l’influence du finnois, voir les adverbes à éviter en tête de phrase).
4. Certains adverbes sont utilisés pour reprendre toute une proposition. Les plus typiques sont oui/si et non, qu’on appelle pour cette raison des « mots-phrases », parce qu’ils remplacent toute une phrase comme réponse. Mais on utilise aussi d’autres adverbes comme mots-phrases : ja mais, certes, certainement, peut-être, volontiers etc., comme en finnois totta kai ou toki, ou des conjonctions, comme parce que !
Quand l’adverbe porte sur un verbe, il se place pratiquement toujours immédiatement après le verbe, alors qu’en finnois, il est souvent avant le verbe. Aux temps composés, il se place normalement entre l’auxiliaire et le participe ; dans les questions avec inversion, il se place après le sujet inversé :
Il fait encore très chaud. ■ Ce soir, on ira peut-être à la pêche. ■ Tu es déjà levée ? ■ Georges a aussi acheté une voiture française. ■ Serez-vous bientôt prêts ? ■ J’ai souvent pensé qu’on pourrait raconter toute sa vie seulement avec des chansons et des photos. ■ Ont-ils enfin compris ce qu’ils devaient faire ? ■ On pourrait communiquer via Skype, de toute façon cela aurait bientôt été nécessaire pour notre projet même sans report de mon séjour.
Les adverbes de manière en ‑ment à valeur descriptive se placent cependant en général après tout le groupe verbal auxiliaire + participe ; les adverbes non descriptifs comme vraiment, réellement ou effectivement se placent entre l’auxiliaire et le participe :
Ils ont procédé prudemment. ■ L’élève a progressé constamment. ■ Ils ne s’étaient pas vraiment préoccupés de préparer ce long voyage avec tout le soin nécessaire. ■ Une source gouvernementale a confirmé que des rebelles avaient effectivement pris position dans la ville.
En finnois et en anglais, l’adverbe peut se placer entre le sujet et le verbe :
Minä jo tiesin sen. I already knew it. ■ He vain yrittävät ansaita rahaa. They only try to make money.
En français, c’est impossible : entre le sujet et le verbe, on peut placer uniquement des pronoms faibles et l’adverbe ne. Sous l’influence du finnois (influence renforcée par l’anglais), les finnophones ont tendance à placer les adverbes entre le sujet et le verbe, en particulier aussi, déjà, donc, seulement, toujours, souvent et occasionnellement d’autres adverbes aussi.
La règle générale à retenir est que la place de l’adverbe est normalement après le verbe (ou après l’auxiliaire avoir/être si le verbe est à un temps composé) :
Sinä myös tulet. Tu viens aussi. ou Tu viens toi aussi. ■ Tutkimus siis osoitti, että kyseisillä ilmiöillä ei ole yhteyttä toisiinsa. L’étude a donc montré que les phénomènes en question ne sont pas liés. ■ Sinä aina arvostelet kaikkea, mitä muut tekevät. Toi tu critiques toujours ce que les autres font. ■ Turistit usein ostavat hotellipalvelut matkanjärjestäjiltä. Les touristes achètent souvent les prestations hôtelières auprès des voyagistes. ■ Kaikki jo tiesivät, että kokous on peruutettu. Tout le monde savait déjà que la réunion avait été annulée.
Remarque : bien que donc figure dans la liste traditionnelle des conjonctions de coordination mais ou et donc or ni car (c’est la fameuse ritournelle mnémotechnique de la grammaire scolaire « Mais où est donc Ornicar ? »), il s’agit d’un adverbe et non d’une conjonction. Il peut ainsi se placer après le verbe, comme n’importe quel autre adverbe (a) et (b), position qui serait impossible pour une véritable conjonction de coordination comme mais ou car (c) :
(a) Cela prouve donc/ainsi/seulement/clairement que…,
(b) On a donc démontré que… etc.
(c) *Cela prouve mais/car que…
Voir aussi la manière de traduire l’adverbe finnois vain et la place de l’adverbe aussi (ci-dessous).
De nombreux adverbes peuvent occuper différentes positions dans la phrase. En général, la place de l’adverbe indique s’il porte sur toute la phrase ou seulement sur un élément particulier. Comparer :
Il décida courageusement de résister. Hän päätti rohkeasti taistella.
[Il a pris une décision courageuse.]
Il décida de résister courageusement. Hän päätti taistella urheasti.
On a surtout vu des gens pauvres. Lähinnä näimme köyhiä ihmisiä. [Tout ce qu’on a vu, ce sont des gens, qui étaient pauvres.]
On a vu surtout des gens pauvres. Näimme lähinnä köyhiä ihmisiä. [On a vu beaucoup de gens, dont la majorité était des pauvres.]
Dans les phrases ci-dessus, la différence de sens n’est pas considérable, et la place de l’adverbe n’est pas rigoureusement définie (dans la production spontanée de l’oral, on pourrait probablement produire et employer l’une des variantes à la place de l’autre pour signifier la même chose). En revanche, dans les phrases suivantes, le changement de place de l’adverbe provoque un changement de sens assez net :
L’avion a rapidement perdu de l’altitude. Pian kone menetti korkeutta. [rapidement signifie « bientôt »]
L’avion a perdu de l’altitude rapidement. Kone menetti korkeutta nopeasti. [rapidement signifie « la perte d’altitude a été rapide »]
Il avait d’abord envie de manger, mais finalement il n’a rien pris. Aluksi hän halusi syödä, mutta lopulta hän ei syönyt mitään. [d’abord = « au départ, à l’origine »]
Il avait envie de manger d’abord et de se mettre au travail ensuite. Hän halusi syödä ensin ja ryhtyä työhön vasta sen jälkeen. [d’abord = « pour commencer »]
Le travail a lentement progressé. Työ edistyi vähitellen. [lentement = « peu à peu »]
Le travail a progressé lentement. Työ edistyi hitaasti. [lentement = « avec lenteur »]
Il a cherché longtemps la solution à ce problème. Hän etsi pitkään raktaisua siihen ongelmaan. [longtemps = il a mis un certain temps à trouver la solution]
Longtemps, il a cherché la solution à ce problème. Kauan hän haki raktakisua siihen ongelmaan. [longtemps = pendant de nombreuses années, il a cherché]
Dans une phrase négative, la place de l’adverbe dépend de l’élément sur lequel porte la négation, et dans certains cas elle modifie le sens de l’adverbe :
Il n’est toujours pas d’accord. Hän ei edelleenkään suostu.
Il n’est pas toujours d’accord. Hän ei aina suostu.
Les adverbes qui équivalent à un complément de phrase (CdP) comme aujourd’hui, heureusement, hier, demain, ici, ailleurs, là, tôt, bientôt, aujour’hui, se placent librement dans la phrase, dans les limites syntaxiques de la place du CdP :
Il y avait très peu de familles avec des enfants sur le bateau avant-hier.
Avant-hier, sur le bateau, il y avait très peu de familles avec des enfants.
Sur le bateau, avant-hier, il y avait très peu de familles avec des enfants.
Sur le bateau, il y avait, avant-hier, très peu de familles avec des enfants.
Le matin, très tôt, on est allés dans les vignes pour commencer les vendanges.
Le matin, on est allés très tôt dans les vignes pour commencer les vendanges.
Le matin, on est allés dans les vignes très tôt pour commencer les vendanges.
Le changement de place de l’adverbe peut cependant entrainer un déplacement du focus :
Ici, on va construire un nouvel hypermarché. [propos : construction de l’hypermarché]
On va construire un nouvel hypermarché ici. [propos : endroit où l’hypermarché sera construit]
Certains adverbes changent de sens selon leur position dans la phrase. Ces modifications sémantiques sont dues avant tout à un sens particulier de l’adverbe dans telle ou telle position et sont un problème de lexique/vocabulaire. Il n’existe pas de règle précise permettant de prédire les différentes valeurs, qui sont souvent très idiomatiques (elles peuvent correspondre en finnois à des mots ou des constructions entièrement différents). Le sens de ces adverbes s’apprend seulement avec la pratique de la langue. Quelques exemples parmi d’autres :
Ils sont déjà arrivés. He ovat jo tulleet. ■ Il s’appelle comment, déjà ? Mikä hänen nimensä olikaan? ■ Elles partent seulement deux semaines en vacances. He lähtevät vain kahden viikon lomalle. ■ Je serais venu, seulement personne n’a pensé à me prévenir. Olisinhan tullut, mutta kukaan ei muistanut soittaa minulle.
Voir aussi les modifications de sens de ces adverbes et d’autres dans les adverbes à éviter en tête de phrase ci-dessous.
L’adverbe aussi est source de nombreuses difficultés pour les finnophones. En finnois, on peut accoler l’enclitique -kin à divers éléments de la phrase et ainsi faire porter l’idée de « aussi » par exemple sur un nom. L’adverbe myös s’utilise de façon encore plus souple, car il peut porter sur pratiquement n’importe quel constitutant de la phrase.
Rappel : en français, un adverbe ne peut pas « déterminer » ou « modifier » un nom ou un pronom.
L’enclitique -kin peut aussi être attaché à un verbe, mais dans ce cas il ne signifie pas « aussi », mais plutôt « du reste », « effectivement », « en réalité » (a) et (b). En revanche, l’adverbe myös portant sur un verbe peut avoir le sens de « aussi », « en plus » (c) :
(a) Minä lähdenkin. Effectivement je pars. / Mais oui, je pars.
(b) Hän olikin siellä. En fait, il était bien là-bas.
(c) Hän kävi hakemassa postin ja hän myös vei roskat. Il est allé chercher le courrier et il est aussi allé vider la poubelle.
✍ Dans le code écrit, en tête de phrase, l’adverbe aussi n’a jamais le sens de myös. Il s’interprète toujours dans un sens consécutif (« donc », « pour cette raison ») et correspond au finnois niinpä. On ne peut pas non plus mettre également en tête de phrase. Pour rendre l’idée de myös ou samoin en tête de phrase, on utilise couramment la locution de même ou on place aussi ou également après le verbe. Voir ci-dessous.
En français, l’adverbe aussi se place normalement après le verbe, même si en finnois myös (ou ‑kin) porte sur un élément qui n’est pas le verbe. Les trois phrases suivantes, différentes en finnois, se traduisent toutes de la même manière en français :
Myös hän kävi juoksemassa eilen. Il est aussi allé faire du jogging hier.
Hän myös kävi juoksemassa eilen. Il est aussi allé faire du jogging hier.
Hän kävi juoksemassa myös eilen. Il est aussi allé faire du jogging hier.
À l’oral, l’intonation permet souvent de déceler le mot auquel « se rapporte » aussi. En fonction du sens, on accentue différents segments :
Il est aussi allé faire du jogging hier. Myös hän kävi juoksemassa eilen.
Il est aussi allé faire du jogging hier. Hän myös kävi juoksemassa eilen
Il est aussi allé faire du jogging hier. Hän kävi juoksemassa myös eilen.
À l’écrit, si on veut mettre en évidence l’élément sur lequel porte aussi, on peut déplacer l’adverbe, mais il faut également faire d’autres modifications :
Myös hän kävi juoksemassa eilen. Lui aussi est allé faire du jogging hier.
Hän myös kävi juoksemassa eilen. En plus, il est aussi allé faire du jogging hier.
Hän kävi juoksemassa myös eilen. Il est allé faire du jogging hier aussi.
La difficulté tient d’abord à une interprétation correcte de la valeur d’aussi par rapport au finnois :
J’ai aussi protesté.
1) Esitin myös vastalauseen.
2) Minäkin esitin vastalauseen.
Tu es aussi allé voter ?
1) Oletko sinäkin käynyt äänestämässä?
2) Kävitkö samalla äänestämässä?
Nous avons aussi acheté des pommes de terre nouvelles.
1) Ostimme myös uusia perunoita.
2) Mekin ostimme uusia perunoita.
L’autre difficulté est de savoir à quel endroit placer l’idée d’aussi (pour rendre le finnois myös) quand on veut la faire porter de façon plus nette sur un élément particulier. Les procédés sont variés et ne sont pas très simples à maitriser. On peut retenir les indications suivantes :
1. On peut placer aussi entre le pronom sujet (à la forme pleine) et le verbe, ou rejeter le pronom (à la forme pleine) avec aussi après le verbe :
Eux aussi viendront ce soir. / Ils viendront ce soir eux aussi.
Moi aussi, j’ai protesté. / J’ai protesté moi aussi.
2. On peut placer aussi après un complément de phrase :
Hier, il a aussi fait chaud en Laponie. =
Hier, il a fait chaud en Laponie aussi. / En Laponie aussi, il a fait chaud hier.
Hier aussi, il a fait chaud en Laponie. / Il a fait chaud en Laponie hier aussi.
3. Quand on veut montrer clairement que aussi porte plus particulièrement sur le verbe, on utilise divers adverbes, comme dans l’exemple (2). Comparer :
(1) Hier il a fait très froid et il a aussi neigé. [deux interprétations :]
Eilen oli hyvin kylmää ja myös satoi lunta. /
Eilen oli hyvin kylmää ja satoi myös lunta. [niin kuin toissapäivänä]
(2) Hier il a fait très froid et en plus il a neigé. [une seule interprétation :]
Eilen oli hyvin kylmää ja myös satoi lunta.
Certains des exemples donnés plus haut peuvent donc se clarifier ainsi :
Je veux venir aussi. Minäkin haluan tulla. →
Moi aussi je veux venir.
J’ai aussi protesté. Lisäksi esitin vastalauseen. →
En plus, j’ai protesté.
Tu es aussi allé voter ? Kävitkö samalla äänestämässä? →
Tu es allé voter, par la même occasion ? Tu en as profité pour aller voter ?
On a aussi acheté des fraises. Mekin ostettiin mansikota. →
Nous aussi, on a acheté des fraises.
Dans le code écrit, à la place de aussi, on utilise fréquemment le mot également. Les mêmes règles s’appliquent pour cet adverbe que pour aussi.
Souvent, en finnois le mot myös opère un renvoi implicite à un élément qui fait partie d’un cadre de connaissances communes, mais qui n’est pas exprimé ou mentionné clairement dans le contexte. Si un article de journal commence par exemple ainsi :
Myös Suomessa on alettu oppia toimimaan monikielisissä ympäristöissä, varsinkin pääkaupunkiseudulla.
le mot myös « aussi » signifie implicitement : « En Finlande aussi, [comme dans d’autres pays] ». Dans de tels cas, l’adverbe aussi utilisé seul peut paraitre obscur en français et il faut le « traduire » par une explication. Cette manière d’employer un myös implicite est très répandue en finnois et dans le domaine de la traduction (mais aussi de la rédaction en général, par des étudiants FLE par exemple), elle oblige parfois le traducteur ou rédacteur à un travail de « reconstitution » assez délicat :
En Finlande, comme ailleurs/comme dans d’autres pays, on commence à apprendre à évoluer dans un environnement multilingue, en particulier dans la capitale.
Rappel : en français, un adverbe ne peut pas « déterminer » ou « modifier » un nom ou un pronom.
En finnois comme en français, de nombreux adverbes peuvent se placer en tête de phrase (voir exemples ci-dessus). Il y a cependant un certain nombre d’adverbes français qui, dans cette position, prennent un sens différent ou relèvent d’un style différent — ou, dans le pire des cas, ils ne peuvent pas figurer à cette place. Placés en tête de phrase (ou de proposition), ils ne correspondent pas à leurs équivalents finnois habituels (par exemple myös – aussi) et changent souvent le sens de l’énoncé de façon assez considérable par rapport à ce que le locuteur finnophone imagine. Le plus important est l’adverbe aussi.
L’influence du finnois est souvent très forte et, dans l’expression écrite, les adverbes sont souvent utilisés à une place dans la phrase où c’est complètement impossible. Exemples de productions erronées authentiques :
On constate que *seulement la formation du présent est expliquée dans ce manuel. [forme correcte : On constate que seule la formation du présent est expliquée…] ■ L’anglais *probablement sera la lingua franca. [forme correcte : L’anglais sera probablement la lingua franca.] ■ Cependant, la leçon commence avec une partie orale où on *possiblement parle de la tour Eiffel [comprendre : où on parle probablement de la tour Eiffel]. ■ L’objectif de ce mémoire est d’étudier *si les manuels scolaires vraiment respectent et suivent les directives générales de l’enseignement. [forme correcte : … étudier la manière dont les manuels scolaires respectent et suivent vraiment les directives…]
L’adverbe même est aussi assez souvent antéposé au verbe par les étudiants finnophones :
Asiantuntijat ovat jopa sitä mieltä että… *les spécialistes même pensent que… [forme correcte : les spécialistes pensent même que…]
L’adverbe aussi en tête de phrase a uniquement un sens consécutif et correspond au finnois niinpä. Même quand ils le savent, de nombreux finnophones, sous l’influence du finnois, s’obstinent à le placer en tête de phrase, comme s’il pouvait parfois malgré tout avoir le sens de myös. Malheureusement, ce n’est pas le cas. La phrase suivante sera toujours interprétée par un francophone comme elle est traduite en finnois :
Aussi l’exemple suivant montre clairement que les apprenants ont du mal à comprendre cette règle. Niinpä seuraava esimerkki osoittaa selvästi, että oppijoilla on vaikeuksia omaksua se sääntö.
En tête de phrase, le plus simple et le plus courant est d’utiliser de même, ou bien de placer l’adverbe aussi à l’une de ses places possibles. Pour traduire la phrase finnoise ci-dessous, il y a plusieurs possibilités :
Myös seuraava esimerkki osoittaa selvästi, että oppijoilla on vaikeuksia omaksua se sääntö. →
De même, l’exemple suivant montre clairement que les apprenants ont du mal à comprendre cette règle. Ou bien :
L’exemple suivant montre aussi clairement que les apprenants ont du mal à comprendre cette règle.
Ou bien :
L’exemple suivant, de même, montre clairement que les apprenants ont du mal à comprendre cette règle. Ou bien :
L’exemple suivant montre également de façon évidente que les apprenants ont du mal à comprendre cette règle. [On évitera de préférence de faire suivre deux adverbes en ‑ment : également clairement]
Cet adverbe est aussi assez fréquemment employé de façon erronée en tête de phrase, à la place de aussi, sans doute pour varier le style ou peut-être parce que les étudiants de français langue étrangère pensent que le problème de la synonymie de aussi/myös et aussi/ niinpä ne concerne pas également. Malheureusement, ce n’est pas le cas. L’adverbe également en tête de phrase est senti comme très maladroit en français (il ne peut même pas s’interpréter avec un sens particulier comme aussi « niinpä »). Voir les solutions de remplacement dans les exemples ci-dessus.
Le sens de base de cet adverbe est temporel : « à ce moment-là » :
Alors le renard entra et attrapa la poule. Silloin kettu tuli sisään ja nappasi kanan.
En tête de phrase, dans le français parlé, alors s’utilise couramment comme connecteur dans le sens de sitten, no niin :
Tu es malade ? Alors, on n’ira pas au cinéma. Oletko kipeä? No sitten ei mennä elokuviin. ■ Alors, on part ? No, lähdetäänkö? ■ Alors ? comment ça va ? No? Kuinka voit? ■ Alors, ça avance ? No, edistyykö?
L’adverbe alors employé ainsi peut donc avoir un sens consécutif (Tu es malade ? Alors, on n’ira pas au cinéma). Pour cette raison, les finnophones ont tendance à utiliser alors à la place de l’adverbe donc, qui indique aussi une conséquence.
Mais alors à sens consécutif est utilisé essentiellement dans le français courant et parlé, et il est trop familier dans le code écrit strict. Il faut donc éviter d’utiliser alors dans la rédaction de type scientifique (autrement que dans le sens de silloin, sillä hetkellä, tuolloin), et utiliser donc ou des variantes comme par conséquent, dès lors :
Le complément de verbe direct est placé avant le verbe, *alors le participe passé s’accorde. → Le complément de verbe direct est placé avant le verbe, donc le participe passé s’accorde.
Cet adverbe est relativement peu utilisé dans le code écrit strict, où on préfère utiliser cependant, néanmoins, toutefois, pourtant, malgré cela, quoi qu’il en soit etc. Les variantes sont donc nombreuses, et on a le choix entre plusieurs synonymes. Bien que quand même ne soit pas familier et qu’il s’utilise aussi dans le code écrit dans le sens de « kaikesta huolimatta », il y a un cas où il faut éviter de l’utiliser dans le code écrit, c’est en tête de phrase, où il est trop familier. On dira donc de préférence :
Ces exemples montrent pourtant/cependant/néanmoins que la règle ne s’applique pas toujours. ■ Toutefois, ces exemples montrent que la règle ne s’applique pas toujours. ■ Quoi qu’il en soit, ces exemples montrent que la règle etc.
et on évitera la tournure suivante, qui est parfaitement grammaticale et admise dans la langue courante, mais trop familière pour l’écrit soigné :
Quand même, ces exemples montrent que la règle ne s’applique pas toujours.
En tête de phrase, cet adverbe s’emploie très fréquemment dans la langue courante avec un sens adversatif ou concessif et il équivaut à la tournure pseudo-clivée le problème c’est que…. Dans le code écrit, il est trop familier dans ce sens (on dira plutôt : cependant, toutefois, néanmoins etc.). La raison pour laquelle les finnophones ont tendance à l’utiliser si souvent, c’est qu’ils calquent sur la phrase française l’utilisation de [vain + groupe nominal] en tête de phrase, qui est impossible en français. Devant un groupe nominal, il faut utiliser l’adjectif seul, ou déplacer seulement. La phrase Seulement une occurrence indique que cette règle s’applique dans ce cas sera mieux formulée par exemple ainsi :
Une seule occurrence indique que cette règle s’applique dans ce cas. ■ Une occurrence seulement indique que cette règle s’applique dans ce cas. ■ Il n’y a qu’une seule occurrence qui indique que cette règle s’applique dans ce cas.
L’adverbe surtout est souvent employé par les finnophones en tête de phrase, car son équivalent finnois varsinkin peut facilement s’utiliser dans cette position devant un groupe nominal (GN). Mais en français, le mot surtout (comme aussi) ne peut pas « déterminer » un GN sujet. On utilisera donc de préférence une phrase clivée, comme dans le cas des superlatifs, puisque surtout a un sens superlatif. Dans ce cas-là, il est fréquent dans le style de type scientifique d’utiliser essentiellement à la place de surtout. Mais on peut aussi placer surtout après le GN sujet, en l’isolant avec des virgules :
Varsinkin vanhemmat tekstit osoittavat, että… Ce sont surtout/ essentiellement les textes plus anciens qui montrent que…/ Les textes plus anciens, surtout, montrent que… ■ Varsinkin Barthes oli sitä mieltä, että… C’est surtout Barthes qui pensait que…/ Barthes, surtout, pensait que…
En revanche, dans la langue courante, surtout peut s’utiliser devant un complément de phrase, mais il est toujours préférable, dans l’écrit soigné, de le mettre en deuxième position :
Surtout à la campagne, on trouve encore… → À la campagne, surtout, on trouve encore…
Cette restriction concernant l’usage de surtout en tête de phrase ne concerne pas les cas où surtout modifie une conjonction : surtout quand, surtout si, qu’on peut utiliser en début de subordonnée adverbiale postposée.
Dans le cas de l’adverbe déjà, l’erreur que commettent souvent les finnophones consiste à faire porter l’adverbe sur un groupe nominal (GN), ce qui est impossible, ou à placer un adverbe entre un pronom faible sujet et le verbe, ce qui est impossible également. Occasionnellement, l’élément qui contient déjà peut se retrouver en tête de phrase, ce qui fait entrer cet adverbe dans la catégorie de ceux à éviter en tête de phrase. Il faut d’une façon générale éviter de placer déjà devant un groupe nominal, que ce soit en tête de phrase ou ailleurs. Les équivalents du finnois jo devant un GN correspondent en français à des tournures variées :
*Déjà la nature des études de langues est très relâchée, et ne prépare pas à un certain métier. → La nature des études de langues en elle-même est assez généraliste et ne prépare pas forcément à un métier spécifique. ■ *Déjà la première page comporte beaucoup d’erreurs.→ La première page à elle seule comporte beaucoup d’erreurs.
Dans ces emplois, l’adverbe finnois jo à l’origine de l’erreur a un sens restrictif, qui peut être rendu dans le français parlé par rien que, rien qu’à. Il faut donc utiliser une expression autre qu’un adverbe.
Si le mot déjà porte sur un GN indiquant un moment, une date, on peut le remplacer avantageusement par la préposition dès :
*Déjà la première page comporte beaucoup d’erreurs. → Dès la première page, on relève un grand nombre d’erreurs. ■ Déjà en 2018 on constate une évolution très nette. → Dès 2018, on constate une évolution très nette.
Remarque : déjà s’emploie fréquemment en tête de phrase dans le français parlé, avec le sens de « pour commencer », « le premier problème c’est que », ou « ce qui est certain, c’est que », en finnois par exemple ensinnäkin… :
Déjà, on avait pas assez d’argent pour rester deux semaines, ça fait qu’on est pas partis du tout. ■ Déjà, la nature des études de langues est assez généraliste, donc ça ne prépare pas forcément à un métier spécifique.
Il y a en français une catégorie d’adverbes relativement « ouverte », dans laquelle on peut en principe créer des adverbes nouveaux. Ce sont les adverbes formés avec le suffixe ‑ment, qui correspondent par le sens et par la formation assez exactement aux adverbes finnois formés avec le suffixe -sti. Cependant, alors qu’en finnois il est possible de former un adverbe en -sti de façon très simple et très régulière à partir d’un grand nombre d’adjectifs (à condition que le sens de l’adjectif se prête à la transformation en adverbe), ce n’est pas le cas en français. On ne peut pas former des adverbes en ‑ment aussi librement et en aussi grand nombre qu’en finnois.
Parfois, l’adverbe en -ment n’a pas tout à fait ou pas du tout le même sens que l’adjectif à partir duquel il est formé, ce qui est rare en finnois. Par exemple vertement (← vert) ne signifie pas « vihreästi », mais « töykeästi ». La formation des adverbes en ‑ment présente de nombreuses irrégularités (voir Recommandations ci-dessous).
/amɑ̃/
, exactement comme la terminaison ‑amment (voir Guide de prononciation) : élégant → élégamment, savant → savamment, ardent → ardemment, prudent → prudemment, patient → patiemment, intelligent → intelligemment etc. Cela concerne 36 adverbes, dont environ 25 sont des adverbes courants. Ils forment une catégorie fermée : on ne crée plus d’adverbes en ‑emment ou ‑amment.La formation des adverbes en ‑ment présente de nombreuses caractéristiques morphologiques et orthographiques illogiques ou contradictoires : pourquoi vrai → vraiment, mais gai → gaiement ? Du point de vue de l’apprenant de français langue étrangère, il est inutile de retenir des règles de formation des adverbes en ‑ment, car elles sont trop irrégulières. La catégorie des adverbes en ‑ment n’est pas homogène et elle est nettement moins ouverte qu’on ne le dit généralement. Il n’y a pas de règle simple et unique permettant de déduire la forme d’un adverbe en ‑ment à partir de n’importe quel mot. De plus, même quand on connait les règles de formation de ces adverbes, on ne peut pas former des adverbes à partir de tous les adjectifs. Par exemple, il existe la forme savamment (de savant), mais pas de forme *amusamment (de amusant), qui correspondrait au finnois hauskasti.
Par rapport au finnois, le nombre d’adverbes en ‑ment est plus limité que ceux en ‑sti. Il vaut donc mieux toujours vérifier dans un dictionnaire pour savoir si l’adverbe qu’on veut former existe en français, et aussi vérifier la forme précise de cet adverbe (par exemple présence d’un accent aigu ou non, comme dans commodément). Cela permet aussi de contrôler le sens exact de l’adverbe, qui peut être éloigné de celui de l’adjectif sur lequel il est formé, par exemple confus « hämmentynyt », mais confusément « epämääräisesti », ou bien indéfini « tarkentamaton, epämääräinen », mais indéfiniment « loputtomiin ».
Il y a un moyen simple de contourner le problème, c’est d’utiliser la tournure de façon + adjectif. On peut l’utiliser avec tous les adjectifs (qui expriment une manière, un moyen) et elle permet de traduire toute une quantité d’adverbes du finnois qui n’ont pas d’équivalent directs en français :
hauskasti de façon amusante, näkyvästi de façon voyante, järkyttävästi de façon choquante, äkillisesti de façon inattendue etc.
27. Les adverbes. Mise à jour 26.2.2024